Par François-Xavier Robert
Ordre des agronomes du Québec
Une requête pour permission d’appeler d’une décision
du Tribunal administratif du Québec est-elle irrecevable si ce tribunal n’est
pas indiqué à titre d’intimé? Cette question procédurale a fait l’objet d’un
récent jugement de la Cour du Québec indexé sous Québec (Procureur général) c.
Aramark Québec inc., 2013 QCCQ 124.
Le contexte
Le Procureur général du Québec demande à la Cour du Québec
la permission d’appeler d’une décision du Tribunal administratif du Québec
(TAQ). À l’audience, l’intimée demande le rejet de la requête du Procureur
général au motif que le TAQ n’a pas été désigné comme partie dans la requête et
ce, contrairement à l’article 5 C.p.c. qui prévoit ce qui suit :
« Il ne peut être prononcé sur une demande en
justice, sans que la partie contre laquelle elle est formée n’ai été entendue
ou dûment appelée. »
Le Procureur général demande la permission d’amender
sa requête. Cette demande d’amendement est contestée par l’intimée qui plaide
que le délai pour demander la permission d’en appeler d’une décision du TAQ est
de rigueur.
Pour les fins du présent billet, je ne traiterai que
de cet aspect de la décision et non du litige au fond.
La décision
Avant de déterminer si l’amendement recherché doit
être accordé, la Cour du Québec s’interroge à savoir s’il est nécessaire.
À cet effet, la Cour du Québec rappelle que le TAQ est
un tribunal purement adjudicatif et qu’il ne peut intervenir en appel que sur
une stricte question de compétence, comme l’indiquait la Cour d’appel dans
l’arrêt Lancup c. Commission des affaires sociales, C.A. Québec, No 200-09-000469-905, 17 août 1993, jj.
Lebel, Gendreau et Moisan.
La Cour du Québec commente une pratique qui, dit-elle,
serait répandue parmi les plaideurs :
« [9] L'omission du T.A.Q. comme partie dans
l'intitulé d'un jugement n'a, en pratique, pas de conséquence, parce qu'aucune
conclusion d'un appel ne peut ordonner au T.A.Q de faire quoi que ce soit, bien
que la décision du T.A.Q soit infirmée.
[10] La coutume de nommer le T.A.Q comme partie dans
un appel s'inspire probablement de la pratique applicable en matière
d'évocation à la Cour supérieure. L'évocation est, en réalité, l'exercice par
la Cour supérieure d'un pouvoir inhérent exercé jadis au moyen des brefs de
prérogative. Dans ces cas, la personne qui déclenchait la procédure faisait
délivrer au décideur visé un bref émis par la cour. Il était donc normal de
considérer ce décideur comme partie au
litige initié par le bref dont il était le destinataire.»
Par contre, la Cour du Québec rappelle qu’il est ici
question d’appel et non de révision judiciaire et que les règles diffèrent.
Par exemple, l’article 163 de la Loi sur la justice administrative prévoit que, lorsque la
permission d’appel est accueillie, le greffier de la Cour du Québec en informe
le TAQ en lui transmettant le jugement. On notera d’ailleurs une certaine
similitude entre cet article et l’article 494 C.p.c.
De même, l’article 161 de cette loi précise que la
requête pour permission d’appeler doit être signifiée à la partie adverse.
La Cour du Québec conclut de ces articles qu’il n’est
pas nécessaire de transmettre une copie de la requête pour permission d’appeler au TAQ et donc,
de l’indiquer comme partie :
« [15] Si le Tribunal était ipso facto
considéré comme une partie, ce ne serait pas nécessaire de l'inclure
expressément parmi les récipiendaires du jugement car il le recevrait comme les
autres parties ayant comparues.
[16] Le texte des articles 161 et 163 de la L.J.A., lus ensemble,
indique une intention de faire une distinction entre la « partie adverse », à
qui on signifie la requête, et le «Tribunal », à qui on transmet une copie du
jugement, lorsqu'il a pour effet d'autoriser l'appel. »
À cet effet, la Cour du Québec réfère à deux de ses
propres décisions dans laquelle elle en est arrivée à la même conclusion,
soit Trois-Rivières (Ville de) c. Labonne, 2011 QCCQ 14058 et Québec (P.G.) c. Grossiste M.R. Boucher inc., 2008
QCCQ 7128.
Par ailleurs, le juge précise qu’il aurait accordé
l’amendement, vu qu’il s’agissait d’une erreur du procureur assimilable à une
impossibilité d’agir du client.
Commentaires
Cette décision illustre l’importance que le plaideur
doit accorder à bien lire les dispositions pertinentes de la loi particulière
et ce, pour s’assurer de correctement identifier les parties à qui il faut
signifier la procédure judiciaire.
Même dans le cas d’un appel, les règles peuvent
différer d’une loi à l’autre. Par exemple, la requête en appel d’une décision
du conseil d’administration d’un ordre professionnel doit être signifiée à la
fois à ce conseil ainsi qu’au secrétaire de l’ordre. De même, toute inscription
en appel ou requête pour permission d’appeler d’une décision du conseil de
discipline d’un ordre professionnel doit être signifiée au secrétaire de ce
conseil. La jurisprudence a d’ailleurs déterminé qu’une
omission à cet effet entraînait le rejet de la demande.
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