McCarthy Tétrault
Cette semaine, la Cour d'appel a un rôle tellement chargé que nous avons décidé de scinder la présente chronique en deux parties. Vous trouverez donc ici le résumé des auditions prévues pour le 29 et le 30 octobre 2012. La suite mercredi matin.
Procédure civile. Irrecevabilité. Procédures
abusives. Art. 54.1 et suiv. C.p.c. Le 29 octobre 2012, devant la Cour d’appel de Montréal, sera entendu
l’appel de la décision rendue par l’honorable André Wéry dans l’affaire Valkanas c. IPC Financial Network Inc., 2011
QCCS 5683, rejetant l’action des demandeurs en application des articles 54.1
et suiv. C.p.c. Les faits de l’affaire sont quelque peu compliqués. Qu’il
suffise donc de mentionner que les demandeurs avaient institué une action comprenant
entre autres une réclamation en dommages pour atteinte à leur réputation, en
raison de la façon dont les défenderesses avaient réglé des différends
impliquant des anciens clients des demandeurs, après avoir acquis leur
entreprise de courtage en placements, alors que ces clients alléguaient avoir
été victimes de fraude de la part de leurs anciens courtiers. La Cour
supérieure mentionne notamment ce qui suit, dans le jugement de première
instance :
« [14] En effet, de
nombreuses procédures furent éventuellement intentées par ces clients, tant
contre IPC que Valkanas, alléguant la conduite frauduleuse de ce dernier. Or,
de ces affaires qui se rendirent à procès, les jugements furent dévastateurs à
l’égard de Valkanas. Tous conclurent à sa conduite frauduleuse. […]
[…]
[122] Il est clair que tout ce
que Valkanas a réussi à démontrer c'est qu’il est prêt à soulever n’importe
quel argument, à prétendre n’importe quoi, à mentir à ses clients et aux juges,
à intimider ceux qui s’opposent à lui, à se servir du système judiciaire pour
échapper aux conséquences inéluctables de sa conduite frauduleuse. Or, c’est
cette idée « d’un usage mauvais, excessif ou injuste » de la procédure que vise
à contrer l’article 54.1 du Code de procédure civile. »
Dans
le jugement accordant la permission d’appeler (Valkanas c. IPC Financial
Network Inc., 2012
QCCA 297), l’honorable Jacques R. Fournier décrivait comme suit la question
qui se pose en appel :
« [16] Se pose la
question de savoir si la frivolité de l'action est à l'origine du rejet ou si
c'est le comportement quérulent de Valkanas que le juge considère comme
déterminant pour le faire basculer vers la sanction extrême qu'est le rejet de
l'action, alors que le degré de sévérité doit être évalué à l'aune des
décisions rendues dans les affaires Cosoltec et Acadia Subaru, d'une part, et
que la jurisprudence élaborée autour de l'article 75.1 C.p.c. a toujours appelé
à la plus grande prudence lorsqu'il s'agit du rejet sommaire d'une action.
[17] Cette question est
nouvelle au sens de l'article 26 C.p.c. et mérite l'attention de la Cour.
[18] Autrement dit, la
sanction habituelle de la quérulence est d'assujettir les recours judiciaires à
la permission d'un juge en chef. Dans cette optique, les jugements rendus
contre l'individu par une demande de déclaration de quérulence font partie des
critères à analyser. La question de savoir s'ils peuvent servir de fondement au
rejet d'une action est autre. »
Après
avoir accordé la permission d’appeler, l’honorable Fournier a assujetti la
poursuite de l’appel au dépôt d’un cautionnement de 10 000$ (Valkanas c. IPC Financial Network Inc., 2012
QCCA 360). Cette dernière décision avait été résumée sur le Blogue
du CRL.
Procédure civile. Objections. Secret
professionnel. Le 29 octobre
2012, la Cour d’appel de Montréal entendra l’appel de la décision rendue par
l’honorable Jean Guilbault dans l’affaire Société
canadienne d'hypothèques et de logement c. Laquerre, 2011
QCCS 4224. Le tout est en lien avec une histoire de fraude sur le marché
immobilier, alors que des résidences ont été achetées puis immédiatement
revendues à des valeurs grossièrement supérieures à leur juste valeur marchande
à des emprunteurs insolvables. La SCHL cherchait à avoir accès aux documents du
notaire instrumentant, qui refusait de les communiquer bien que la SCHL ait été
partie aux transactions, au motif que les autres parties aux transactions
n’avaient pas consenti à la communication. La Cour supérieure a rejeté les
objections du notaire en ces termes :
« [8] Dans un
premier temps, est-il besoin de rappeler que la protection de ce droit
fondamental qu’est le secret professionnel, bénéficie non pas au professionnel
concerné mais aux parties, et dans la présente instance, il s’agit d’une partie
elle-même qui désire obtenir l’information du notaire à qui elle a confié un
mandat.
[…]
[13] C’est la prétention du
notaire que, bien que les informations et renseignements soient requis par une
des parties elle-même, il ne peut être relevé de son obligation au secret
professionnel que dans la mesure où toutes les parties aux diverses
transactions y consentent.
[14] Tout en rejetant cette
prétention et en insistant sur le fait que les documents et informations requis
portent sur les prêts et le mandat confié par les banques au notaire, et
qu’elles ont un droit fondamental dans ceux-ci, la SCHL a, de plus, soumis au
Tribunal que l’objection du secret professionnel ne pouvait être soulevée dans
le présent dossier vu la nature des fautes reprochées au notaire et aux parties
impliquées dans les diverses transactions, en s’appuyant plus particulièrement
sur la jurisprudence établissant une exception au secret professionnel
lorsqu’il y a poursuite d’un dessein illicite et commission d’un crime, et ce,
peu importe la connaissance du notaire à cet égard. »
L’honorable Jacques R.
