Par Pierre-Luc
Beauchesne
Gowling Lafleur
Henderson s.e.n.c.r.l., s.r.l.
Dans la décision Wonder-Form Inc. (Syndic de) (2013 QCCS 13),
la Cour a rejeté la requête d’un créancier garanti afin d’amender sa preuve de
réclamation après le rachat de sa sûreté.
En effet, la Cour a rappelé qu’une fois le rachat de la sûreté exécuté
par le syndic, le créancier garanti ne détient plus cette sûreté et ne peut
plus amender sa preuve de réclamation.
Le Tribunal conclut également que le créancier garanti, dans
l’évaluation de sa sûreté, a commis une erreur inexcusable.
Faits
La requérante 171014
Canada Inc. est le seul créancier garanti de la débitrice. Le 2 décembre 2005, la débitrice a
déposé un avis d’intention de faire une proposition et le 14 février 2006,
celle-ci a été déclarée faillie. Les officiers de la débitrice et ceux de la
requérante sont les mêmes personnes. L’hypothèque mobilière détenue par la
requérante couvre tous les actifs mobiliers et les créances de la débitrice.
Le 7 mars 2006,
la requérante produit sa preuve de réclamation attestant que la somme de
1 505 029,47 $ lui est due. De plus, elle évalue sa sûreté à
1 332 270,00 $, ce qui correspond à la valeur de liquidation des
actifs et la perception des comptes clients à cette date. Le 7 mars 2006,
le syndic avise la requérante de son intention de racheter la sûreté pour la
somme de 1 332 270,00 $, soit le montant exact de la preuve de
réclamation. Le rachat est effectué le
jour même.
Par la suite, le
27 novembre 2007, le syndic a reçu 3 remboursements de taxes et impôts
totalisant la somme de 101 701,36 $. Plus d’un an plus tard, la
requérante a réagi en s’adressant au syndic pour revendiquer un droit de suite
exclusif sur ladite somme, droit qui lui était conféré par son hypothèque sur
les créances de la débitrice. Le syndic refuse de remettre les fonds à la
requérante. La requérante cherche donc
l’autorisation de la Cour afin d’amender rétroactivement sa preuve de
réclamation et ainsi réclamer la somme de 101 701,36 $.
Analyse
L’article 132(1) LFI
prévoit :
« 132. (1) [Le créancier
garanti peut modifier l’évaluation] Lorsque le syndic n’a pas choisi
d’acquérir la garantie dans les conditions prévues à la présente loi, un
créancier peut modifier l’évaluation et la preuve en démontrant, à la
satisfaction du syndic ou du tribunal, que l’évaluation et la preuve ont été
faites de bonne foi sur une estimation erronée, ou que la garantie a diminué ou
augmenté en valeur depuis son évaluation précédente. »
La Cour conclut que
l’amendement de la preuve de réclamation n’est pas permis lorsque le syndic a
déjà procédé au rachat de la sûreté :
« [19] Rappelons que la
demande d’amendement de la preuve de réclamation du créancier garanti
intervient après le rachat de sa sûreté. En pareille situation, voici ce qu’en
disent les auteurs Holden, Morawetz et Sarra[3] :
« […]
If the
trustee has paid the amount of the valuation to the secured creditor and thus
on behalf of the general body of creditors has become the purchaser of the
security, there can be no amendment : Re : Sadler, Ex parte Norris (1886), 17
Q.B.D. 728, 56 L.J.Q.B. 93, 3 Morr 260 (C.A.). […].
[…]»
[20] L’auteur Jacques
Deslauriers dans son ouvrage intitulé La faillite et l’insolvabilité au Québec[4],
tient des propos similaires :
« […]
Le créancier pourra modifier son évaluation par la suite, s’il fait la
preuve d’une erreur commise de bonne foi ou que la valeur intrinsèque de la
garantie a diminué ou augmenté depuis son évaluation précédente (art. 132
L.f.i.), à la condition que le syndic n’ait pas choisi de racheter la
garantie (art. 132(1) L.f.i.) et que la nouvelle évaluation ne cause pas un
préjudice indu aux créanciers ordinaires, […].
[…]»
(Notre emphase)
(Références omises)
[21] Force est de constater
qu’une fois le rachat de la sûreté exécuté par le syndic, le créancier garanti
ne détient plus cette sûreté et partant, toute demande d’amendement s’avère
irrecevable. En d’autres mots, l’amendement permis suivant les conditions
énoncées à l’article 132(1) L.F.I. n’est pas possible lorsque le syndic a déjà
procédé au rachat de la sûreté suivant l’article 128(3) L.F.I. La raison en est
fort simple, les créanciers ordinaires en subiraient autrement un préjudice.
[22] Toutefois, le créancier
garanti dont la sûreté fut rachetée, demeure éligible à recevoir un dividende à
titre de créancier ordinaire, pour le reliquat de sa créance (art. 128(2)
L.F.I.). »
La requérante plaide
également l’erreur de bonne foi, soit l’erreur excusable au sens de
l’article 1400 C.c.Q. La Cour a
conclu que la requérante a commis une erreur inexcusable. En effet, la preuve de réclamation a été
complétée par un homme d’affaires expérimenté, conseillé par avocat et qui
était également officier de la débitrice. Celui-ci devait à tout le moins
s’informer auprès des comptables de la débitrice de la possibilité d’attendre des
remboursements d’impôt. Le défaut d’y
avoir procédé s’avère inexcusable.
Le texte intégral de
la décision est disponible ici.
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