par Marie-Hélène Beaudoin
McCarthy Tétrault
Quels dossiers occuperont la Cour d’appel du Québec et la Cour suprême du Canada cette semaine? Les voici, les voilà...
Lundi (21 janvier
2013)
Droit criminel. Jury. Crédibilité. Agression
sexuelle. Norme d’intervention en appel. – C.S.C. – Appel de la décision rendue par la
Cour d’appel de Terre-Neuve & Labrador dans R. v. W.H., 2011 NLCA 59.
La Couronne, appelante, émet la position suivante dans son mémoire
d’appel :
« [3] The Applicant submits
that the Court of Appeal erred in law by substituting its findings of
credibility for those of the jury, in a case that had no complicated legal or
factual issues. Furthermore, the appeal court erred in law by declaring that
Chief Justice McLachlin's treatment of an accused's "plausible
denial" in M (R.E.) [2008J 3 S.C.R. 3 offended the presumption of
innocence and the principle of proof beyond a reasonable doubt.
[4] Overturning the jury's verdict
in this case was unwarranted, and the Court of Appeal's decision has
implications for all jury trials. The decision represents a lowering of the threshold
for unreasonable verdict determinations, to the point where courts of appeal would
retry the case on the record and make their own credibility findings. Justice Barry's
comments about corroboration and plausible denial in sexual assault cases
reflect an outdated and erroneous interpretation of the law. »
Mardi (22 janvier
2013)
Droit criminel.
Article 8 de la Charte des droits et
libertés – Fouilles et perquisitions abusives. Soupçon raisonnable. Chien
renifleur. – C.S.C.
– Ce mardi, la Cour suprême entendra conjointement deux pourvois portant sur la
légalité de fouilles conduites à l’aide de chiens renifleurs (sniff-searches). Il s’agira dans les
deux cas d’interpréter la notion de « soupçon raisonnable » qui
permet la conduite de telles fouilles sans autorisation judiciaire préalable,
suivant l’arrêt R. v. Kang-Brown, 2008
CSC 18. Il s’agit de l’appel de décisions rendues par la Cour d’appel de la
Nouvelle-Écosse (R. v. Chehil, 2011 NSCA 82) et la Cour d’appel
de la Saskatchewan (R. v. MacKenzie, 2011 SKCA 64). La Cour
suprême pourrait ici être appelée à établir une liste compréhensive de critères
qui serviraient de guides pour évaluer l’existence de soupçons raisonnables
dans un cas donné, étant bien entendu que le résultat de chaque affaire
dépendra des faits particuliers qui seront alors en litige.
Recours collectif. Autorisation.
Régime de retraite. Nullité. Prescription. - C.A.M. -
Appel de la décision rendue dans Association
des retraités de l'École polytechnique c. Corporation de l'École polytechnique, 2011
QCCS 2784. Cette affaire soulève la question épineuse du doute qui doit
être accordé au requérant au stade de l’autorisation. La Cour supérieure avait
refusé l’autorisation du recours car elle jugeait que la prescription
apparaissait clairement et qu’il n’y avait pas d’impossibilité d’agir.
Une requête en rejet d’appel avait été rejetée
sans audition et sans frais (2011
QCCA 2206).
Successions.
Testament. Donation. Validité. Capacité de tester. Captation. Indemnité
additionnelle. -
C.A.M. - Appel de la décision rendue dans O'Neil c. Wallace O'Neil
(Succession de), 2010
QCCS 2768. Une requête en rejet d’appel avait été rejetée (2010
QCCA 1747). La décision de première instance comprend des remarques
intéressantes quant au fardeau de preuve prima
facie vs. celui de la prépondérance des probabilités (par. 12-15); quant à
l’interaction entre les notions de capacité à tester et de captation, la
capacité de tester pouvant être remis en question même en l’absence d’une
influence indue qui pourrait avoir été exercée sur le testateur (par. 20-22);
et quant à la non-nécessité de produire un rapport d’expert pour prouver l’état
d’esprit d’un testateur (par. 74-75). Au final, la Cour supérieure a refusé de
conclure qu’il y avait preuve prima facie
de l’incapacité de tester du fait que la testatrice avait choisi d’avantager sa
bru plutôt que ses enfants et ses petits-enfants, la testatrice étant libre de
disposer de ses biens à son gré. Cela dit, une donation ayant été faite par la
suite, alors que la testatrice avait perdu la capacité de tester, a été
invalidée (même si la donation n’était pas illogique – par. 98).
