François-Xavier Robert
Ordre des agronomes du Québec
Dans la décision Vakilan
c. Directeur des poursuites criminelles
et pénales, 2012 QCCS 5736, la Cour supérieure accueille l’appel du
défendeur, qui avait plaidé que le juge qui l’avait déclaré coupable de
l’infraction reprochée n’avait pas compétence pour le faire.
Les faits
Le poursuivant reproche au défendeur d’avoir
contrevenu à l’article 329 C.S.R. en circulant à une vitesse plus élevée que
celle permise par la signalisation.
Après avoir obtenu à deux reprises que son procès soit
remis et après que le poursuivant ait omis ou refusé de lui divulguer certains
éléments de preuve, le défendeur présente une requête en arrêt des procédures.
Après d’autres remises de l’affaire, la requête en
arrêt des procédures est entendue par la juge de paix magistrat Suzanne
Bousquet. Moins d’un mois plus tard, la juge rend sa décision et rejette la
requête.
Quelques jours avant la date prévue pour l’audition
sur le fond, le défendeur présente une requête à la juge Bousquet pour assigner
le ministre des Transports comme témoin. Cette demande est rejetée séance
tenante et le procès est reporté à nouveau.
L’audition sur le fond débute devant la juge de paix
magistrat White et ce, sans que quiconque s’y objecte. Toutefois, pour des
raisons administratives, la juge White se dessaisit du dossier.
Finalement, le dossier est reporté quelques mois plus
tard pour être entendu par la juge de paix Dominique Benoît, toujours sans
objection des parties. Le défendeur présente une nouvelle requête en arrêt des
procédures. La juge rejette séance tenante la requête en arrêt des procédures
du défendeur et le déclare coupable de l’infraction. La juge le condamne au
paiement de l’amende minimale majorée des frais administratifs.
Le défendeur se pourvoit en appel en invoquant comme motif différentes
erreurs de droit et de fait commises par les juges Bousquet et Benoît.
La décision
La Cour supérieure indique que le moyen d’appel du
défendeur relatif à l’absence de compétence de la juge Benoît doit être traité
en premier lieu.
À cet effet, la Cour supérieure précise que, bien que
l’article 169 C.p.p. prévoit qu’une demande préliminaire peut être présentée
devant un juge autre que celui qui sera désigné pour instruire la poursuite,
cette règle ne vise que les demandes prévues à l’article 174 C.p.p.
Je reproduis ici les articles 169 al. 1 et 174
C.p.p. :
« 169. Une demande préliminaire peut être présentée,
soit avant la date prévue pour l'instruction à un juge ayant compétence pour
instruire la poursuite dans le district judiciaire où la poursuite a été
intentée, soit lors de l'instruction au juge qui instruit la poursuite avec la
permission de ce dernier. […]»
1° le
transfert du dossier de la poursuite;
2° le
changement de district judiciaire;
3° l'obtention
de détails quant à l'accusation;
4° la
modification d'un chef d'accusation;
5° la
modification du constat d'infraction;
6° la
tenue d'une instruction séparée des chefs d'accusation contenus dans un constat
d'infraction ou d'une instruction conjointe de chefs d'accusation contenus dans
plus d'un constat;
7° l'obtention
par un défendeur d'une instruction séparée;
8° le
rejet de la poursuite. »
À cet effet,
le juge écrit :
« [22] Les articles 169 et 196 du Code de procédure pénal du Québec
prévoient qu’une demande préliminaire peut être instruite par un autre juge que
le juge du procès. Cependant, la portée de ces dispositions est limitée par
l’article 174 qui énonce ce que visent ces dispositions et ce qui ne comprend
pas la divulgation de la preuve. »
Se basant sur l’arrêt R. c. Commanda, 2007 QCCA 947, rendu en matière criminelle, la Cour supérieure
indique qu’il revient au juge de procès de trancher les questions relatives à
la divulgation de preuve.
La Cour supérieure conclut que la juge Bousquet avait été saisie du dossier
lors de la première demande d’arrêt des procédures pour non-divulgation de la
preuve, suivie de la requête pour assigner le ministre des Transports.
Le juge ajoute que l’article 195 al. 1 C.p.p. commandait que la juge Bousquet
rende jugement sur le fond de l’affaire. Je reproduits ici cet alinéa :
« 195. Le juge qui instruit
la poursuite doit rendre jugement quant à elle; s'il est empêché en raison
d'une maladie ou pour un autre motif sérieux de compléter l'instruction ou de
rendre jugement, l'instruction doit être reprise par un autre juge de même
compétence. »
En conséquence, l’appel est accueilli et le dossier est retourné au juge
Bousquet pour que celle-ci rende jugement sur le fond de l’affaire.
Par ailleurs, la Cour supérieure refuse de se prononcer sur l’argument du
défendeur relatif à une erreur commise par la juge Bousquet dans l’appréciation
de sa requête pour arrêt des procédures en raison du refus ou de l’omission de
divulguer certains éléments de preuve.
Commentaires
Je me permets quelques observations.
« L’arrêt des
procédures », au sens où on l’entend généralement, n’existe pas à
proprement parler dans le Code de
procédure pénale.
En fait, l’arrêt des procédures a été introduit dans le droit pénal
provincial par la jurisprudence, probablement par le biais de l’article 60
C.p.p. qui prévoit que les moyens de défense reconnus en matière pénale ou en
matière criminelle s’appliquent « compte tenu des adaptations
nécessaires », sous réserve des règles prévues dans le Code de procédure pénale ou dans une
autre loi.
Selon les auteurs du Code de
procédure pénale annoté, l’avant-projet de loi instituant le Code de
procédure pénale prévoyait parmi les demandes préliminaires prévues à l’article
174 C.p.p. l’arrêt judiciaire de la poursuite. Toutefois, pour des motifs
d’incertitude juridique, le législateur a préféré le retrancher du projet de
loi.
Dans un but d’efficacité et de souplesse, il pourrait être opportun pour le
législateur de modifier le Code de
procédure pénale pour ajouter les questions relatives à la divulgation de
preuve dans la liste des demandes préliminaires.
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