2017EXP-2364
Intitulé : Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (M.C.)
c. Service et mécanique MLT inc., 2017 QCTDP 14
Juridiction : Tribunal des droits de la personne (T.D.P.Q.), Terrebonne
(Saint-Jérôme), 700-53-000019-160
Décision de : Juge Yvan Nolet, Me Jean-François Boulais et Me Carolina
Manganelli, assesseurs
Date : 14 juillet 2017
Références : SOQUIJ AZ-51410279, 2017EXP-2364, 2017EXPT-1454 (19 pages)
Responsabilité et
obligations — employeur — discrimination — handicap — trouble de l'humeur —
prise de médicaments — connaissance de l'employeur — congédiement —
concomitance — présomption de discrimination — cause véritable — rupture du
lien de confiance alléguée — mensonge du salarié — absentéisme — prétexte —
atteinte à la dignité — mécanicien — dommage pécuniaire — dommage non
pécuniaire — dommages punitifs — responsabilité in solidum —
entreprise et président.
Résumé
TRAVAIL — responsabilité
et obligations — employeur — discrimination — handicap — trouble de l'humeur —
prise de médicaments — connaissance de l'employeur — congédiement —
concomitance — présomption de discrimination — cause véritable — rupture du
lien de confiance alléguée — mensonge du salarié — absentéisme — prétexte —
atteinte à la dignité — mécanicien — dommage pécuniaire — dommage non
pécuniaire — dommages punitifs — responsabilité in solidum —
entreprise et président.
DROITS ET LIBERTÉS
— droit à l'égalité — actes discriminatoires — congédiement (ou autre forme de
rupture d'emploi) — handicap — trouble de l'humeur — mécanicien — prise de
médicaments — connaissance de l'employeur — concomitance — présomption de
discrimination — autres motifs de congédiement — prétexte — dommages-intérêts.
DROITS ET LIBERTÉS
— droit à l'égalité — motifs de discrimination — handicap ou déficience —
trouble de l'humeur — congédiement — condition psychologique — prise de
médicaments.
DROITS ET LIBERTÉS
— réparation du préjudice — dommage pécuniaire (5 880 $) — perte de
salaire — dommage non pécuniaire (4 000 $) — dommages punitifs
(1 000 $) — congédiement — handicap — atteinte illicite et
intentionnelle.
DOMMAGE
(ÉVALUATION) — dommage exemplaire ou dommage punitif — discrimination — droit à
la dignité — congédiement — handicap — atteinte illicite et intentionnelle.
DOMMAGE
(ÉVALUATION) — dommage moral — congédiement — handicap — discrimination — droit
à la dignité.
Demande introductive d'instance pour
discrimination en vertu des articles 4, 10 et 16 de la Charte des
droits et libertés de la personne à l'encontre d'un congédiement.
Accueillie en partie.
Le plaignant a été embauché à titre
d'apprenti mécanicien. À la fin de sa période de probation et au moment où il
est devenu admissible au régime d'assurance collective, l'employeur a appris
que le plaignant souffrait d'un trouble de l'humeur, soit celui de la
personnalité limite, et qu'il devait prendre plusieurs médicaments lui
permettant de maîtriser sa condition. Quelques jours plus tard, il a mis fin à
son emploi en raison de sa mauvaise attitude au travail. La Commission des
droits de la personne et des droits de la jeunesse allègue que le propriétaire
de l'entreprise ainsi que celle-ci ont compromis le droit du plaignant d'être
traité en toute égalité dans l'emploi et sans discrimination fondée sur le
handicap, en violation des articles 10 et 16 de la charte, et qu'ils ont porté
atteinte à son droit à la sauvegarde de sa dignité, sans distinction ou
exclusion fondée sur le handicap, contrevenant ainsi aux articles 4 et 10
de la charte. Elle demande au Tribunal de condamner solidairement les
défendeurs à verser au plaignant 7 000 $ à titre de dommages
matériels de même que 6 000 $ à titre de dommages moraux. De plus,
alléguant le caractère illicite et intentionnel des atteintes, elle réclame au
propriétaire de l'entreprise 1 000 $ à titre de dommages punitifs.
Décision
L'état de santé du plaignant constitue un handicap. Le congédiement de ce dernier est survenu à peine quatre jours après que l'employeur eut appris sa condition médicale. La jurisprudence et la doctrine enseignent que la proximité de deux événements dans le temps permet d'établir, par présomption, qu'ils sont liés dans un rapport de cause à effet. Selon la doctrine, la preuve de discrimination «peut s'inférer des circonstances à partir de présomptions suffisamment graves, précises et concordantes». En l'espèce, la proximité entre le congédiement et la prise de connaissance de l'employeur, tant de l'état de santé du plaignant que du coût des médicaments, permet de présumer que son congédiement est la conséquence des informations obtenues par son employeur. Cette preuve établit une discrimination prima facie qui peut être suffisante afin d'entraîner une condamnation, à moins que les défendeurs ne repoussent cette présomption. Or, ces derniers n'ont pas tenté d'établir l'existence d'une exigence professionnelle justifiant la décision de mettre fin à l'emploi. L'employeur a plutôt insisté sur les mensonges répétés du plaignant sans toutefois en faire mention dans son mémoire ni sur le relevé de fin d'emploi délivré. De plus, ni les absences ni l'attitude ou encore l'honnêteté du plaignant à l'endroit de l'employeur n'ont été des causes de reproches jusqu'au jour où ce dernier a appris sa condition de santé. Ainsi, le plaignant a fait l'objet d'un traitement différent par son employeur en raison de la connaissance par ce dernier de son handicap. Il existe une présomption de faits suffisamment grave, précise et concordante selon laquelle l'état de santé mentale du plaignant a été un facteur déterminant dans la décision de l'employeur de le congédier, et ce, en contrevenant à l'article 16 de la charte. Les motifs invoqués par l'employeur constituent un prétexte afin de dissimuler le fait que le congédiement découle directement de l'état de santé du plaignant et du coût des médicaments. En outre, le plaignant a été victime de discrimination dans le contexte de son emploi en violation des articles 4, 10 et 16 de la charte puisque les comportements discriminatoires à l'égard des personnes handicapées portent atteinte à leur dignité.
