2012EXP-3966
Intitulé : Morasse c. Nadeau-Dubois, 2012 QCCS 5438
Juridiction :
Cour
supérieure (C.S.), Québec, 200-17-016412-124
Décision de :
Juge Denis Jacques
Date : 1er novembre 2012
Références : SOQUIJ AZ-50907942, 2012EXP-3966, J.E. 2012-2124 (20 pages). Retenu pour
publication dans le recueil [2012] R.J.Q.
L'ex-porte-parole
de la CLASSE, Gabriel Nadeau-Dubois, est déclaré coupable d'outrage au tribunal
pour avoir incité des gens à défier une ordonnance de la Cour supérieure
interdisant les piquets de grève à l'Université Laval.
Résumé
Résumé
PROCÉDURE CIVILE —
outrage au tribunal — ordonnance d'injonction interlocutoire — entrave à la
justice — déclaration à la télévision — incitation à contrevenir à une
ordonnance
INJONCTION — jugement
final — outrage au tribunal — incitation à violer une ordonnance — déclaration
à la télévision — injonction interlocutoire
Requête pour
outrage au tribunal. Accueillie.
Dans le contexte du
conflit étudiant qui a eu cours au Québec au printemps 2012, le demandeur, un
étudiant de l'Université Laval, a obtenu une ordonnance d'injonction
interlocutoire provisoire lui permettant d'avoir accès à ses salles de cours.
En effet, le juge a conclu qu'il avait un droit clair à l'ordonnance recherchée
et qu'il serait exposé à un préjudice sérieux s'il ne pouvait assister à ses
cours. Cette ordonnance a par la suite été renouvelée et elle était valide
jusqu'au 14 septembre dernier. Le tribunal a souligné que le droit de
grève étudiant ne trouvait assise dans aucune loi et que le boycottage exercé par
certains ne pouvait empêcher les autres d'assister à leurs cours. Ainsi, il a
ordonné à l'Université Laval, à l'Association des étudiants en arts plastiques
(l'ASETAP) ainsi qu'à toute personne informée de l'ordonnance de laisser libre
accès aux salles de cours du demandeur. De nombreux autres jugements semblables
ont par la suite été rendus afin de permettre aux étudiants de poursuivre leur
session malgré le vote de boycottage tenu par leur association étudiante. Le
13 mai suivant, le défendeur, alors porte-parole de la Coalition large de
l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (la CLASSE), a déclaré
sur les ondes du réseau de télévision RDI qu'il trouvait tout à fait légitime
que les étudiants prennent les moyens nécessaires pour faire respecter le droit
de grève, y compris à l'aide de lignes de piquetage. Selon le demandeur, ces
propos ont incité des personnes à défier les ordonnances des tribunaux et il
présente une requête pour outrage au tribunal. Le défendeur a plaidé non
coupable et prétend qu'il n'était pas visé par l'ordonnance d'injonction, qu'il
n'a pas été prouvé qu'il avait eu connaissance de celle-ci et qu'il n'a pas agi
de manière à entraver le cours normal de la justice.
Décision
Le but de l'outrage au tribunal est de sauvegarder la confiance du
public dans l'administration de la justice et de garantir la primauté du droit
sur l'arbitraire, de l'ordre social sur le chaos. Même s'il faut appliquer les
règles procédurales applicables de façon stricte, celles-ci ne doivent pas
donner lieu à un formalisme excessif qui permettrait à une partie de faire fi
d'une ordonnance et de se moquer du tribunal. En cas de transgression d'une
ordonnance d'injonction par une personne nommée ou désignée dans l'ordonnance,
ou par toute personne non désignée mais qui y contrevient sciemment, l'article
761 du Code de procédure civile (C.P.C.) s'applique. Par ailleurs, l'article 50
C.P.C. traite également de l'outrage au tribunal de façon plus générale. Il
s'agit d'une infraction incluse emportant une peine distincte. En l'espèce,
même si le défendeur n'est pas nommément visé par l'ordonnance d'injonction, il
a porté atteinte à l'autorité de la Cour en incitant à y contrevenir et il peut
être reconnu coupable d'avoir contrevenu à l'article 50 C.P.C. Le défendeur
avait connaissance de l'ordonnance rendue en faveur du demandeur. En effet,
l'ASETAP, qui fait partie intégrante de la CLASSE, avait reçu signification du
jugement. Qui plus est, dans sa déclaration publique, il a lui-même fait
directement référence aux ordonnances d'injonction rendues. Il a endossé et
rendu légitimes la désobéissance civile ainsi que le non-respect des
ordonnances des tribunaux, et il a incité et encouragé les auditeurs à empêcher
l'accès des étudiants à leurs cours malgré les injonctions. Or, le désaccord
avec la loi ou avec un ordre de la Cour ne permet pas d'y désobéir ni d'inciter
à le faire. Enfin, il est manifeste que le défendeur a eu l'intention
d'entraver le cours de la justice ou de porter atteinte à l'autorité des
tribunaux. Il ne peut se déresponsabiliser en affirmant qu'il portait
simplement le message du groupe qu'il représentait. Par conséquent, le
défendeur est reconnu coupable d'outrage au tribunal.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire
L'équipe du Blogue vous encourage à partager avec nous et nos lecteurs vos commentaires et impressions afin d'alimenter les discussions sur le Blogue. Par ailleurs, prenez note du fait qu'aucun commentaire ne sera publié avant d'avoir été approuvé par un modérateur et que l'équipe du Blogue se réserve l'entière discrétion de ne pas publier tout commentaire jugé inapproprié.