ACTION COLLECTIVE
(RECOURS COLLECTIF) : La Cour d'appel établit le test applicable au droit
de faire appel d'un jugement ayant autorisé l'exercice d'une action collective
prévu à l'article 578 C.P.C.
2016EXP-3754
Intitulé : Centrale des syndicats du Québec c. Allen, 2016 QCCA 1878
Juridiction : Cour d'appel (C.A.), Québec, 200-09-009238-160 et autres
Décision de : Juges Jacques Chamberland, Benoît Morin et Dominique Bélanger
Date : 22 novembre 2016
Références : SOQUIJ AZ-51343351, 2016EXP-3754, J.E. 2016-2110 (15 pages)
Résumé
ACTION COLLECTIVE
(RECOURS COLLECTIF) — procédure — autorisation — permission d'appel — jugement
d'autorisation — test applicable — interprétation de l'article 578 C.P.C. —
victime — contamination — légionellose — responsabilité du propriétaire —
responsabilité de l'État — Directeur de la santé publique.
PROCÉDURE CIVILE —
appel — permission d'appel — action collective — jugement d'autorisation — test
applicable — interprétation de l'article 578 C.P.C. — victime — contamination —
légionellose — responsabilité du propriétaire — responsabilité de l'État —
Directeur de la santé publique.
PROCÉDURE CIVILE —
nouveau Code de procédure civile.
Requêtes pour permission de faire
appel du jugement de la Cour supérieure ayant autorisé l'exercice d'une action
collective relativement à une éclosion de légionellose dans la région de Québec
survenue de juillet à octobre 2012. Rejetées.
Le 24 février 2016, la Cour
supérieure a autorisé l'exercice d'une action collective contre les requérants
le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de la
Capitale-Nationale, le Dr François Desbiens (en tant que
Directeur régional de la santé publique), la Centrale des syndicats du Québec
(CSQ) et la procureure générale du Québec (à titre de représentante du ministre
de la Santé et des Services sociaux et du Directeur national de la santé
publique) (PGQ) relativement à une éclosion de légionellose dans la région de
Québec survenue de juillet à octobre 2012. Les requérants demandent la
permission de faire appel de ce jugement.
Décision
M. le juge Chamberland: Depuis le 1er janvier 2016, aux termes de l'article 578 du Code de procédure civile (C.P.C.), le jugement autorisant l'exercice d'une action collective peut faire l'objet d'un appel moyennant la permission d'un juge de la Cour d'appel, tandis que le jugement refusant l'exercice de l'action collective demeure sujet à un appel de plein droit par le requérant (ou, avec la permission d'un juge de la Cour d'appel, par un membre du groupe). Dans un tel contexte, l'application des tests prévus dans les dispositions générales relatives à l'appel (art. 30 al. 3, 31 al. 2 et 32 C.P.C.) aurait pour effet de stériliser, en quelque sorte, le droit d'appel prévu à l'article 578 C.P.C. et aurait pour conséquence que des jugements d'autorisation mal fondés ouvriraient la porte à des actions collectives qui n'auraient pas dû voir le jour. Il y a donc lieu de conclure que la décision du législateur d'assujettir l'appel des jugements autorisant l'exercice d'une action collective à la permission d'un juge de la Cour d'appel, tout en prévoyant que le refus d'accorder l'autorisation demeure sujet à un appel de plein droit, commande l'aménagement d'un test qui lui est propre. Ce test ne doit pas être à ce point sévère qu'il stérilise le droit d'appel ni à ce point souple qu'il place les deux parties à l'action collective pour ainsi dire sur le même pied en ce qui a trait au droit d'appel et devienne une entrave à l'accès à la justice que l'action collective se veut un moyen de faciliter. En outre, l'appel doit être réservé à des cas somme toute exceptionnels. Le juge accordera donc la permission de faire appel lorsque le jugement lui paraîtra comporter à sa face même une erreur déterminante concernant l'interprétation des conditions d'exercice de l'action collective ou l'appréciation des faits relatifs à ces conditions, ou encore lorsqu'il s'agira d'un cas flagrant d'incompétence de la Cour supérieure. Ce test est fidèle à l'intention du législateur voulant que l'appel ne porte que sur les conditions d'exercice de l'action collective, il est de nature à écarter les appels inutiles ou ne portant que sur des éléments accessoires, sans incidence sur l'autorisation d'exercer l'action collective, et il est respectueux du pouvoir discrétionnaire du juge qui a autorisé l'action collective. Il n'est pas à ce point souple qu'il alourdirait indirectement le fardeau de ceux qui cherchent à exercer une action collective et à la mener à terme dans des délais raisonnables. De plus, il permet d'assurer qu'une action collective ne procède pas sur une base erronée, évitant ainsi aux parties d'être entraînées dans un long et coûteux débat judiciaire. En l'espèce, le juge de première instance a eu raison d'affirmer que, au stade de l'autorisation, l'intimée pouvait légitimement prétendre à la commission d'une faute par la CSQ engageant sa responsabilité et que les moyens invoqués par cette dernière en défense relevaient du fond du litige. En ce qui concerne le CIUSSS de la Capitale-Nationale et le Dr Desbiens, ceux-ci n'ont pas démontré que le juge s'était mal dirigé en droit et qu'il avait commis plusieurs erreurs manifestes dans son analyse de la preuve. Enfin, le PGQ a tort de soutenir que ce dernier a commis une erreur de droit ou de fait manifeste en refusant de qualifier l'action gouvernementale. Suivant la jurisprudence, il revient au juge du fond d'analyser la valeur d'un moyen de défense fondé sur l'immunité de l'État.
