PÉNAL (DROIT) : Lorsque des transactions criminelles distinctes sont sanctionnées de
façon concomitante par un même juge au cours d'une même audience de
détermination de la peine, toutes les peines d'emprisonnement imposées
consécutivement doivent être additionnées sans tenir compte de la détention
présentencielle; si le total est inférieur à deux ans, l'article 742.1 C.Cr.
permet l'ordonnance de sursis; s'il ne l'est pas, une telle ordonnance ne peut
être rendue.
2017EXP-2034
Intitulé : R. c. Corminboeuf, 2017 QCCA 1057
Juridiction : Cour d'appel (C.A.), Montréal, 500-10-006239-162
Décision de : Juges Marie-France Bich, Manon Savard et Benoît
Emery (ad hoc)
Date : 7 juillet 2017
Références : SOQUIJ AZ-51406954, 2017EXP-2034 (21 pages)
Résumé
PÉNAL (DROIT) — détermination de la
peine — principes généraux — ordonnances — condamnation avec sursis —
ordonnance de purger sa peine dans la collectivité — peine de moins de deux ans
— interprétation de l'article 742.1 C.Cr. — transactions criminelles
différentes — peine devant être purgée consécutivement — application de R.
c. Fice (C.S. Can., 2005-05-20), 2005 CSC 32, SOQUIJ AZ-50314387, J.E.
2005-985, [2005] 1 R.C.S. 742 — temps passé en détention provisoire — effet sur
le calcul de la peine d'emprisonnement — armes à feu — bris d'engagement.
PÉNAL
(DROIT) — détermination de la peine — infractions relatives aux armes — armes à
feu — plaidoyer de culpabilité — possession d'une arme à feu prohibée ou à
autorisation restreinte avec des munitions (art. 95 (2) a) C.Cr.)
— possession sans autorisation d'une arme prohibée (art. 92 (2)
C.Cr.) — usage négligent — arme obtenue lors de la perpétration d'une
infraction — détention provisoire — crédit à accorder — détention — peine
consécutive — probation.
PÉNAL
(DROIT) — détermination de la peine — infractions dans l'application de la loi
et l'administration de la justice — défaut ou refus de se conformer à une
ordonnance — non-respect de l'ordonnance — interdiction de posséder des armes à
feu — travaux communautaires — détention — peine concurrente.
Appel de peine. Accueilli.
En 2012, l'intimé a été accusé sous divers chefs d'accusation reliés à
la possession et à l'usage d'une arme à feu. Il a été mis en liberté moyennant
un engagement qui comportait quelques conditions, dont celle de s'abstenir
d'avoir une arme en sa possession. En 2016, il a été de nouveau accusé sous
divers chefs liés à la possession et à l'usage d'armes à feu, mais également
d'une contravention à la condition de l'engagement. Il n'a alors pas été remis
en liberté. Le 27 juillet 2016, le juge de première instance, pour ce qui
est des infractions de 2012 et de 2016, a condamné l'intimé à purger des peines
d'emprisonnement totalisant 729 jours, ou 2 ans moins 1 jour,
soit 430 jours en détention et 299 jours dans la collectivité, assorties
d'une ordonnance de probation de 3 ans avec obligation d'effectuer
240 heures de travaux communautaires. Les 430 jours de détention
comprennent les 365 jours relatifs aux infractions de 2012 et les
65 jours qui restent à purger sur la peine d'emprisonnement imposée pour
les infractions de 2016 (armes à feu), laquelle a été réduite des
300 jours de détention présentencielle, que le juge a crédités à l'intimé.
La requérante soutient que le juge ne pouvait sanctionner par un emprisonnement
dans la collectivité l'omission de l'intimé de se conformer à un engagement
antérieur puisqu'une telle peine n'est permise par l'article 742.1 du Code
criminel (C.Cr.) que si la durée totale de l'emprisonnement imposé pour
l'ensemble des infractions sanctionnées de façon concomitante est inférieure à
deux ans, et ce, sans tenir compte de la détention présentencielle. Si l'on
exclut celle-ci du calcul, comme il se doit, la peine d'emprisonnement globale
infligée à l'intimé se trouve à être de 2 ans et 299 jours, et non,
comme l'indique le juge, de 2 ans moins 1 jour, ce qui rendrait
illégale l'ordonnance de sursis.
Décision
Mme la juge Bich: L'article 742.1 C.Cr. prévoit qu'une peine
d'emprisonnement à purger dans la collectivité ne peut être imposée que si le
délinquant est condamné à un emprisonnement de moins de deux ans. Tel qu'il est
énoncé dans R. c. Fice (C.S. Can., 2005-05-20), 2005 CSC 32, SOQUIJ
AZ-50314387, J.E. 2005-985, [2005] 1 R.C.S. 742, afin d'établir la durée de la
peine d'emprisonnement aux fins de cette disposition, le tribunal ne doit pas
tenir compte de la détention présentencielle. En l'espèce, le juge a fait ce
que proscrit cet arrêt, soit considérer uniquement, en ce qui concerne les
infractions «armes à feu et munitions» de 2016, la période qui devra de fait
être passée en prison après le prononcé de la peine (65 jours en
l'occurrence), alors qu'il lui fallait plutôt tenir compte de la période totale
d'incarcération dont le tribunal tient compte pour déterminer la sévérité de la
sanction requise par la gravité de l'infraction et la culpabilité morale du
délinquant (365 jours, qui s'ajoutent aux 365 jours sanctionnant les
infractions de 2012). En effet, lorsque des transactions criminelles distinctes
sont sanctionnées de façon concomitante par un même juge, au cours d'une même
audience de détermination de la peine, comme en l'espèce, la même conclusion
s'impose: afin de vérifier l'admissibilité d'un délinquant à l'emprisonnement
avec sursis, on doit additionner toutes les peines d'emprisonnement qui lui
sont imposées consécutivement, peu importe que les infractions ainsi
sanctionnées constituent des transactions criminelles distinctes, et ce, bien
sûr, sans tenir compte de la détention présentencielle (Fice). Si le
total est inférieur à deux ans, l'article 742.1 C.Cr. permet l'ordonnance de
sursis; s'il ne l'est pas, une telle ordonnance ne peut être rendue.
L'ordonnance de sursis rendue par le juge était donc illégale.
Ainsi, il y a lieu de casser l'ordonnance de sursis rendue à l'endroit de
l'intimé afin de sanctionner l'omission de se conformer à un engagement
(art. 145 (3) a) C.Cr.) et d'y substituer une peine de
30 jours d'emprisonnement à purger de façon concurrente avec celle de
65 jours d'emprisonnement pour les infractions dont il a été déclaré coupable,
sur plaidoyer; l'ordonnance de probation demeure intouchée et se greffe à la
peine sanctionnant le délit d'omission (art. 732.2 (1) b)
C.Cr.).
Instance précédente : Juge Paul
Chevalier, C.Q., Chambre criminelle et pénale, Terrebonne (Saint-Jérôme),
700-01-148730-164 et autres, 2016-07-27, 2016 QCCQ 7299, SOQUIJ AZ-51311212.
Réf. ant : (C.Q., 2016-07-27), 2016 QCCQ
7299, SOQUIJ AZ-51311212; (C.A., 2016-08-31), 2016 QCCA 1379, SOQUIJ
AZ-51319635.
Le texte intégral de la décision est
disponible ici
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