PROCÉDURE CIVILE : Ordonner la divulgation du
contenu des entrevues à la source d'une étude sur laquelle se fonde l'expert
des demanderesses violerait le privilège de confidentialité dont ces données
brutes bénéficient.
2016EXP-3721
Intitulé : Centre de lutte
contre l'oppression des genres (Centre for Gender Advocacy) c. Québec
(Procureure générale), 2016 QCCS 5161
Juridiction
: Cour supérieure (C.S.), Montréal, 500-17-082257-141
Décision de
: Juge Marie-Anne Paquette
Date : 21 octobre 2016
(jugement rectifié le 25 octobre 2016)
Références
: SOQUIJ AZ-51336919, 2016EXP-3721 (13 pages)
Résumé
PROCÉDURE CIVILE
— administration de la preuve — interrogatoire préalable — communication de
documents — données brutes — rapport d'expert — étude scientifique — entrevues
avec des répondants — privilège de confidentialité — règle de la
proportionnalité — pertinence.
Demande de
communication de documents. Rejetée.
Les demandeurs
allèguent que certains articles du Code civil du Québec seraient
contraires à la Charte canadienne des droits et libertés et à la Charte
des droits et libertés de la personne. Ils se fondent notamment sur un
rapport d'expert qui établirait un lien entre, d'une part, le fait de détenir
des documents de l'état civil dont la mention de genre est non conforme au
genre vécu d'une personne et, d'autre part, la prévalence des idéations et
tentatives de suicide chez cette même personne transgenre. La procureure
générale du Québec (PGQ) souhaite obtenir les données brutes à la source du
rapport, qui ont été colligées à l'occasion d'une vaste étude menée auprès de
433 répondants.
Décision
Une partie a le droit de connaître les faits sur lesquels un expert fonde son opinion et les sources où il a puisé ses renseignements. De même, une partie a généralement le droit de contre-interroger un expert pour vérifier la qualité et la valeur probante de son rapport. Ce droit n'est cependant pas absolu. De manière générale, il n'est pas nécessaire que la partie adverse soit en mesure de refaire exactement tout le travail de l'expert pour recevoir son opinion en preuve.
Or, en l'espèce, les informations communiquées, notamment celles quant à la méthodologie utilisée et aux échanges survenus lors du processus de révision par les pairs, permettront amplement de faire les vérifications nécessaires et de soulever tous les points qui permettraient de nuancer, d'attaquer ou de remettre en perspective l'opinion de l'expert. Dans ce contexte, la divulgation demandée n'est ni nécessaire ni souhaitable, que ce soit du point de vue de la pertinence ou de la proportionnalité.
Par ailleurs, la communication des données brutes violerait le privilège de confidentialité dont elles sont assorties. En effet, les répondants ont reçu l'assurance que ces données ne seraient pas diffusées. De plus, cet anonymat était essentiel au maintien de la relation de confiance établie entre l'équipe de recherche et ces répondants. Troisièmement, il est dans l'intérêt public que la relation de confiance entre les chercheurs scientifiques et les populations humaines qui se prêtent à leurs recherches soit protégée. Enfin, les dommages qui résulteraient de la rupture de cette relation de confiance excéderaient les dommages que la PGQ pourrait subir ici à la suite du refus de lui donner accès aux renseignements qu'elle convoite.
Une partie a le droit de connaître les faits sur lesquels un expert fonde son opinion et les sources où il a puisé ses renseignements. De même, une partie a généralement le droit de contre-interroger un expert pour vérifier la qualité et la valeur probante de son rapport. Ce droit n'est cependant pas absolu. De manière générale, il n'est pas nécessaire que la partie adverse soit en mesure de refaire exactement tout le travail de l'expert pour recevoir son opinion en preuve.
Or, en l'espèce, les informations communiquées, notamment celles quant à la méthodologie utilisée et aux échanges survenus lors du processus de révision par les pairs, permettront amplement de faire les vérifications nécessaires et de soulever tous les points qui permettraient de nuancer, d'attaquer ou de remettre en perspective l'opinion de l'expert. Dans ce contexte, la divulgation demandée n'est ni nécessaire ni souhaitable, que ce soit du point de vue de la pertinence ou de la proportionnalité.
Par ailleurs, la communication des données brutes violerait le privilège de confidentialité dont elles sont assorties. En effet, les répondants ont reçu l'assurance que ces données ne seraient pas diffusées. De plus, cet anonymat était essentiel au maintien de la relation de confiance établie entre l'équipe de recherche et ces répondants. Troisièmement, il est dans l'intérêt public que la relation de confiance entre les chercheurs scientifiques et les populations humaines qui se prêtent à leurs recherches soit protégée. Enfin, les dommages qui résulteraient de la rupture de cette relation de confiance excéderaient les dommages que la PGQ pourrait subir ici à la suite du refus de lui donner accès aux renseignements qu'elle convoite.
Le texte intégral
de la décision est disponible ici
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