Fournier a accueilli la demande d’intervention du Barreau du Québec et de la
Chambre des notaires du Québec dans le dossier en appel (Chambre des notaires du Québec c. Laquerre, 2011
QCCA 2105).
Droit criminel. Meurtre deuxième degré. Le 30 octobre 2012, la Cour d’appel de Montréal
entendra le dossier Sainvil c. La Reine, en appel d’une décision non
publiée où l’accusé avait été trouvé coupable de meurtre au second degré. Le Courrier du Sud en Montérégie traitait
de cette affaire dans un article
publié le 17 février 2010.
Droit international privé. Exception
déclinatoire. Forum non conveniens. Art.
3135 et 3148 C.c.Q. Le 30 octobre 2012, la Cour d’appel de Montréal entendra
l’appel de la décision Stormbreaker Marketing and Productions Inc. c. World
Class Events Ltd. (Sports Legends Challenge), 2012
QCCS 1691. Le litige traite d’une histoire de commandite dans le monde du
poker. L’avocat de la compagnie défenderesse est co-défendeur. Ses clientes
n’ont pas comparu dans l’instance.
La
Cour supérieure a jugé : (1) que l’avocat n’était pas partie au contrat et
ne pouvait donc se voir opposer la clause d’élection de for en faveur de la
juridiction québécoise; (2) qu’il n’y avait aucune allégation faisant état du
fait que l’avocat aurait assumé les obligations de ses clientes à titre de
« "successor", "affiliate", "designee", ou
"assign" », ce qui rendrait le contrat opposable à l’avocat, tel
que mentionné au contrat.
Cependant,
la demanderesse avait démontré prima
facie qu’une autre entente, de fiducie, étaient intervenue entre elle et
l’avocat, qui elle donnait compétence aux tribunaux québécois :
« [40] En vertu de
l'article 1297 C.c.Q., le fiduciaire doit, au terme de la fiducie, remettre les
biens à ceux qui y ont droit. Or, la remise ne peut se faire qu'à l'endroit où
est domiciliée la personne qui a le droit de recevoir les biens à moins
d'entente contraire, ici au Québec.
[41] L'une des obligations
découlant de l'entente alléguée devant être exécutée au Québec, l'autorité
judiciaire québécoise est compétente pour trancher le litige.
[42] De plus, le tribunal
estime qu'une autre condition est remplie. En effet, Stormbreaker a subi « un
préjudice au Québec », selon l'interprétation qu'en donne notre Cour d'appel
dans l'arrêt Option Consommateurs c. Infineon Technologies, a.g. »
Le
Tribunal a néanmoins accueilli la requête en exception déclinatoire, jugeant
que les tribunaux québécois devaient décliner compétence en application des
critères définis dans l’arrêt Oppenheim
forfait GMBH c. Lexus Maritime Inc.,
J.E. 98-1592 :
« [63] Le tribunal
estime qu'il se dégage de cette démonstration une nette impression que
l'autorité judiciaire de l'État de Géorgie est mieux à même de trancher le
litige et qu'il y a lieu, exceptionnellement, de décliner compétence dans la
présente affaire. »
Droits de la personne. Rapports collectifs de
travail. Discrimination fondée sur l’âge. Le 30 octobre 2012, la Cour d’appel de Québec entendra l’appel de la
décision Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse c. Syndicat des constables spéciaux, 2010
QCTDP 3 où le Tribunal des droits de la personne avait invalidé certaines
modalités de la convention collective des constables spéciaux à l’emploi du
ministère de la Sécurité publique et avait ordonné qu’elles ne soient plus
appliquées, vu leur effet discriminatoire. La nature de la plainte portée par
la Commission des droits de la personne était la suivante :
« [2] Dans
chacune des résolutions adoptées le 23 novembre 2001 préalablement à l’exercice
du recours devant le Tribunal, la Commission décrit l’objet de la plainte de la
façon suivante :
« … l’entente intervenue entre le ministère et le syndicat mis en cause,
et qui est entrée en vigueur le 1er novembre 1996, a eu un effet discriminatoire
sur les plus jeunes constables en ce que les clauses relatives à la diminution
de salaire et à la non-reconnaissance de l’expérience antérieure ou du temps de
service accumulé avant l’entente ne touchent que les constables spéciaux
occasionnels dont l’âge moyen est d’environ 33 ans comparativement à 49 ans
pour les constables spéciaux permanents.»
[3] Appuyant son recours
sur les articles 10 et 16 de la Charte des droits et libertés de la personne
(ci-après «la Charte»), la Commission allègue que les modifications apportées à
la convention collective en vigueur portent atteinte au droit des plaignants
d’être traités en toute égalité sans distinction, exclusion ou préférence
fondée sur l’âge, au niveau de leurs conditions de travail.
[4] Cette discrimination
salariale fondée sur l'âge a également porté une atteinte discriminatoire au
droit des victimes à la sauvegarde de leur dignité, contrevenant de plus aux
articles 10 et 4 de la Charte. »
Aucun commentaire:
Publier un commentaire
L'équipe du Blogue vous encourage à partager avec nous et nos lecteurs vos commentaires et impressions afin d'alimenter les discussions sur le Blogue. Par ailleurs, prenez note du fait qu'aucun commentaire ne sera publié avant d'avoir été approuvé par un modérateur et que l'équipe du Blogue se réserve l'entière discrétion de ne pas publier tout commentaire jugé inapproprié.