Par Pierre-Luc
Beauchesne
Gowling Lafleur
Henderson s.e.n.c.r.l., s.r.l.
Dans 6676561 Canada Inc. (Séquestre de) et Caisse
populaire Desjardins de la région-Ouest-de-Mégantic (2013 QCCS 297), la requérante Deliflair Inc. demande au Tribunal de
lui reconnaître ses droits découlant d’un bail intervenu entre elle et la
débitrice. La requérante demande également à la Cour de reconnaître ses droits
découlant d’une entente avec la créancière garantie pour lui permettre
d’utiliser une cour extérieure. Le Tribunal conclut que la requérante ne peut
demander le respect par la créancière garantie et le séquestre du bail, mais
peut exiger que son droit d’utiliser la cour extérieure soit respecté pendant
un certain temps.
Faits
La débitrice connaît
des difficultés financières depuis plusieurs mois. La requérante Deliflair Inc.,
dont les dirigeants sont des personnes liées aux dirigeants de la débitrice, se
montre intéressée à se porter acquéreur de certains actifs de la débitrice de
façon à ce que la créancière garantie puisse se voir rembourser en partie. La
requérante et la créancière en garantie concluent une entente relativement au
prix de certains actifs, l’utilisation d’équipement ainsi que l’utilisation de
la cour extérieure de l’immeuble jusqu’en juin 2013. D’une façon concomitante,
la débitrice et la requérante ont conclu un contrat de vente des actifs
mobiliers ainsi qu’une convention de bail quant aux immeubles, équipements et
terrains où se trouvaient les actifs mobiliers vendus. La créancière garantie a
été informé de l’existence de ces contrats mais n’y est intervenue d’aucune
façon et n’y a pas donné son accord.
En décembre 2012, la
créancière garantie a déposé une requête en vertu de l’article 243 LFI afin de
faire nommer un séquestre. Le 7 janvier 2013, le Tribunal a accueilli la
requête en nomination de séquestre et celui-ci a débuté immédiatement son
mandat par la prise de possession des biens et actifs de la débitrice. La
requérante n’a pas terminé ses travaux relatifs aux biens acquis en septembre
2012. Elle souhaite donc que la créancière garantie et le séquestre respectent
le bail intervenu et qu’elle puisse utiliser la cour extérieure sans frais jusqu’au
30 juin 2013. La créancière garantie et le séquestre ne veulent pas respecter
les ententes intervenues entre la requérante et la débitrice et ne veulent pas
également permettre à la requérante d’utiliser la cour extérieure.
Analyse
Le Tribunal conclut
tout d’abord que le bail n’est pas opposable au séquestre et à la créancière
garantie :
« [24] Bien qu’à première vue le bail et le contrat de vente
d’actifs puissent être considéré opposables à tous et particulièrement à la
créancière garantie et au séquestre, il n’en demeure pas moins qu’au moment où
ces contrats ont été conclus, tant la débitrice que la requérante savaient que
la créancière garantie n’acceptait pas d’être liée par ceux-ci et qu’elle avait
tout au plus consenti un délai jusqu’à la fin décembre pour certains biens
actifs et un autre uniquement pour l’utilisation de la cour extérieure,
jusqu’en juin 2013.
[25] Le jugement rendu en début d’année 2013 par le registraire de
faillite accorde au séquestre de très larges pouvoirs. Aucun appel n’a été
formulé à l’encontre de ce jugement. Bien plus, il n’y a eu aucune contestation
tant de la requête que de ses conclusions même si la requérante était
représentée au moment de la présentation de cette requête pour séquestre.