M. le juge Chamberland: Depuis le 1er janvier 2016, aux termes de l'article 578 du Code de procédure civile (C.P.C.), le jugement autorisant l'exercice d'une action collective peut faire l'objet d'un appel moyennant la permission d'un juge de la Cour d'appel, tandis que le jugement refusant l'exercice de l'action collective demeure sujet à un appel de plein droit par le requérant (ou, avec la permission d'un juge de la Cour d'appel, par un membre du groupe). Dans un tel contexte, l'application des tests prévus dans les dispositions générales relatives à l'appel (art. 30 al. 3, 31 al. 2 et 32 C.P.C.) aurait pour effet de stériliser, en quelque sorte, le droit d'appel prévu à l'article 578 C.P.C. et aurait pour conséquence que des jugements d'autorisation mal fondés ouvriraient la porte à des actions collectives qui n'auraient pas dû voir le jour. Il y a donc lieu de conclure que la décision du législateur d'assujettir l'appel des jugements autorisant l'exercice d'une action collective à la permission d'un juge de la Cour d'appel, tout en prévoyant que le refus d'accorder l'autorisation demeure sujet à un appel de plein droit, commande l'aménagement d'un test qui lui est propre. Ce test ne doit pas être à ce point sévère qu'il stérilise le droit d'appel ni à ce point souple qu'il place les deux parties à l'action collective pour ainsi dire sur le même pied en ce qui a trait au droit d'appel et devienne une entrave à l'accès à la justice que l'action collective se veut un moyen de faciliter. En outre, l'appel doit être réservé à des cas somme toute exceptionnels. Le juge accordera donc la permission de faire appel lorsque le jugement lui paraîtra comporter à sa face même une erreur déterminante concernant l'interprétation des conditions d'exercice de l'action collective ou l'appréciation des faits relatifs à ces conditions, ou encore lorsqu'il s'agira d'un cas flagrant d'incompétence de la Cour supérieure. Ce test est fidèle à l'intention du législateur voulant que l'appel ne porte que sur les conditions d'exercice de l'action collective, il est de nature à écarter les appels inutiles ou ne portant que sur des éléments accessoires, sans incidence sur l'autorisation d'exercer l'action collective, et il est respectueux du pouvoir discrétionnaire du juge qui a autorisé l'action collective. Il n'est pas à ce point souple qu'il alourdirait indirectement le fardeau de ceux qui cherchent à exercer une action collective et à la mener à terme dans des délais raisonnables. De plus, il permet d'assurer qu'une action collective ne procède pas sur une base erronée, évitant ainsi aux parties d'être entraînées dans un long et coûteux débat judiciaire. En l'espèce, le juge de première instance a eu raison d'affirmer que, au stade de l'autorisation, l'intimée pouvait légitimement prétendre à la commission d'une faute par la CSQ engageant sa responsabilité et que les moyens invoqués par cette dernière en défense relevaient du fond du litige. En ce qui concerne le CIUSSS de la Capitale-Nationale et le Dr Desbiens, ceux-ci n'ont pas démontré que le juge s'était mal dirigé en droit et qu'il avait commis plusieurs erreurs manifestes dans son analyse de la preuve. Enfin, le PGQ a tort de soutenir que ce dernier a commis une erreur de droit ou de fait manifeste en refusant de qualifier l'action gouvernementale. Suivant la jurisprudence, il revient au juge du fond d'analyser la valeur d'un moyen de défense fondé sur l'immunité de l'État.
Instance précédente : Juge Clément Samson, C.S., Québec, 200-06-000188-154, 2016-02-24, 2016
QCCS 692, SOQUIJ AZ-51257600.
Réf. ant : (C.S., 2016-02-24), 2016 QCCS 692, SOQUIJ AZ-51257600, 2016EXP-756, J.E.
2016-425; (C.A., 2016-04-12), 2016 QCCA 621, SOQUIJ AZ-51276484.
NDLR : Le même jour, la Cour d'appel a rejeté trois autres requêtes pour
permission de faire appel d'un jugement ayant autorisé une action collective
dans DuProprio inc. c. Fédération des chambres immobilières du Québec
(FCIQ), diffusée à SOQUIJ AZ-51343353 et résumée à 2016EXP-3752 ainsi qu'au
J.E. 2016-2108 (dossier no 500-09-026070-169), et Énergie
Éolienne des Moulins, s.e.c. c. Labranche, diffusée à SOQUIJ AZ-51343352 et
résumée à 2016EXP-3753 ainsi qu'au J.E. 2016-2109 (dossiers nos 200-09-009270-163
et 200-09-009273-167).
Le texte intégral
de la décision est disponible ici
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