PROCÉDURE CIVILE : Tout le processus engagé par le
recours en dommages-intérêts intenté par l'avocate demanderesse constitue un
abus de procédure manifeste caractérisé par la hargne et l'intention de nuire
aux défendeurs sans justification autre qu'ils aient osé lui résister et la
critiquer professionnellement auprès du syndic du Barreau, ce qui justifie le
rejet immédiat de sa demande en vertu de l'article 53 alinéa 1 C.P.C
2017EXP-2930
Intitulé : Elmaraghi c. Nadeau, 2017 QCCS 4156 *
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Longueuil,
505-17-008854-160
Décision de : Juge Jean-Jude Chabot
Date : 19 septembre 2017
Références : SOQUIJ AZ-51426050, 2017EXP-2930 (27 pages)
Résumé
PROCÉDURE CIVILE — pouvoir des
tribunaux de sanctionner les abus de procédure (NCPC) — rejet de procédures —
demande introductive d'instance — conduite vexatoire — détournement des fins de
la justice — demande introductive d'instance — recours manifestement mal fondé —
abus de procédure — recours en dommages-intérêts — atteinte à la réputation —
plainte disciplinaire — avocat — plainte fondée — application de l'article 54
C.P.C. — dommages punitifs — honoraires extrajudiciaires.
RESPONSABILITÉ
— responsabilité du fait personnel — abus de procédure — recours manifestement
mal fondé — recours en dommages-intérêts — atteinte à la réputation — plainte
disciplinaire — avocat — plainte fondée — intimidation — représailles —
intention de nuire — abus du droit d'ester en justice conduite vexatoire —
détournement des fins de la justice — dommage non pécuniaire — application de
l'article 54 C.P.C. — dommages punitifs — honoraires extrajudiciaires.
DOMMAGE
(ÉVALUATION) — dommage moral — abus de procédure — application de l'article 54
C.P.C. — détournement des fins de la justice — intimidation — intention de
nuire.
DOMMAGE
(ÉVALUATION) — dommage exemplaire ou dommage punitif — application de l'article
54 C.P.C. — abus de procédure — détournement des fins de la justice — conduite
vexatoire — intention de nuire.
DOMMAGE
(ÉVALUATION) — honoraires extrajudiciaires — remboursement — abus de procédure
— recours manifestement mal fondé — application de l'article 54 C.P.C. —
détournement des fins de la justice.
PROCÉDURE
CIVILE — nouveau Code de procédure civile.
Demande en rejet de la demande modifiée en rejet de la demande
introductive d'instance et en rejet de l'exposé sommaire de défense orale ainsi
qu'en réclamation de dommages moraux et punitifs. Rejetée. Demande en rejet de
la demande introductive d'instance remodifiée et en réclamation de dommages
moraux et de dommages punitifs. Accueillie en partie (34 761 $).
Au moment des faits en litige, la demanderesse était une avocate
inscrite au tableau de l'Ordre du Barreau du Québec depuis le 23 novembre
1983. Elle est la mère de la Dre Nahla Abdel-Megid, une
chirurgienne-dentiste, pour laquelle elle a agi professionnellement à titre
gratuit. Au début de l'année 2005, le défendeur Nadeau exploitait avec la Dre Arpin
la Clinique dentaire Nadeau et Arpin. Le 5 mai 2005, Megid a signé avec
Nadeau une convention d'indivision et de partage de dépenses applicable dans le
contexte de l'achat par Megid de la part d'Arpin dans la clinique, ce qui a eu
lieu le 20 mai suivant. Le 19 février 2009, Nadeau a enregistré sa
propre pratique sous le nom de Clinique dentaire Nadeau inc., défenderesse. Un
conflit a ensuite pris naissance au printemps 2009 en lien avec des problèmes
de publicité et relativement à l'utilisation du numéro de téléphone de la
Clinique dentaire Nadeau et Megid. Le 1er mai 2013, Nadeau a
fait parvenir au bureau du syndic du Barreau du Québec une demande d'enquête à
l'égard de la conduite déontologique de la demanderesse. Le 5 juillet
suivant, cette dernière a transmis au syndic adjoint du Barreau sa réponse
détaillée à la plainte de Nadeau, qu'elle a qualifié d'entrée de jeu de
«vexatoire» et soutenant qu'elle porte atteinte à la dignité de sa personne et
à sa réputation. Les 14 et 28 mai 2014, Nadeau s'est plaint de nouveau
auprès du syndic adjoint du Barreau de l'implication inappropriée de la
demanderesse dans son litige avec Megid. Le 5 décembre suivant, une
convention de dissolution, de partage et de liquidation de la Clinique dentaire
Nadeau et Megid a été signée. Le 28 janvier 2015, le syndic adjoint a
déposé une plainte contre la demanderesse pour conduite dérogatoire. Le
3 février 2016, celle-ci a déposé auprès du Barreau un avis de changement
de son statut au profit de celui d'avocate à la retraite. Le 31 mars
suivant, elle a intenté le présent recours contre les défendeurs, leur
réclamant la somme de 771 950 $, lequel était accompagné d'une
