Par Pierre-Luc
Beauchesne
Gowling Lafleur Henderson s.e.n.c.r.l., s.r.l.
Construction Delaumar inc. c. Verrières
Val des Arbres Inc. (Séquestre de), 2012 QCCA 985
Dans Construction Delaumar inc. c. Verrières Val des Arbres Inc. (Séquestre de)
(2012 QCCA 985), la Cour d’appel retient la théorie de la plus-value
relative relativement à la distribution de sommes d’argent provenant de la
vente d’un immeuble par un séquestre intérimaire entre les créanciers
détenteurs d’hypothèque légale de la construction et ceux détenteurs
d’hypothèques conventionnelles lorsque le produit de vente n’est pas suffisant
pour payer l’ensemble des créanciers.
En septembre 2004, Les Verrières Val des Arbres Inc. (ci-après
« Verrières ») achète un terrain afin de construire un projet de
quatre immeubles à condos. Verrières a des difficultés à obtenir le
financement nécessaire pour compléter son projet et, en octobre 2006, une
requête pour la nomination d’un séquestre intérimaire en vertu de l’article 47
de la Loi sur la faillite et
l’insolvabilité est présentée par trois créanciers. Cette requête est
accueillie, et Raymond Chabot Inc. est nommé séquestre intérimaire (ci-après le
« Séquestre ») avec le pouvoir de vendre le terrain et la bâtisse
érigée sur celui-ci en suivant les règles particulières de la vente sous
contrôle de justice du Code civil du
Québec et du Code de procédure civile.
Après avoir sollicité des offres d’achat, le Séquestre obtient
l’autorisation de vendre l’immeuble pour la somme de
2 528 800 $. Suite à la vente, le Séquestre dépose une requête
visant à faire approuver son état de collocation. Le Séquestre a appliqué la
théorie de la plus-value relative, de telle sorte que les créanciers détenteurs
d’une hypothèque conventionnelle ont reçu 34,35% du produit de vente, alors que
ceux qui détenaient une hypothèque légale de la construction ont reçu 65,65%.
Certains créanciers ont contesté l’état de collocation, d’où le jugement de première instance qui a
toutefois donné raison au Séquestre.
Les appelants soutiennent la théorie de la plus-value absolue. Selon
eux, le produit de vente doit être versé aux détenteurs d’hypothèque légale
jusqu’à concurrence d’un montant équivalent à la plus-value apportée à
l’immeuble, ce qui aurait pour effet, dans le présent cas, de priver les
détenteurs d’hypothèque conventionnelle de toute participation au produit de
vente.
Le tribunal rappelle tout d’abord les principes applicables en matière d’hypothèque légale de la construction. Le tribunal rappelle que l’hypothèque légale de la construction ne porte pas que sur les ouvrages effectués, mais s’étend à tout l’immeuble. Celle-ci garantit toutefois seulement la plus-value apportée par ces travaux à l’immeuble. Le tribunal rappelle également que l’hypothèque légale de la construction prend rang avant toute autre hypothèque publiée pour la plus-value apportée à l’immeuble. Par conséquent, le produit de vente doit être versé en priorité aux créanciers détenteurs d’une hypothèque légale jusqu’à concurrence d’un montant équivalent à la plus-value.
Le tribunal analyse par la suite les théories de la plus-value relative
et de la plus-value absolue. Le tribunal retient la théorie de la plus-value
relative qui a été appliquée par le juge de première instance et le
Séquestre :
« [44] Sur
un plan théorique, nous l'avons vu, la plus-value correspond à la valeur
ajoutée à l'immeuble à la suite des travaux. Ainsi, en l'espèce, les créanciers
détenteurs d'hypothèques légales ont fait des travaux et fourni des matériaux
pour environ 4,4 millions de dollars et il n'est pas nié que ces travaux
et matériaux ont donné une importante plus-value à l'immeuble.
[45]
Par ailleurs, le séquestre a vendu l'immeuble 2,8 millions de dollars. La
plus-value donnée à l'immeuble, logiquement, ne peut donc pas être pour un
montant supérieur au prix de vente obtenu.
[46]
De plus, il se trouve que dans ce montant de 2,8 millions de dollars, il y a la
valeur du terrain. Là encore, on ne peut donc pas affirmer que ce montant de
2,8 millions $ correspond à la plus-value donnée à l'immeuble. Il faut
nécessairement tenir compte de la valeur du terrain si on veut déterminer le
montant de la plus-value.
[47]
Comme les créanciers de la construction prennent rang uniquement pour la
plus-value apportée à l'immeuble, il revenait au juge d'établir cette dernière
afin d'éviter qu'ils ne prennent rang avant les autres créanciers hypothécaires
pour un montant supérieur à la plus-value, ce qui serait contraire à l'article
2952 C.c.Q.
[48] Faute
d'une meilleure preuve, le juge a utilisé pour établir la plus-value et ainsi
la part du produit net de vente à être partagée entre les créanciers de la
construction, la formule décrite au paragraphe 34, retenant la solution du
séquestre intérimaire qui, avec raison, a appliqué la théorie de la plus-value
relative. Ce faisant, le juge de première instance a correctement décidé en
l'espèce. »
Par conséquent, la portion à distribuer aux détenteurs d’une hypothèque
légale de la construction se calcule de la façon suivante :
[Prix de vente – créances prioritaires] X
Plus-value
Juste valeur marchande de l'immeuble
Le tribunal tient également compte dans sa décision des ordonnances
antérieures où la vente de l’immeuble a été assimilée à une vente en justice.
Par conséquent, le Séquestre était tenu de suivre les règles applicables à la
procédure de vente du bien d’autrui et procéder lors de la confection de son
état de collocation à une ventilation afin de déterminer la proportion
attribuable à chaque créancier.
Commentaires
Cet arrêt de la Cour d’appel pourrait mettre fin à la querelle
doctrinale entre les défenseurs de la théorie de la plus-value relative et ceux
de la théorie de la plus-value absolue. Il sera intéressant de voir les
répercussions de cet arrêt dans la doctrine.
Le texte intégral de la décision se retrouve ici.
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