ADMINISTRATIF
(DROIT) : Des propriétaires, chauffeurs et intermédiaires du domaine du
taxi au Québec échouent à obtenir l'annulation de l'entente de principe et du
projet pilote mis en place à l'automne 2016 par le ministre des Transports, de
la Mobilité durable et de l'Électrification des transports en faveur de la
société Uber.
2017EXP-3297
Intitulé : Regroupement des travailleurs autonomes Métallos, section locale 9840 c.
Uber Technologies inc., 2017 QCCS 4447 *
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Montréal, 500-17-092485-161 et
500-17-095560-168
Décision de : Juge Élise Poisson
Date : 5 octobre 2017
Références : SOQUIJ AZ-51430332, 2017EXP-3297 (37 pages)
Résumé
ADMINISTRATIF
(DROIT) — actes de l'Administration — décret — arrêté ministériel — projet
pilote sur le transport rémunéré de personnes par Uber — validité — acte
normatif à caractère réglementaire — entente de principe — ministre des
Transports, de la Mobilité durable et de l'Électrification des transports —
compétence — pouvoir discrétionnaire — objectifs de l'arrêté ministériel —
équité envers les titulaires de permis — recours en nullité.
ADMINISTRATIF
(DROIT) — contrôle judiciaire — cas d'application — divers — ministre des
Transports, de la Mobilité durable et de l'Électrification des transports —
arrêté ministériel — projet pilote sur le transport rémunéré de personnes par
Uber — recours en nullité.
TRANSPORT ET
AFFRÈTEMENT — transport routier — taxi — arrêté ministériel — projet pilote sur
le transport rémunéré de personnes par Uber — validité — acte normatif à
caractère réglementaire — entente de principe — ministre des Transports, de la
Mobilité durable et de l'Électrification des transports — compétence — pouvoir
discrétionnaire — objectifs de l'arrêté ministériel — équité envers les
titulaires de permis — recours en nullité.
Demande en injonction et demande en
nullité. Rejetées.
Les demandeurs regroupent plusieurs
propriétaires, chauffeurs et intermédiaires exerçant leurs activités dans le
domaine du transport par taxi au Québec. Par leur demande en injonction, ils
visent à faire déclarer illégaux les services de transport rémunéré, connus
sous le nom d'UberX, offerts au Québec par les défenderesses (Uber) et à les
faire cesser. La plateforme UberX, disponible 24 heures par jour et
7 jours par semaine, permet aux partenaires-chauffeurs et aux usagers,
utilisateurs des applications mobiles ou du site Internet d'Uber, d'organiser
et de planifier des déplacements contre rémunération. Par leur demande en
nullité dirigée contre la procureure générale du Québec, défenderesse, et Uber
Canada inc., mise en cause, les demandeurs cherchent l'annulation de l'entente
de principe et du projet pilote mis en place à l'automne 2016 par le ministre
des Transports, de la Mobilité durable et de l'Électrification des transports
en faveur de la mise en cause au motif qu'ils contreviennent à la Loi
concernant les services de transport par taxi. Dans l'éventualité où leur
demande en nullité serait accueillie, ils cherchent également à faire déclarer
invalide le permis d'intermédiaire en services de transport par taxi délivré en
faveur de la mise en cause par la Commission des transports du Québec. Les
demandeurs prétendent que le projet pilote a pour effet de créer deux systèmes
parallèles en matière de services de transport par taxi, à savoir, d'une part,
un système de gestion de l'offre, par une autorité gouvernementale, pour le
taxi traditionnel en vertu, notamment, de la loi et de ses règlements et,
d'autre part, un système distinct, gouverné par d'autres normes et règles,
édictées par l'arrêté ministériel 2016-16 (Arrêté concernant le projet
pilote concernant des services de transport rémunéré de personnes demandés
exclusivement par application mobile), bénéficiant uniquement à Uber. Ils
soutiennent que le projet pilote met de côté les permis de propriétaire de
taxi, sur lesquels repose le mécanisme de gestion de l'offre pour le taxi
traditionnel, au profit d'une banque d'heures illimitées. Ce faisant, le projet
pilote permettrait à un nombre illimité de personnes d'offrir leurs services
sur un vaste territoire, dilapidant ainsi la demande de services de transport
par taxi. Les demandeurs concluent que le projet pilote engendre une
concurrence déloyale entre les bénéficiaires de ce projet et les autres
intervenants de l'industrie du taxi et que, bien que l'article 89.1 de la loi
permette au ministre d'édicter des normes et des règles différentes de celles
prévues par la loi et ses règlements, cela ne lui permet pas, sans outrepasser
ses pouvoirs, d'édicter un tel projet pilote.
