Interprétation des lois en matière pénale : une marchandise retournée est-elle considérée comme destinée à la vente?
Ordre des Agronomes du Québec
Un inspecteur du ministère du Revenu arrête un camion de la défenderesse qui allait livrer du tabac à un dépanneur. L’inspecteur demande au chauffeur du camion de lui présenter les manifestes de livraison. Le conducteur ne comprenant pas le français et ayant une connaissance limitée de l’anglais, l’inspecteur utilise alors le mot anglais « papers » pour se faire comprendre.
Un constat d’infraction est donc émis à la défenderesse lui reprochant d’avoir contrevenu à l’article 14.2 de la Loi concernant l’impôt sur le tabac. Cet article prévoit que toute personne qui contrevient à l’article 7.9 de cette loi est passible d’une amende. L’article 7.9 prévoit quant è lui l’obligation de dresser un manifeste conforme à la réglementation pour le tabac transporté et de le conserver dans le véhicule utilisé pour le transport.
La décision
[34] D’emblée, il convient de préciser que les difficultés linguistiques du conducteur du camion ne permettent pas à la compagnie d’échapper à sa responsabilité pénale. Il lui appartient, en tant qu’employeur, de s’assurer que le personnel affecté au transport des produits du tabac soit en mesure de comprendre les demandes des personnes chargées de l’application de la loi, lorsque celles-ci s’expriment en français et/ou (sic) en anglais.
[35] Si la compagnie emploie une personne qui ne parle ni le français ni l’anglais, et qu’elle affecte cette personne à une fonction où elle est susceptible d’être en contact avec des personnes chargées de l’application de la loi (enquêteurs, inspecteurs, policiers, etc.), elle peut difficilement invoquer l’incompréhension de son employé lorsque des contrôles sont effectués dans le cadre de la loi.
[46] Enfin, cette interprétation conduirait à un non-sens. Le but de l’article 7.9 de la Loi concernant l’impôt sur le tabac est de documenter le transport de tabac afin d’éviter, entre autre, la contrebande de ce produit. Accepter cet argument signifie que les compagnies effectuant le transport de tabac pourraient échapper à l’obligation de documenter la marchandise conformément à la loi en invoquant qu’il s’agit de retours.
[…]
[49] Le Tribunal considère que l’article 7.9 de la Loi concernant l’impôt sur le tabac ne souffre d’aucune ambiguïté. L’interprétation que voudrait donner le procureur de la défenderesse aux mots «destinés à la vente», pour exclure la marchandise retournée de l’obligation qu’elle soit documentée par un manifeste ou lettre de voiture, n’est pas en harmonie avec l’intention du législateur. Il n’y a donc pas lieu de recourir à d’autres principes d’interprétation des lois que ceux édictés à l’article 41 de la Loi d’interprétation.
[50] Finalement, qu’est-ce que de la marchandise retournée sinon de la marchandise « destinée à la vente » que l’on n’a pas réussi à vendre…
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