Quant aux mesures de réparation, la responsabilité extracontractuelle du président, administrateur et actionnaire majoritaire de l'entreprise est retenue en vertu de l'article 317 du Code civil du Québec. La responsabilité contractuelle de l'entreprise, une personne morale, l'est également. À titre d'employeur, elle est responsable du congédiement. La condamnation doit être in solidum plutôt que solidaire. Ils sont condamnés à verser 5 880 $ à titre de dommages matériels afin de compenser la perte de salaire du plaignant. Quant aux dommages moraux, le choc ressenti à l'annonce du congédiement et ses effets persistants pendant les semaines suivantes sont pris en considération. Les défendeurs devront verser 4 000 $ à titre de dommages moraux. Relativement aux dommages punitifs accordés en vertu de l'article 49 de la charte, la situation d'emploi des personnes handicapées requiert que les tribunaux dénoncent, par l'attribution de ces dommages-intérêts, le congédiement injustifié, illicite et intentionnel d'une telle personne pour un motif discriminatoire en violation de la charte. Étant donné également que les défendeurs sont déjà tenus de verser des dommages matériels et moraux, la somme de 1 000 $ à verser à titre de dommages punitifs est raisonnable.
L'état de santé du plaignant constitue un handicap. Le congédiement de ce dernier est survenu à peine quatre jours après que l'employeur eut appris sa condition médicale. La jurisprudence et la doctrine enseignent que la proximité de deux événements dans le temps permet d'établir, par présomption, qu'ils sont liés dans un rapport de cause à effet. Selon la doctrine, la preuve de discrimination «peut s'inférer des circonstances à partir de présomptions suffisamment graves, précises et concordantes». En l'espèce, la proximité entre le congédiement et la prise de connaissance de l'employeur, tant de l'état de santé du plaignant que du coût des médicaments, permet de présumer que son congédiement est la conséquence des informations obtenues par son employeur. Cette preuve établit une discrimination prima facie qui peut être suffisante afin d'entraîner une condamnation, à moins que les défendeurs ne repoussent cette présomption. Or, ces derniers n'ont pas tenté d'établir l'existence d'une exigence professionnelle justifiant la décision de mettre fin à l'emploi. L'employeur a plutôt insisté sur les mensonges répétés du plaignant sans toutefois en faire mention dans son mémoire ni sur le relevé de fin d'emploi délivré. De plus, ni les absences ni l'attitude ou encore l'honnêteté du plaignant à l'endroit de l'employeur n'ont été des causes de reproches jusqu'au jour où ce dernier a appris sa condition de santé. Ainsi, le plaignant a fait l'objet d'un traitement différent par son employeur en raison de la connaissance par ce dernier de son handicap. Il existe une présomption de faits suffisamment grave, précise et concordante selon laquelle l'état de santé mentale du plaignant a été un facteur déterminant dans la décision de l'employeur de le congédier, et ce, en contrevenant à l'article 16 de la charte. Les motifs invoqués par l'employeur constituent un prétexte afin de dissimuler le fait que le congédiement découle directement de l'état de santé du plaignant et du coût des médicaments. En outre, le plaignant a été victime de discrimination dans le contexte de son emploi en violation des articles 4, 10 et 16 de la charte puisque les comportements discriminatoires à l'égard des personnes handicapées portent atteinte à leur dignité.
Quant aux mesures de réparation, la responsabilité extracontractuelle du président, administrateur et actionnaire majoritaire de l'entreprise est retenue en vertu de l'article 317 du Code civil du Québec. La responsabilité contractuelle de l'entreprise, une personne morale, l'est également. À titre d'employeur, elle est responsable du congédiement. La condamnation doit être in solidum plutôt que solidaire. Ils sont condamnés à verser 5 880 $ à titre de dommages matériels afin de compenser la perte de salaire du plaignant. Quant aux dommages moraux, le choc ressenti à l'annonce du congédiement et ses effets persistants pendant les semaines suivantes sont pris en considération. Les défendeurs devront verser 4 000 $ à titre de dommages moraux. Relativement aux dommages punitifs accordés en vertu de l'article 49 de la charte, la situation d'emploi des personnes handicapées requiert que les tribunaux dénoncent, par l'attribution de ces dommages-intérêts, le congédiement injustifié, illicite et intentionnel d'une telle personne pour un motif discriminatoire en violation de la charte. Étant donné également que les défendeurs sont déjà tenus de verser des dommages matériels et moraux, la somme de 1 000 $ à verser à titre de dommages punitifs est raisonnable.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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