Par Sophie Lacroix
Pellerin
Savitz S.E.N.C.R.L.
L’article
122 de la Loi sur les normes du travail
interdit entre autres à un employeur de congédier, de suspendre ou de déplacer
un salarié en raison de l’exercice par ce salarié d’un droit issu de cette loi
ou d’un règlement. Cependant, un employeur peut justifier ses actions en
faisant valoir une cause juste et suffisante. La Commission des relations du
travail dans Karine Morel c. Réadaptation Optima inc., 2012 QCCRT
0045, arrive à la conclusion que l’économie de salaire engendrée par un
congédiement ne peut être invoquée seule par un employeur afin d’établir
l’existence de difficultés financières donnant ouverture à une cause juste et
suffisante.
Les faits
Dans
la présente, l’intimée est une entreprise offrant des services de prévention en matière de
santé et sécurité au travail à différents employeurs et la plaignante y occupe
un poste de conseillère. La
plaignante prétend avoir a été congédiée en raison de sa demande à reprendre le
travail à la fin d’un congé parental, droit prévu par la LNT. L’employeur
invoque des raisons économiques et organisationnelles comme motifs de ce
congédiement; il aurait licencié des employés moins anciens avant le départ de
la travailleuse pour son congé parental. Durant son congé, la plaignante fut
remplacée par une employée qui occupait auparavant une tâche différente et, également,
une nouvelle adjointe administrative, poste auquel est rattaché un salaire et
des responsabilités moindres, fut embauchée dans le département de la
plaignante. La décision de congédier la plaignante fut prise par l’employeur
avant la fin du congé de celle-ci, mais il ne l’en informa point. Au moment où
la plaignante désira fixer sa date de retour au travail, son employeur lui
indiqua que son poste a été aboli, qu’il n’est plus un poste de professionnelle
et que l’adjointe a un salaire équivalent à 60% du sien. Le poste d’adjointe
n’avait pas été préalablement offert à la plaignante puisque l’employeur
croyait qu’elle n’aurait jamais accepté une telle baisse de responsabilités et
de salaire.
L’analyse
La plaignante bénéficie de la présomption qu’elle a
été congédiée sans cause juste et suffisante alors qu’elle exerçait son droit
de retour au travail suite à un congé parental. Afin de se décharger de son
fardeau, l’employeur doit démontrer des difficultés financières, la suppression
réelle du poste ainsi que le lien entre ces difficultés et la rupture du lien
d’emploi. Selon la Commission, l’employeur n’a pas réussi à faire cette
démonstration :
« [47] Dans ce contexte, la présomption
acquise en vertu de l’article 123.4 de la LNT impose à Optima de justifier sa
décision de remercier la plaignante autrement que par la seule affirmation
générale de son président selon laquelle il fallait aussi réduire les
honoraires des intervenants contractuels et remercier la plaignante pour
rentabiliser le PAE. En aucun moment au cours de l’enquête, Optima n’a-t-elle
déposé des documents pour soutenir cette affirmation. La seule preuve de
l’économie de salaire découlant de la décision de remercier la plaignante ne
peut certes servir à établir l’existence de difficultés financières préalables
qui justifieraient Optima de prendre cette décision.
[48] Ainsi, Optima n’a pas prouvé l’existence des
difficultés financières justifiant la terminaison de l’emploi de la plaignante.
[49] Elle n’a pas non plus démontré que le poste
habituel de la plaignante n’existe plus. Optima continue d’avoir besoin des
services que lui rendait la plaignante avant de prendre son congé de maternité
:
La notion de congédiement implique que l’employeur
a toujours besoin des services que lui fournissait l’employé mais qu’il ne
désire plus que ces services soient rendus par l’employé qui est congédié.
L’employeur licencie son employé lorsqu’il n’y a rien à lui reprocher mais
qu’il n’a plus besoin des services que lui rendait cet employé.
Léveillée c. Murs secs Jalap inc., D.T.E. 93T-1338,
(Cour d’appel), [Juges Beauregard, Tourigny et Fish], Opinion du juge
Beauregard, à la p. 2.
[50] En effet, une nouvelle adjointe administrative
est embauchée pour effectuer l’ensemble des tâches qu’effectuait la plaignante
même si le libellé de la lettre confirmant son embauche ne mentionne ni le PAE
ni les tâches qu’accomplissait la plaignante. »
Le texte intégral de la
décision est disponible ici.
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