demande de saisie avant jugement en mains tierces contre les banquiers de la
défenderesse Clinique dentaire Nadeau. La demande de saisie avant jugement a
été rejetée. Le 20 mai, le syndic adjoint a déposé une deuxième plainte
disciplinaire contre la demanderesse, lui reprochant d'avoir commis un acte
dérogatoire à l'honneur et à la dignité du Barreau en intentant le présent
recours et manquant ainsi à son obligation de ne pas exercer de représailles à
la suite de la demande d'enquête des défendeurs Nadeau et Lafrenière. Le
28 juin, le Conseil de discipline du Barreau du Québec a déclaré la
demanderesse coupable d'avoir omis de sauvegarder son indépendance
professionnelle alors qu'elle représentait sa fille. En l'espèce, la demande
des défendeurs vise non seulement le rejet du recours de la demanderesse en
vertu de l'article 51 du Code de procédure civile (C.P.C.), mais aussi
une réclamation en dommages moraux (10 000 $) et en dommages punitifs
(15 000 $). Pour sa part, la demanderesse soutient que la demande en
rejet des défendeurs ainsi que leur exposé sommaire des moyens de défense sont
abusifs, dilatoires et manifestement mal fondés en fait et en droit. Elle aussi
demande donc le rejet de leur demande ainsi que des dommages pécuniaires,
moraux et punitifs de l'ordre de 25 000 $.
Décision
Si la conduite professionnelle de la demanderesse a semblé inappropriée aux
yeux des défendeurs et qu'ils ont demandé au syndic du Barreau d'enquêter à ce
sujet, il n'y a là manifestement pas d'atteinte à la réputation puisque le
processus est confidentiel. Si le processus a abouti à une condamnation pour
acte dérogatoire et que la demanderesse a choisi d'étaler dans le domaine
public tous les documents et commentaires qui ont trait à la plainte
disciplinaire, elle ne peut se plaindre de sa diffusion. En outre, le recours
de la demanderesse est manifestement mal fondé et abusif non seulement en
raison du fait que les propos dont elle se plaint ont été rapportés de bonne
foi, celle-ci se présumant, dans le contexte d'un processus confidentiel
autorisé par la loi, mais également parce que les allégations de la demande
n'établissent pas que les propos et les gestes reprochés aux défendeurs soient
de nature diffamatoire. D'autre part, la décision du syndic adjoint de faire
une plainte relève de son pouvoir discrétionnaire et non des défendeurs.
D'ailleurs, la demande d'enquête et son contexte font partie de la réalité des avocats
ainsi que des contrariétés inhérentes à la profession et ils ne sont pas
indemnisables à moins de circonstances très particulières, qui ne correspondent
pas à la présente demande. Or, le recours de la demanderesse est à sa face même
une procédure vexatoire visant à intimider les défendeurs, une forme de
représailles contre eux, et constitue un détournement des fins de la justice.
En fait, tout le processus engagé par le recours en dommages-intérêts constitue
un abus de procédure manifeste caractérisé par la hargne de la demanderesse et
son intention de nuire aux défendeurs sans justification autre que le fait
qu'ils aient osé lui résister et la critiquer professionnellement auprès du
syndic du Barreau, ce qui justifie le rejet immédiat de sa demande en vertu de
l'article 53 alinéa 1 C.P.C. Dans ces circonstances, les défendeurs ont
droit au remboursement des honoraires d'avocat qu'ils ont dû débourser en
raison de ce recours abusif, lesquels sont évalués à 26 761 $. De
plus, les défendeurs Nadeau et Lafrenière ont droit à 2 000 $ chacun
à titre de dommages moraux. Enfin, lorsque l'article 54 C.P.C. autorise
l'attribution de dommages punitifs, il vise l'usage abusif du droit d'ester en
justice dans l'intention de nuire à autrui ou par témérité, sans cause
raisonnable, par représailles. L'intention de nuire n'a pas à être précise;
l'intention générale suffit, car le plaideur abusif veut entraîner la partie
adverse dans un débat long et coûteux pour le punir. C'est le cas en l'espèce,
où la demanderesse cherchait à punir les défendeurs pour avoir osé remettre en
question son rôle de représentante légale de sa fille et avoir osé se plaindre
de son manque d'indépendance professionnelle par des procédés qu'ils jugeaient
inappropriés. Ainsi, la demanderesse est condamnée à payer aux défendeurs
Nadeau et Lafrenière 2 000 $ chacun à titre de dommages punitifs. Il
n'y a pas lieu d'accorder de tels dommages en faveur de la défenderesse
Clinique dentaire Nadeau puisqu'elle n'est visée que par ricochet et qu'une
telle attribution ferait double emploi avec les sommes accordées aux autres
défendeurs.
Suivi :
Déclaration d'appel et requête
pour permission d'appeler, 2017-10-19 (C.A.), 500-09-027107-176.
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