TRAVAIL : Le Règlement modifiant le Règlement sur
certaines conditions de travail applicables aux cadres des agences et des
établissements de santé et de services sociaux, édicté par un arrêté
ministériel en date du 23 mars 2015, a été adopté en violation de
l'article 2 d) de la Charte canadienne des droits et libertés.
2017EXPT-1292
Intitulé : Association des gestionnaires des
établissements de santé et de services sociaux c. Barrette, 2017 QCCS 3339
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Québec, 200-17-022087-159
Décision de : Juge Suzanne Ouellet
Date : 20 juillet 2017
Références : SOQUIJ AZ-51411518, 2017EXP-2191,
2017EXPT-1292 (31 pages)
TRAVAIL — contrat de travail — congédiement ou autre mesure
(recours en vertu de lois diverses) — santé et services sociaux — abolition de
poste — modification des conditions de travail — cadres — règlement adopté dans
le contexte d'une réforme du réseau des affaires sociales — entrée en vigueur
de la loi nouvelle — pouvoirs du ministre — liberté d'association — interprétation
de «négociation collective» — demande en nullité accueillie.
ADMINISTRATIF (DROIT) — actes de l'Administration —
règlement — ministre de la Santé et des Services sociaux — pouvoir
réglementaire — modification des conditions de travail — cadres des
établissements — abolition de poste — indemnité compensatrice — demande de
nullité.
DROITS ET LIBERTÉS — droits et libertés fondamentaux —
association — association professionnelle — cadres du réseau de la santé et des
services sociaux — modification des conditions de travail — interprétation de
l'article 2 d) de la Charte canadienne des droits et libertés
— droit à la négociation collective — obligation de consultation.
Demande en nullité d'un règlement. Accueillie.
La demanderesse est une association d'employés reconnue en
vertu de la Loi sur les syndicats professionnels. Elle demande au
tribunal de déclarer que le Règlement modifiant le Règlement sur certaines
conditions de travail applicables aux cadres des agences et des établissements
de santé et de services sociaux, édicté le 23 mars 2015, est invalide
et nul parce qu'il est incompatible avec certaines dispositions de la Loi
modifiant l'organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des
services sociaux notamment par l'abolition des agences régionales (loi 10),
qu'il ne respecte pas le Règlement sur certaines conditions de travail
applicables aux cadres des agences et des établissements de santé et de
services sociaux et qu'il viole leurs droits fondamentaux.
Décision
La loi 10 est entrée en vigueur le 1er avril 2015, à
l'exception de certaines dispositions qui sont entrées en vigueur le
9 février précédent, jour de la sanction. Parmi celles-ci se trouve
l'article 189, qui prévoit l'abolition le 31 mars 2015 d'un grand nombre
de postes de cadres et qui fixe les droits et les avantages auxquels les
personnes visées ont droit en raison de leur cessation d'emploi. Les
changements aux conditions de travail (indemnité de départ, congés de retraite
et de préretraite) apportés par le règlement du 23 mars 2015 sont entrés
en vigueur avant la loi 10, devenant ainsi applicables aux cadres dont les
postes allaient être abolis le 31 mars suivant. Or, le ministre de la
Santé et des Services sociaux ne pouvait agir ainsi. Les dispositions transitoires
nécessaires à l'application de la loi 10 sont claires. La date du 1er avril
2015 pour son entrée en vigueur constitue un choix délibéré du législateur et
correspond à un objectif louable relié à la protection des acquis. En vertu de
la loi 10, les cadres dont le poste est aboli le 31 mars 2015 bénéficient
toujours des droits découlant du Règlement sur certaines conditions de
travail applicables aux cadres des agences et des établissements de santé et de
services sociaux. Par ailleurs, le règlement du 23 mars 2015 présente
une réelle incompatibilité avec la loi 10 sur le plan du pouvoir réglementaire
habilitant du ministre. En effet, l'article 217 de la loi 10 mentionne que le
gouvernement peut, par règlement, «prendre toute mesure nécessaire ou utile à l'application
de la présente loi ou à la réalisation de son objet» et qu'un tel règlement
s'applique «à compter de toute date non antérieure au 1er avril
2015». Les conditions de cet article ne sont pas remplies. Même si c'était le
cas, le pouvoir réglementaire en cette matière serait expressément confié au
gouvernement et non au ministre. En édictant le règlement du 23 mars 2015,
le ministre a changé, en la devançant, la prise d'effet des dispositions des
articles 135 et 136 de la loi 10, relatifs aux mesures de stabilité d'emploi
applicables aux cadres dont le poste est aboli, ce qu'il ne pouvait faire.
Le décret de reconnaissance de la demanderesse prévoit que le ministre ou ses
représentants consultent obligatoirement cette dernière préalablement à la détermination
ou à la modification des conditions de travail des cadres qu'elle représente.
Ceux-ci bénéficient en outre de la protection constitutionnelle de la Charte
canadienne des droits et libertés relative à la liberté d'association
(art. 2 d)), qui comprend le droit à la «négociation
collective». Cette notion inclut forcément la consultation dans un contexte où
le gouvernement s'y est volontairement et expressément assujetti par décret et
règlement. Or, ce processus de consultation a été mis de côté par le Ministère.
Il s'agit d'un autre écueil à la validité du règlement.
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