Mentionnons également un commentaire fait au
passage, quant à l’octroi de l’indemnité additionnelle, qui pourrait avoir un
impact dans toutes sortes d’actions :
« [102] Although we shall order Kathie to pay
interest on the amount of the Gift from the date of service of the action, we
shall not add on the additional indemnity.
Kathie is guilty of absolutely no wrongdoing here - to the
contrary. As such, she should not be
caused to suffer prejudice as a result of the reimbursement ordered, which
would be the case were she to have to pay the additional indemnity on top of
the legal rate of interest. That rate,
five percent, is more than adequate in today's world to compensate the Estate
for any damages it might have suffered by not having the amount of the Gift earlier. »
Mercredi (23
janvier 2013)
Non-concurrence. Vente
d’entreprise vs. contrat de travail. Non-application de l’article 2095 C.c.Q.
pour limiter la portée de la clause. – C.S.C – Appel de la décision rendue dans Guay c. Payette, 2011
QCCA 2282. Les clauses restrictives de travail donnent lieu à une
jurisprudence abondante et semblent générer un intérêt particulier sur ce
Blogue. En effet, le « 10
jugements essentiels en sur les clauses restrictives en matière
d’emploi », rédigé par Me Valérie Lafond, est actuellement le troisième
billet le plus consulté de tous les temps sur le Blogue du CRL. La décision de
la Cour d’appel du Québec qui fait l’objet du pourvoi en cause avait été résumée
sur le Blogue
du CRL par Me Bogdan Catanu, qui avait émis de savants commentaires sur le
sujet. Au moment de la rédaction des présentes, le billet de Me Catanu était le
cinquième billet le plus consulté de tous les temps sur le Blogue du CRL.
Dans son mémoire,
l’appelant résume comme suit le jugement de la Cour d’appel du Québec, sur
lequel la Cour suprême devra se pencher :
« [1] La vente d’une entreprise
s’accompagne souvent d’un contrat d’emploi entre l’acquéreur et les individus
qui contrôlent l’entreprise vendue. À court terme, ce contrat d’emploi permet à
l’acquéreur d’assurer une transition harmonieuse des éléments d’actifs au sein de
son entreprise. Au terme de cette période transitoire, l’acquéreur peut juger
qu’il est dans son intérêt de garder ces individus à son emploi afin qu’ils
contribuent, à plus long terme, à la prospérité de son entreprise.
[…]
[7] Bien qu’elle ait reconnu que
l’Intimée avait congédié l’Appelant Payette sans motif sérieux, la Cour d’appel
a conclu que ce dernier « n’a[vait] rien du salarié que vise à protéger
l’article 2095 C.c.Q. ». À son avis, celui-ci n’aurait pas droit à la
protection conférée par l’article 2095 C.c.Q. puisque c’est « en raison » de la
vente des actifs de ses entreprises, plutôt qu’« en raison » de son emploi,
qu’il a consenti à des stipulations de non-concurrence au bénéfice de
l’Intimée.
[8] Le raisonnement adopté par la
Cour d’appel est le suivant : puisque l’Appelant Payette n’aurait jamais
consenti à ces obligations, n’eût été cette vente d’actifs, celles-ci ne faisaient
pas partie intégrante du contrat de travail qui le liait à l’Intimée au moment d’être
congédié sans cause juste et suffisante par cette dernière. »
Jugement déclaratoire.
