Par François-Xavier Robert
Ordre des agronomes du Québec
Dans la décision Directeur
des poursuites criminelles et pénales c. Marcoux, 2012 QCCQ 8759, rendue le 17 octobre 2012, la Cour du
Québec conclut à la culpabilité du défendeur, à qui le poursuivant reprochait
d’avoir exécuté des travaux sans déterminer de certificat d’autorisation et
d’avoir entravé l’exercice des fonctions d’un fonctionnaire. Dans sa décision,
la Cour du Québec aborde les deux moyens de défense soulevés par le défendeur,
soit l’existence de droits acquis et la diligence raisonnable suite à
l’obtention de conseils de son avocat.
Les faits
Le défendeur exploite une plage adjacente à un terrain
de location de chalets et d’espaces de location pour roulottes. À chaque année,
il exécute des travaux de dévégétalisation et de nivelage pour entretenir sa
plage.
À deux reprises, une employée du ministère du
Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP) se rend sur les
lieux pour procéder à une inspection. À chaque fois, le défendeur demande à
l’employée qui s’est présentée de quitter les lieux immédiatement, malgré qu’il
soit averti qu’une telle demande constitue de l’entrave.
Le défendeur base sa décision sur un avis obtenu de
son avocat à l’effet qu’il possède des droits acquis lui permettant d’effectuer
les travaux sur sa plage sans avoir besoin de détenir un certificat
d’autorisation.
Le poursuivant intente une poursuite pénale contre le
défendeur lui reprochant :
-
d’avoir entrepris l’exercice d’une activité
susceptible de résulter en une émission, un dépôt, un dégagement ou un rejet
d’un contaminant dans l’environnement ou une modification de la qualité de
l’environnement, sans détenir un certificat d’autorisation;
-
avoir exécuté des travaux ou des ouvrages dans un
cours d’eau;
-
avoir entravé, à deux reprises, l’exercice des
fonctions d’un fonctionnaire du MDDEP.
Afin de faciliter la compréhension du présent billet,
je reproduits ci-dessous les dispositions pertinentes, soit les articles 22 al.
1 et 2 et 121 de la Loi sur qualité de
l’environnement, L.R.Q., c. Q-2 :
« 22. Nul ne peut ériger ou modifier une construction, entreprendre
l'exploitation d'une industrie quelconque, l'exercice d'une activité ou
l'utilisation d'un procédé industriel ni augmenter la production d'un bien ou
d'un service s'il est susceptible d'en résulter une émission, un dépôt, un
dégagement ou un rejet de contaminants dans l'environnement ou une modification
de la qualité de l'environnement, à moins d'obtenir préalablement du ministre
un certificat d'autorisation.
Cependant, quiconque
érige ou modifie une construction, exécute des travaux ou des ouvrages, entreprend
l'exploitation d'une industrie quelconque, l'exercice d'une activité ou
l'utilisation d'un procédé industriel ou
augmente la production d'un bien ou d'un service dans un cours d'eau à débit
régulier ou intermittent, dans un lac, un étang, un marais, un marécage ou une
tourbière doit préalablement obtenir du ministre un certificat d'autorisation.
[…] »
« 121. Nul ne doit entraver l'exercice
des fonctions d'un fonctionnaire ou employé visé dans les articles 119, 120 et
120.1, ni le tromper par des réticences ou des fausses déclarations, ni
négliger d'obéir à tout ordre qu'il peut donner en vertu de la présente loi, ni
enlever, détériorer ou laisser se détériorer une affiche dont il aura ordonné
l'installation. »
La décision
Les travaux
Avant d’aborder les moyens de défense soulevés par le
défendeur, la Cour du Québec vérifie si le poursuivant a prouvé la commission
de l’infraction quant aux travaux.
La Cour du Québec conclut que le défendeur entreprend
les travaux à chaque année au printemps et les cesse à l’automne. Puisque la
preuve révèle que ces travaux résultent, en une modification de la qualité de
l’environnement, le défendeur devait détenir un certificat d’autorisation pour
les réaliser.
Le tribunal conclut également que le défendeur a
exécuté des travaux ou des ouvrages dans un cours d’eau. La juge de paix
magistrat précise que, pour qu’il y ait contravention à l’article 22 al. 2, il
n’est pas nécessaire qu’il y ait présence d’un contaminant ou dégradation de la
qualité de l’environnement [par. 26].
Les droits
acquis
Se basant sur la doctrine et la jurisprudence, la Cour
du Québec conclut qu’il ne peut faire valoir en défense des droits acquis
puisque l’interdiction visée concerne la protection de l’environnement. À cet
effet, la juge de paix magistrat indique son désaccord avec une décision rendue
par une cour municipale qui avait conclu dans le sens contraire.
La Cour du Québec écrit :
« [38] L'intention du législateur de porter atteinte aux droits
acquis de la nature de ceux exposés en l'espèce s'infère de l'objectif visé par
la Loi. Maintenir les droits acquis
signifie mettre en péril le résultat concret des nouvelles mesures de
protection de l'environnement. »
La preuve de
diligence raisonnable
La Cour du Québec conclut que la vérification de
l’état de ses droits auprès d’un avocat ne peut constituer une défense d’être
induit en erreur par une personne en situation d’autorité, au sens de l’arrêt Ville de Lévis c. Tétreault, 2006
CSC 12. À cet effet, le tribunal note que l’avocat consulté
ne représente pas l’entité chargée d’appliquer la loi.
Le tribunal ajoute également que la jurisprudence est
claire à l’effet que cela ne peut constituer une défense de diligence
raisonnable. À cet effet, la juge de paix magistrat cite un extrait de l’arrêt Autorité des marchés financiers c. Fournier, 2012
QCCA 1179 à l’effet qu’il s’agit d’une erreur de droit,
laquelle ne constitue pas une « défense reconnue en droit canadien »
[par. 44].
L’entrave
Se basant sur la jurisprudence, la Cour du Québec
rejette la prétention du défendeur à l’effet qu’il est nécessaire qu’il y ait
empêchement physique pour qu’il y ait entrave. Elle conclut que, dans le cas
présent, le défendeur a entravé le travail des deux fonctionnaires.
Le défendeur est donc déclaré coupable des quatre
infractions.
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