[26] Parmi les pouvoirs accordés au séquestre, il y a entre autres
ceux-ci :
« 5 AUTORISER le séquestre à exercer les pouvoirs suivants :
5.1 Pouvoirs liés à la prise de
possession des biens
a) AUTORISER le séquestre à prendre possession des biens de la
débitrice ci-après décrits (les biens), à savoir :
i) tous les biens de la
débitrice, de quelque nature que ce soit, en quelque lieu et en quelques mains
qu’ils se trouvent;
ii) l’université des biens
meubles et de la débitrice, de quelque nature que ce soit en quelque lieu et en
quelques mains qu’ils se trouvent;
5.2 Pouvoirs liés à la
conservation des biens
b) AUTORISER le séquestre à exercer sur les biens de la débitrice les
pouvoirs énumérés ci-après en lieu et place de la débitrice, à savoir:
i) tous les pouvoirs
nécessaires à la conservation et la protection des biens;
ii) tous les pouvoirs
nécessaires au contrôle des biens et de toutes les places d’affaires et tous
les lieux occupés par la débitrice;
iii) tous les pouvoirs
nécessaires lui permettant l’accès, en tout temps, aux places d’affaires et
locaux de la débitrice, et aux biens, et pour changer les serrures donnant
accès auxdits locaux et places d’affaires de la débitrice;
ainsi que les pouvoirs suivants :
« 5.3 Pouvoirs liés à la
disposition des biens de la débitrice
d) AUTORISER le séquestre à exercer sur les biens de la débitrice les
pouvoirs de disposition énumérés ci-après en lieu et place de la débitrice: à
savoir :
i) tous les pouvoirs
nécessaires afin de procéder à la location des biens meubles et immeubles de la
débitrice, pour une durée limitée, permettant l’utilisation des équipements
visés par la présente ordonnance, la vente desdits biens meubles et/ou
immeubles ou à la disposition desdits biens de la débitrice et pour transiger
et à cet égard et pour signer tout document ou tout contrat requis ou utile à
ces fins ou visant à donner effet à toute telle vente ou disposition;
ii) tous les pouvoirs
nécessaires visant à intéresser ou à solliciter un ou des acheteurs potentiels
des biens de la débitrice, en tout ou en partie, incluant, sans limitation, le
droit de procéder à un appel d’offre public ou à des sollicitations privées en
vue de la disposition des biens; »
[27] Le Tribunal est d’avis, tant en raison de la nature des
négociations intervenues entre les parties en septembre 2012 qu’en raison du
jugement nommant le séquestre et des règles qu’il faut appliquer dans
l’interprétation et la mise en vigueur d’ententes, que la requérante ne peut
exiger qu’il lui soit permis l’utilisation des bâtiments ou des équipements
donnés en garantie à la créancière garantie et qui ont été mis en la possession
du séquestre par le jugement du 7 janvier 2013.
[28] Le séquestre se doit, dans la mise en vigueur du jugement et pour
respecter ses obligations envers la créancière garantie et tout autre créancier
de la débitrice, de poser tous les gestes utiles et nécessaires pour la
protection de ces actifs. »
Le Tribunal permet
toutefois à la requérante de continuer à utiliser la cour arrière :
« [29] Toutefois, la
créancière garantie a en septembre 2012 accepté de permettre à sa débitrice
l’utilisation de la cour extérieure jusqu’en juin 2012. Elle doit respecter ce
droit, même s’il a été cédé à une tierce partie, la requérante. Rien dans ce
qui a été fait à ce sujet ne l’a été sans que la créancière garantie ne le
sache. Il ne faut pas, par contre, limiter de façon excessive les droits de la
créancière garantie ou du séquestre de vendre les biens garantis à des tiers ni
empêcher ces tiers d’en prendre possession dans des délais raisonnables.
[30] C’est pourquoi, dans les
circonstances, le Tribunal considère que la requérante ne peut demander le
respect par la créancière garantie et le séquestre de la convention de bail
(R-2) portant sur les bâtisses et les équipements, mais peut toutefois, tout au
moins jusqu’à ce que les immeubles aient été vendus, exiger que l’on respecte
son droit d’utiliser la cour extérieure pourvu qu’elle le fasse d’une façon qui
ne mette pas en péril les équipements et les bâtiments qui s’y trouvent.
[31] De plus, en raison des
droits qui ont été accordés à la débitrice (R‑4), la requérante est justifiée
d’exiger, si jamais une vente des immeubles intervenait en faveur d’un tiers,
que le séquestre lui permette, pour une période de trente jours après avoir été
avisé de cette vente, d’utiliser la cour extérieure si jamais cette vente se concluait
avant la fin juin 2013. »
Le texte intégral de
la décision est disponible ici.
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