Loi sur la transparence et l'éthique en
matière de lobbyisme. Portée juridique des avis émis par le Commissaire au
lobbyisme. - C.A.M.
- Appel de la décision rendue dans Poulin
c. Commissaire au lobbyisme du Québec,
2012 QCCS 2573. La
Cour supérieure avait rejeté cette action en raison de la retenue que doivent
exercer les tribunaux supérieurs dans l’exercice de recours discrétionnaires,
lorsqu’un tribunal administratif ou une instance pénale est saisi d’une affaire
connexe, créant une « espèce de litispendance ». Le jugement de
première instance avait fait l’objet d’un résumé sur le Blogue
du CRL, rédigé par Me François-Xavier Robert.
Advenant que la Cour d’appel accepte de se
prononcer sur le « fond » de cette affaire, l’arrêt à venir pourra
avoir des conséquences importantes. En effet, considérant la formulation large
et libérale employée dans la Loi sur la transparence et l'éthique en
matière de lobbyisme et les obligations d’inscription accrues qui
découlent des avis
émis par le Commissaire au lobbyisme, plusieurs attendent avec impatience
qu’un tribunal se prononce sur la portée desdits avis (comme ce fut le cas pour
la portée des bulletins d’interprétation fiscaux, qui n’ont pas « force de
loi » et qui ne lient pas les tribunaux, mais constituent plutôt une
source interprétative utile : Corbett
c. Canada, C.A.F. 1996-10-30; Harel c. Sous-ministre du Revenu (Québec), [1978] 1 R.C.S. 851).
Droit municipal. Bruit.
Zonage. Usage dérogatoire. Refus d’exercer la discrétion du Tribunal pour
rejeter le recours de la Ville (absence de tolérance / absence d’erreur induite
par la Ville). - C.A.M. - Appel de la décision rendue dans Sherbrooke (Ville de) c. Pneu
Estrimont inc., 2011
QCCS 5431, où il avait été ordonné à l’intimée de maintenir fermées en tout
temps les portes de garage de son bâtiment sauf pour l'entrée et la sortie des
véhicules afin de ne pas contrevenir aux dispositions anti-bruit.
Une requête en rejet d’appel avait été rejetée
sans audition et sans frais (2012
QCCA 168).
Jeudi (24 janvier
2013)
Procédure civile. Conflits
d’intérêts. Avocat. Déclaration d’inhabileté. Recours collectif. - C.S.C. – Appel d’une décision
rendue par la Cour d’appel de la Saskatchewan dans Wallace v. Canadian Pacific
Railway, 2011 SKCA 108. La décision que rendra la Cour suprême dans cette
affaire intéressera tout avocat qui œuvre pour des clients d’envergure, la
question des conflits d’intérêts devenant particulièrement problématique du
fait du nombre de recours dans lesquels de tels clients sont susceptibles
d’être impliqués. La Cour suprême aura ici l’occasion de clarifier l’application
des règles établies dans les arrêts Succession
MacDonald c. Martin, [1990] 3 R.C.S.
1235; R. v. Neil, 2002
CSC 70 et Strother c. 3464920 Canada Inc., 2007
CSC 24 au cas où un avocat agit en demande dans un recours collectif
intenté contre un client auquel il continue de rendre des services.
La Cour d’appel de la Saskatchewan avait conclu
comme suit :
« [2] As I view this case, McKercher did not gain,
as a result of acting for CN, any confidential information which could
prejudice CN if McKercher were to continue to act on the Wallace claim.
However, McKercher did breach its duty of loyalty in respect of its commitment
to CN respecting its CN files and also in respect of its duty of candour about
taking on the Wallace claim. That said, CN falls short on the remedy for that
breach. Although CN may have a basis to complain to the Law Society, McKercher
should not be disqualified from acting on the Wallace claim. I would
accordingly allow the appeal. »
Changement de nom.