Décision
L'arrêté ministériel ayant autorisé la mise en oeuvre d'un projet pilote et
dont la légalité est également attaquée par la demande en nullité est un acte
normatif à caractère réglementaire en ce que: 1) il est édicté en vertu
d'un pouvoir législatif, soit l'article 89.1 de la loi; 2) il prévoit des
normes et des règles obligatoires, différentes de celles prévues à la loi;
3) il crée des droits en faveur de la mise en cause et de ses
partenaires-chauffeurs en leur permettant d'offrir ou d'effectuer des services
de transport rémunéré en respectant les normes et règles qu'il édicte, différentes
de celles prévues par la loi; 4) il est public et accessible puisqu'il est
publié; et 5) il prévoit des dispositions pénales et des infractions à
l'encontre du titulaire et des partenaires-chauffeurs qui ne respectent pas les
exigences prescrites. L'arrêté ministériel consacre une norme de conduite et a
valeur de règle de droit, c'est-à-dire d'acte normatif, bien qu'il vise une
catégorie précise d'administrés et qu'il soit à caractère expérimental de même
que temporaire. Le fait que l'arrêté ministériel ait été précédé de la
conclusion de l'entente de principe n'en modifie pas la nature. L'entente de
principe vise à orienter l'action du ministre de manière à la rendre efficace
et adaptée aux intérêts divergents en cause. L'article 89.1 de loi autorise
expressément celui-ci à édicter des normes et des règles différentes de celles
prévues, aux fins de mettre en oeuvre un projet pilote, et l'entente de
principe s'inscrit dans le processus adopté par le ministre pour établir des
normes et règles adaptées à la réalité de ce projet pilote. Par ailleurs, dans
le contexte d'un pourvoi judiciaire régi par le premier alinéa de l'article 529
du Code de procédure civile, le rôle du tribunal vise à s'assurer
que le pouvoir législatif délégué au ministre a été exercé en conformité avec
la raison d'être et la portée de la disposition habilitante. Il ne s'agit pas
d'un contrôle de l'opportunité de la décision discrétionnaire et politique du
ministre exercé à l'intérieur des limites de sa compétence. Or, l'article 89.1
de la loi prévoit que le ministre peut, dans le contexte d'un projet pilote,
autoriser le titulaire d'un permis d'intermédiaire de taxi délivré en vertu de
la loi à offrir ou à effectuer des services de transport par taxi, selon des
normes et des règles différentes de celles prévues par cette loi et ses
règlements. En l'espèce, le ministre n'a pas excédé ses pouvoirs en concluant
l'entente de principe avec la mise en cause et en adoptant l'arrêté ministériel
puisque l'une des conditions de son application impose à la mise en cause
l'obligation de détenir le permis d'intermédiaire de transport requis afin de
pouvoir bénéficier du projet pilote. De plus, les demandeurs n'ont pas démontré
que l'arrêté ministériel est ultra vires des pouvoirs du
ministre puisque les objectifs des normes et règles édictées par l'arrêté
ministériel visent à innover en matière d'offre et de qualité de services, à
recueillir des données et informations quant aux activités d'Uber, à mesurer
leur effet réel et à encadrer les services d'Uber. Ces objectifs s'inscrivent
dans le contexte de la loi et de son article 89.1 et ne reposent pas sur des
considérations sans importance, non pertinentes ou complètement étrangères à
l'objet de cette loi. Enfin, quant à l'équité envers les titulaires de permis,
le ministre a pris des mesures pour s'assurer du respect de cette équité. Il
n'appartient pas au tribunal de porter un jugement de valeur sur les mesures
mises en place par le ministre ou leur efficacité.
Suivi : Déclaration d'appel et requête pour permission d'appeler, 2017-11-24
(C.A.), 500-09-027187-178.
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