Par Valérie Lafond
Dunton Rainville
s.e.n.c.r.l.
Dans
Métro Richelieu inc. (Super C de
Chicoutimi) c. Syndicat des travailleuses
et travailleurs du Super C Chicoutimi (CSN) (2012 QCCS 4537), la Cour
supérieure s’est penchée sur cette question et a répondu par la négative. Les
demanderesses, Métro Richelieu inc. pour l’établissement Super C de Chicoutimi
(Super C Chicoutimi) et Métro-Richelieu inc. pour l’établissement Métro GP de
Cabano (Métro Cabano), cherchaient à faire déclarer illégale la stratégie de
« négociation coordonnée » utilisée par les syndicats défendeurs (CSN
Chicoutimi et CSN Cabano) et la Fédération du Commerce inc. (« CSN »)
par la voie d’une requête en jugement déclaratoire en Cour supérieure.
Cette
affaire a commencé en 2010 devant la Commission des relations du travail
(« CRT ») où les demanderesses avaient intenté leur recours afin que
soit déclarée illégale la stratégie de négociation coordonnée[i]
qui était utilisée par les défendeurs pendant les négociations qui avaient cours
à cette époque, au motif que celle-ci contrevenait à l’esprit, à la lettre et à
l’économie générale du Code du travail
(L.R.Q., c. C-27). Elles souhaitaient également que cette stratégie soit
déclarée contraire à l’obligation de négocier avec diligence et bonne foi, comme
le prévoit l’article 53 du Code du
travail.
La
CRT a rejeté la requête des demanderesses (« CRT-1 »)
et cette décision a été confirmée en révision administrative (« CRT-2 »).
Dans CRT-1, la CRT explique qu’elle n’a pas le pouvoir de rendre des jugements
déclaratoires comme le demandaient les demanderesses. La CRT ajoute qu’il
n’existe pas de dispositions dans le Code
du travail régissant la phase précédant les négociations et que les
syndicats pouvaient ainsi se mettre d’accord sur une stratégie et des
recommandations communes, à condition de respecter leur obligation de négocier
de bonne foi. En effet, bien que la période pré-négociation ne soit pas
encadrée par le Code du travail, la
CRT considère cette phase dans le cadre de son analyse quant au respect de
l’obligation de négocier de bonne foi. Dans
les circonstances, la CRT a considéré que les négociations avaient été
conduites de bonne foi par les parties.
Dans
CRT-2, la CRT rejette l’argument des demanderesses à l’effet que la CRT a
refusé d’exercer sa compétence dans CRT-1. CRT-2 explique que la question soumise
par les demanderesses ne pouvait être évaluée de façon théorique en raison de
l’absence de compétence attribuée à la CRT pour rendre des jugements
déclaratoires. La CRT a plutôt procédé à une analyse de chacune des négociations
de convention collective en cause de façon concrète, tout en prenant en
considération l’adhésion des syndicats à la négociation coordonnée et les
précédents invoqués par les demanderesses.
Suite
à ces décisions, les demanderesses ont entrepris le présent recours en jugement
déclaratoire en Cour supérieure afin de faire déclarer illégale cette stratégie
et ce, pour les négociations à venir. Elles soulèvent essentiellement les
arguments soulevés devant la CRT, soit que cette stratégie de négociation
utilisée vient à l’encontre de l’esprit du Code
du travail et contrevient à l’équilibre entre les parties syndicales et
patronales dans le cadre de la négociation collective.
Les
défendeurs ont déposé une requête en irrecevabilité, notamment pour le motif
que la Cour supérieure n’aurait pas compétence dans ce domaine, lequel relèverait
exclusivement de la CRT.
Dans son analyse, la Cour supérieure revient sur les
décisions CRT-1 et CRT-2 et confirme la position des défendeurs. En effet, la
Cour supérieure considère que le recours entrepris par les demanderesses relève
de la compétence exclusive de la CRT. Le Tribunal s’exprime ainsi :
« [43] Le Tribunal
est d'opinion que le Code du travail ne s'applique pas comme tel à la phase qui
précède la négociation de la convention collective.
[44] Le Code du travail
s'applique par ailleurs à tous les volets de la négociation comme telle.
[45] Le cas sous étude
concerne les attentes des parties entre elles en vue de leurs prochaines
négociations.
[46] Le Tribunal estime
que le véhicule procédural choisi par les demanderesses est un moyen détourné
et non admissible afin de soumettre à la Cour supérieure une question qui
relève de la compétence exclusive dévolue à la CRT.
[47] Lorsque le
législateur a spécifiquement prévu un autre tribunal pour décider de la portée
d'une disposition d'une loi spécifique, le recours à la requête pour jugement
déclaratoire ne peut être utilisé.
[48] En l'espèce, le
recours en jugement déclaratoire institué par le syndicat est mal fondé et n'a
aucune chance raisonnable de succès. Il peut et doit être rejeté à ce
stade préliminaire, par requête en irrecevabilité. »
Le texte intégral de la décision se retrouve ici.
[i] Tel que précisé dans le jugement au paragraphe 6 : La stratégie de négociation coordonnée constitue « une stratégie de
négociation uniforme pour tous les marchés d'alimentation de la région quelle
que soit la bannière ».
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