Réfugié. Jugement déclaratoire. Contestation de la constitutionnalité de
l’article 59 C.c.Q. Signification à toutes les personnes intéressées. Requête
en irrecevabilité. - C.A.M. - Appel de la décision rendue dans Droit de la famille — 121453, 2012
QCCS 2716. Tels que rapportés par l’honorable Pierre A. Dalphond, dans une
décision autorisant que l’appel soit interjeté sous un pseudonyme (2012
QCCA 2224), les faits de l’affaire sont les suivants :
« [6] In a recent decision, the Immigration and
Refugee Board concluded that the appellant, along with a child, discharged the
burden of establishing that they would face the serious possibility of
persecution by relatives and/or by the state if they were returned to their home
country. Accordingly, the Board granted them refugee status.
[7]
In order to ensure that the refugees remain hidden, the appellant
applied to the registrar of civil status to have a change of name. This
application was dismissed since the appellant, though domiciled in Quebec for
more than one year, is not a Canadian citizen, as required by art. 59 of the Civil Code of Quebec (C.C.Q.).
[8]
Further to that decision, the appellant decided to challenge the
constitutionality of the citizenship requirement under the C.C.Q. by way of a
declaratory judgment (art. 453 Code of Civil Procedure). On June 15, 2012, this
motion was dismissed by the Superior Court for lack of service to an interested
party, the other parent, as required by art. 454 C.C.P. Since the appellant is
attempting to hide from the other parent, this motion was not served on the
latter. »
Droit des biens.
Terres du domaine de l’état. Dénonciation d’occupation et demande de
régularisation de la situation dûment effectuées. Absence de réponse du
ministère. Refus de contraindre le défendeur à délaisser un chalet et en livrer
la possession à l’État. C.A.M. - Appel de la décision rendue dans Québec (Procureur général) c. Fleury,
2011
QCCS 492.
Recours collectif.
Valeurs mobilières. Obligation de divulgation matérielle. Procédure d’appel. – C.A.M. – Appel de la décision
rendue dans 121851 Canada inc. c. Theratechnologies inc., 2012
QCCS 699. La Loi sur les valeurs
mobilières contient des dispositions particulières dont la Cour doit parfois autoriser l’exercice. On peut alors se
demander comment cette loi se conjugue avec les dispositions procédurales qui
régissent l’exercice des recours collectifs. L’honorable Yves-Marie
Morissette, se prononçant sur une requête pour permission d’appeler, avait
référé cette-dernière au banc de trois juges saisis du mérite de l’appel, étant
d’avis qu’il n’était pas évident de déterminer s’il existait effectivement un
droit d’appel en vertu de la L.V.M. malgré l’article 1010 C.p.c. qui prohibe
l’appel à l’encontre de recours collectifs autorisés (2012
QCCA 1489). Le juge unique résumait par ailleurs la question en litige comme
suit :
« [1] La requête pour permission d’appeler dont je
suis saisi concerne un jugement de la Cour supérieure qui a fait droit le 24
février 2012 à deux requêtes (jointes en un seul acte de procédure que je
qualifierais d’hybride) : une requête pour autorisation d’exercer un recours en
dommages-intérêts régie par l’article 225.4 de la Loi sur les valeurs
mobilières du Québec, L.R.Q., c. V-1.1, (« la LVM »), et une requête pour autorisation
d’exercer un recours collectifs selon les articles 1002 et suivants C.p.c. En
d’autres termes, la partie requérante en première instance (et intimée devant
moi) souhaitait exercer sous forme de recours collectif le recours en
dommages-intérêts visé par l’article 225.4 LVM, et à chacune de ces deux étapes
la Cour supérieure lui a donné l’autorisation de procéder ainsi. C’est ce que
tranche le jugement du 24 février dernier. »
Vendredi (25
janvier 2013)
Droit criminel.
Fraude. Peine. –
C.A.M. – Appel de la peine de huit ans d’emprisonnement prononcée contre Jean
Cholette, dans l’affaire Norbourg.
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