Par
Me Lauréanne Vaillant
Frédérick
Carle, avocat
L’infraction de garde et contrôle d’un véhicule avec les
capacités affaiblies est l’infraction typique du « gars chaud » qui
désire se réchauffer l’hiver en attendant son « lift ». C’est
précisément ce qui est arrivé à l’accusé dans la présente affaire, R. c.
Boudreault, 2012 CSC 56. Après une soirée bien arrosée dans un bar puis
chez une connaissance, il décide d’attendre dans son véhicule, clés dans
l’ignition et chauffage actionné, après avoir commandé un taxi qui finalement
arrivera 45 minutes plus tard. Trouvant l’accusé endormi au volant, le
chauffeur de taxi appelle les policiers. La suite est facile à imaginer…
Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada s’est prononcée sur
la question suivante : est-ce que le risque de danger de mettre en marche
constitue l’un des éléments essentiels de l’infraction de garde et contrôle en
contravention de l’article 253 du Code
criminel.
La Cour réitère les trois éléments
essentiels de l’infraction en des termes similaires : pour avoir
« la garde ou le contrôle » pour l’application du par. 253(1) C.cr., il faut :
1) une conduite intentionnelle à l’égard du véhicule, soit une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires, ou une conduite quelconque à l’égard du véhicule qui comporterait le risque de le mettre en mouvement de sorte qu’il puisse devenir dangereux [R. c. Toews, [1985] 2 R.C.S. 119];
2) par une personne dont la capacité de conduire est affaiblie ou dont l’alcoolémie dépasse la limite légale;
3) dans des circonstances entraînant un risque réaliste de danger pour autrui ou pour un bien.
La Cour suprême tranche ainsi le flottement jurisprudentiel,
si l’on reconnaît qu’il y en avait un quant à l’interprétation de ce critère
dans les instances inférieures, que l’infime possibilité de danger n’est pas
suffisante en droit pour fonder une déclaration de culpabilité dans de telles
circonstances. Ainsi, lorsque l’utilisation du véhicule à moteur ne comporte
aucun risque de le mettre en marche et de le rendre dangereux, les cours de
justice devraient conclure qu’il y a absence d’actus reus.
« [34] Il faut que le risque de danger soit réaliste, non pas seulement possible en théorie. Il n’a toutefois pas non plus à être probable, ni même sérieux ou considérable. [référence omise]
[35] Exiger qu’il existe un risque « réaliste » constitue un critère peu rigoureux conforme à l’intention du législateur de prévenir le danger pour la sécurité publique. Par contre, exiger un risque qui ne serait que « possible en théorie », un critère trop peu rigoureux, emporterait la criminalisation injustifiée d’une foule de comportements bénins. »
Rappelons que l’intention de conduire (à
l’instar de l’action intentionnelle à l’égard du véhicule) ne constitue pas un
élément essentiel de l’infraction.
Personne ne conteste que le risque
réaliste qu’un véhicule soit mis en marche, même accidentellement, par une
personne ivre assise derrière le volant, constitue un risque de danger. En
l’absence de preuve contraire par l’accusé, ces éléments, prouvés hors de tout
doute par la Poursuite, constituent normalement la seule inférence raisonnable
que pourra tirer un Tribunal.
C’est dans ce contexte que la Cour
suprême discute du « plan
bien arrêté » comme moyen de soulever un doute quant à l’existence du
risque réaliste de danger. D’abord, le plan était‑il objectivement concret et
fiable? Ensuite, allait‑il effectivement
être suivi par l’accusé?
« [48] […] Pour éviter d’être déclaré coupable, l’accusé devra faire face, sur le plan tactique, à la nécessité de présenter des éléments de preuve crédibles et fiables tendant à prouver qu’il n’y avait pas de risque réaliste de danger dans les circonstances particulières de la cause. »
En conclusion, la Cour suprême tranche
que le juge de première instance a appliqué le bon critère juridique
relativement à l’élément de risque réaliste de danger et que cette conclusion, « même
si elle peut sembler discutable, voire déraisonnable, pour certains, cette
conclusion de fait n’est pas sujette à révision en appel ». La Cour
suprême rétablit ainsi les verdicts d’acquittement.
Commentaires
La Cour suprême indique dès le départ que la présomption de
« garde et contrôle » prévue à l’article 258 du Code criminel ne fait pas l’objet du pourvoi. Par contre, elle
mentionne au détour que la preuve qu’un accusé s’est enivré volontairement combinée
à celle qu’il occupait volontairement la place du conducteur ne permettent pas
à elles seules d’établir la perpétration de l’infraction de « garde ou
contrôle » décrite au par. 253(1) du Code criminel. La Cour
suprême émet l’opinion qu’il faut également dans le cas de la présomption
l’existence d’un risque réaliste de danger pour autrui ou pour un bien.
Le texte intégral de la décision se retrouve ici.
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