Dans la décision Directeur des poursuites criminelles et
pénales c. Bove, 2016 QCCQ 13829,
la Cour du Québec rappelle les principes qui doivent guider le rapport d’infraction
général en matière pénale et aborde le dossier épineux des cinémomètres
photographiques (les photos-radars).
Faits
Le Directeur des
poursuites criminelles et pénales (ci-après, « DPCP
») reproche à Madame Maria Carmela Bove (ci-après, « Défenderesse ») d’avoir conduit sa
voiture à une vitesse de 141 km/h dans une zone de 70 km/h, commettant ainsi
une infraction au Code de la sécurité
routière (R.L.R.Q. c-24.2).
Lors de l’audition,
le DPCP demande la permission de retirer le constat d’infraction en vertu de l’article
12 du Code de procédure pénale (R.L.R.Q. c-25.1), lequel se lit comme suit :
12. Le
poursuivant peut, avant l’instruction d’une poursuite, retirer tout chef
d’accusation qu’il a porté. Lors de l’instruction, le retrait ne peut être
effectué qu’avec la permission du juge.
Le
poursuivant doit faire parvenir un avis de retrait au défendeur et au greffier
lorsque ces derniers ne sont pas présents lors du retrait.
Bien
entendu, la Défenderesse s’y oppose et demande en outre un acquittement.
La preuve
du DPCP se compose d’une preuve documentaire, soit le constat d’infraction, un
rapport d’infraction général (article 62 du Code
de procédure pénale) signé par l’agente Fleurançois et d’un certificat
émanant de la Société de l’assurance automobile du Québec (ci-après, « SAAQ »).
C’est l’agente
Fleurançois qui a constaté l’excès de vitesse et ce, par l’entremise du
cinémomètre photographique.
À cet
effet, dans le rapport d’infraction général, elle atteste que la photo de la
plaque d’immatriculation prise par le cinémomètre photographique correspond aux
informations détenues par la SAAQ.
Le rapport
d’infraction général est prévu à l’article 62 du Code de procédure pénale lequel se lit comme suit :
62. Le
constat d’infraction ainsi que tout rapport d’infraction, dont la forme est
prescrite par règlement, peut tenir lieu du témoignage, fait sous serment,
de l’agent de la paix ou de la personne chargée de l’application d’une loi
qui a délivré le constat ou rédigé le rapport, s’il atteste sur le constat
ou le rapport qu’il a lui-même constaté les faits qui y sont mentionnés.
Il en est
de même de la copie du constat ou du rapport certifié conforme par une personne
autorisée à le faire par le poursuivant.
Conformément
à cette disposition, le rapport d’infraction général peut servir à titre de
témoignage.
Suivant la
demande du DPCP et en vertu de l’article 12 du Code de procédure pénale, est-ce
que le constat d’infraction devrait être retiré ?
Suivant la
demande de la défenderesse, est-ce que la Cour du Québec devrait ordonner un
acquittement dans la mesure où la DPCP ne s’est pas acquitté de son fardeau de
preuve ?
Analyse
Dans un
premier temps, la Cour du Québec refuse de retirer le constat d’infraction,
conformément à l’article 12 du Code de
procédure pénale, ci-haut cité.
En effet,
le DPCP a eu plusieurs fois l’occasion de le faire et ce, avant que l’audience
ne débute. Par ailleurs, cette demande est faite de manière tardive, alors que
les parties ont déclaré leur preuve respective close.
Également,
l’intérêt de la justice milite en faveur d’une décision sur le fond :
[28] Enfin,
puisque le dossier est apparu sur un rôle de la Cour du Québec à six reprises,
que la défenderesse a retenu les services d’avocats pour la représenter et
qu’un procès avec audition de témoin a eu lieu, le Tribunal considère qu’une
saine administration de la justice milite en faveur d’une décision sur le fond.
D’autant plus que la demande de retrait du poursuivant semble motivée par le
fait d’empêcher le Tribunal d’examiner la prétention de la défenderesse à
l’effet que la preuve en matière de cinémomètre photographique fixe est basée
sur une preuve par ouï-dire illégale et inadmissible.
(Références omises)
Avant d’aborder la
question relative à l’acquittement de la défenderesse, quelques commentaires s’imposent.
Depuis quelques
années, les routes du Québec sont désormais munies de cinémomètres
photographiques et ce, dans le but de contrôler les excès de vitesse. Cet
appareil capte la vitesse et prend en photo la plaque d’immatriculation du
véhicule fautif.
Une présomption
légale a été créée afin de faciliter la mise en preuve. Ainsi, à défaut d’une
preuve contraire, la vitesse enregistrée et les informations relatives à la
plaque d’immatriculation sont exactes.
La Cour du Québec
acquitte la défenderesse et ce, pour la raison suivante.
Le DPCP n’a pas été
en mesure de faire la démonstration que le cinémomètre photographique a fait l’objet
d’une validation, conformément à la réglementation.
[43] L’article
1 du Règlement prescrit qu’un cinémomètre photographique ne peut être
utilisé que s’il a fait l’objet d’une validation, dans un délai prévu par
son fabricant et par un agent de la
paix ayant reçu une formation appropriée, permettant d’assurer la
précision de la mesure de vitesse et que les informations apparaissant sur
l’image obtenues par l’appareil sont exactes.
[44] De
plus, le cinémomètre doit avoir fait l’objet d’une inspection, au cours des
75 jours précédant la date de son utilisation, soit par son fournisseur ou
son fabricant ou par toute autre personne autorisée. Également, un agent de la paix ayant reçu une
formation appropriée doit avoir vérifié le cinémomètre
photographique dans les sept jours précédant son utilisation.
[45] Pour
démontrer le respect de l’ensemble de ces exigences, l’agente Fleurançois
atteste, dans son rapport d’infraction, avoir personnellement constaté que le
cinémomètre photographique a été utilisé conformément au Règlement. Or, cette attestation s’avère totalement
fausse.
[46] En
effet, lors de son contre-interrogatoire, l’agente admet ne pas être une
technicienne qualifiée et n’avoir reçu aucune formation appropriée lui
permettant d’effectuer des vérifications sur un cinémomètre photographique.
De plus, elle ne fait qu’une affirmation générale voulant que l’appareil fût à
l’époque inspecté par le fournisseur à tous les 60 jours, sans pouvoir indiquer
les vérifications effectuées par ce dernier. Par ailleurs, elle ajoute
qu’elle « sait qu’à chaque semaine des policiers au bureau effectuent des
tests sur les appareils pour s’assurer que le système fonctionne bien »,
mais elle n’est pas en mesure de spécifier de quels tests il s’agit.
[47] En
fait, l’attestation apposée par l’agente sur son rapport d’infraction s’appuie
entièrement sur des informations recueillies et constatées par des tierces
personnes. Non seulement
s’agit-il d’une preuve par ouï-dire n’ayant aucune valeur probante, mais
également d’une transgression flagrante des critères de l’article 62 Cpp.
[48] Le
Tribunal conclut qu’en l’espèce, il n’y a aucune preuve démontrant que le
cinémomètre photographique utilisé respecte les conditions prévues au
Règlement.
(Nous soulignons)
Le rapport d’infraction
général prévu à l’article 62 du Code de procédure pénale ne permet pas de
rapporter du ouï-dire. S’il n’est pas possible de le faire à l’occasion d’un
témoignage, il n’est alors pas possible de le faire dans un rapport d’infraction
général.
Le texte de la
décision intégrale se trouve ici.
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