Par Sophie Lacroix
Pellerin
Savitz s.e.n.c.r.l.
Une
employée voit sa demande de révision d’une décision de la Commission des
relations du travail accordée puisqu’une partie importante de la preuve aurait
été écartée en raison d’un mensonge commis précédemment à l’endroit de son
employeur dans Allard c. Commission des relations du travail,
2013 QCCS 1415.
Les
faits
La requérante
travaillait pour le même employeur depuis 1986. Elle y a débuté en tant que
commis de bureau et gravit graduellement les échelons pour finalement devenir
directrice des ressources humaines et principale collaboratrice du président,
s’occupant de ses affaires professionnelles et personnelles. Son employeur la congédie
le 11 septembre 2009, au motif qu’elle aurait contrevenu à la politique de
l’entreprise concernant le remboursement d’un achat personnel et aurait retiré,
sans autorisation, 14 400 $ du compte bancaire du président. Elle dépose une
plainte devant la Commission des relations de travail (CRT) sous le motif d’avoir
été congédiée sans cause juste et suffisante (art. 124 de la Loi sur les
normes du travail). Le 1er septembre 2011, la CRT rejette la
plainte et conclut que le congédiement a été imposé pour une cause juste et
suffisante. La requérante demande révision judiciaire.
Le droit
En
rendant sa décision, le commissaire de la CRT en arrive à la conclusion
d’absence de crédibilité de la requérante puisqu’elle a menti à ses supérieurs
lorsque ces derniers l’ont questionné au sujet de son achat personnel et sur
l’absence de vraisemblance de ses déclarations eu égard aux retraits d’argent
effectués dans le compte personnel du président.
Lorsqu’elle
siège en révision d’une décision d’un tribunal administratif, la Cour
supérieure doit appliquer les critères émis dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick,
[2009] 1 R.C.S., c’est-à-dire évaluer la raisonnabilité de la décision. Pour ce
faire, la Cour Supérieure peut évaluer l’ensemble de la preuve qui a été
soumise au tribunal administratif.
Ainsi,
la Cour supérieure en vint à la conclusion que le commissaire s’est arrêté au
fait que la requérante avait menti à son employeur pour évaluer sa
crédibilité :
« [47] Le commissaire a attaché
énormément d’importance au mensonge commis par la requérante au sujet des
bottes. Il a ainsi occulté tout un pan de preuves convaincantes et pertinentes
qui tendaient à démontrer que le congédiement et le refus de la requérante de
renoncer à une somme de plus de 110 000 $ étaient concomitants. Lorsqu’une
conduite est patente, déclarée et confirmée, on ne peut l’ignorer.
Le commissaire aurait dû se questionner
sur les motifs véritables du congédiement.
[48] Le commissaire a omis de faire un
raisonnement inductif qui aurait pu le conduire à un résultat différent. Il a
pourtant tiré une inférence négative du fait que la requérante avait menti au
sujet des bottes, tout en reconnaissant, par ailleurs, que la question du
billet à ordre était d’une importance cruciale. Il a choisi d’ignorer la preuve
qui démontre que le congédiement de la requérante survient au moment où elle
refuse d’abandonner ses droits dans le billet à ordre. Et pourtant la
présomption était grave, précise et concordante (art. 2849 C.c.Q.). Il n’en
parle même pas. »
De
plus, la requérante jouissait de la présomption prévue à l’article 124 L.n.t.,
mais le commissaire lui a fait porter le fardeau de la preuve en raison de son
mensonge antérieur. Or, comme la preuve doit être évaluée selon la balance des
probabilités, un seul incident ne peut permettre d’écarter une partie de la
preuve. L’employeur ne s’est pas déchargé de son fardeau consistant à démontrer
que la requérante a été congédiée pour une cause juste et suffisante.
La
CRT s’est « aveuglée » par l’acte de la requérante et, de ce fait,
n’a pas respecté les règles d’équité procédurale. Il en résulte une injustice
réelle, une violation aux droits de la requérante et une décision déraisonnable
au sens de l’arrêt Dunsmuir.
Le texte intégral de la
décision est disponible ici.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire
L'équipe du Blogue vous encourage à partager avec nous et nos lecteurs vos commentaires et impressions afin d'alimenter les discussions sur le Blogue. Par ailleurs, prenez note du fait qu'aucun commentaire ne sera publié avant d'avoir été approuvé par un modérateur et que l'équipe du Blogue se réserve l'entière discrétion de ne pas publier tout commentaire jugé inapproprié.