PÉNAL (DROIT) : L'appel est rejeté à l'égard de déclarations de
culpabilité sous des chefs d'agressions sexuelles et de voies de fait à
l'endroit de 4 travailleuses du sexe entre 2002 et 2005; la technique
policière utilisée pour obtenir un échantillon de l'ADN de l'appelant n'était
pas objectivement condamnable et celui-ci, en consommant un café dans un
endroit public et en laissant l'agent double débarrasser la table, a abandonné
sa tasse et n'avait pas d'attente raisonnable de vie privée quant à l'ADN qui
s'y trouvait.
2019EXP-250
Intitulé : D'Amico c. R., 2019 QCCA 77
Juridiction : Cour d'appel (C.A.), Montréal, 500-10-005761-141
Décision de : Juges France Thibault, Martin Vauclair et Simon Ruel
Date : 22 janvier 2019
Références : SOQUIJ AZ-51562974, 2019EXP-250 (85 pages)
Résumé
PÉNAL (DROIT) — infraction — infractions de nature sexuelle — agression
sexuelle — causant des lésions corporelles — voies de fait — prostituée —
déclaration de culpabilité — appel — norme d'intervention — divulgation de la
preuve — appréciation de la preuve — séparation des chefs d'accusation —
recevabilité de la preuve — déclaration extrajudiciaire — res gestae —
preuve de faits similaires — preuve d'ADN — pouvoir policier — enquête — agent
double — verre dans un restaurant — abandon du bien — expectative de vie privée
— absence d'autorisation judiciaire — banques de données.
PÉNAL (DROIT) — preuve pénale — appréciation de la preuve — recevabilité
de la preuve — divulgation de la preuve — déclaration extrajudiciaire — res
gestae — preuve de faits similaires — preuve d'ADN — appel — norme
d'intervention.
PÉNAL (DROIT) — garanties fondamentales du processus pénal — droit à la
protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives —
preuve d'ADN — pouvoir policier — enquête — agent double — verre dans un
restaurant — abandon du bien — expectative de vie privée — absence
d'autorisation judiciaire — banque de données.
DROITS ET LIBERTÉS — droits judiciaires — protection contre les
fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives — preuve d'ADN — pouvoir
policier — enquête — agent double — verre dans un restaurant — expectative de
vie privée — abandon du bien — absence d'autorisation judiciaire — banques de
données.
PÉNAL (DROIT) — infraction — infractions contre la personne — voies de
fait — agression sexuelle — prostituée — preuve d'ADN — recevabilité de la
preuve.
Appel de déclarations de culpabilité.
Rejeté, avec dissidence.
L'appelant se pourvoit à l'encontre
d'un jugement de la Cour du Québec l'ayant déclaré coupable sous 5 chefs
d'accusation relatifs à des agressions sexuelles et à des voies de fait
commises à l'endroit de 4 prostituées. Ces accusations ont été portées à
la suite d'une enquête policière au sujet d'un meurtre dont le modus
operandi présentait des similitudes avec celui d'agressions sexuelles
pour lesquelles l'appelant était suspect. Des échantillons d'ADN prélevés sur
la scène du meurtre et d'autres contenus dans des bases de données locales ont
été comparés à ceux de l'appelant, recueillis par la police au terme d'une
opération policière.
Décision
Selon l'opinion des 2 juges majoritaires, l'échantillon d'ADN n'a pas été obtenu en violation de l'article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés. Les 3 juges conviennent du fait que, si elle l'avait été, l'exclusion de la preuve ainsi obtenue aurait eu pour effet de déconsidérer l'administration de la justice selon les critères établis dans R. c. Grant (C.S. Can., 2009-07-17), 2009 CSC 32, SOQUIJ AZ-50566222, J.E. 2009-1379, [2009] 2 R.C.S. 353.
Mme la juge Thibault: La police peut, à l'occasion d'une enquête policière portant sur une personne qui n'est pas détenue et qu'elle soupçonne d'avoir commis un crime, librement recueillir les objets abandonnés dans un lieu public par celle-ci pour en dégager une empreinte génétique, en considérant que l'abandon est une question de fait et que l'attente raisonnable en matière de vie privée s'apprécie à la lumière des critères établis dans R. c. Patrick (C.S. Can., 2009-04-09), 2009 CSC 17, SOQUIJ AZ-50549497, J.E. 2009-665, [2009] 1 R.C.S. 579. En l'espèce, la police possédait suffisamment d'informations pour justifier l'existence de motifs raisonnables de recueillir la tasse et d'y prélever des échantillons d'ADN. D'autre part, la technique policière utilisée n'était pas objectivement condamnable, et l'appelant, qui a volontairement consommé un café dans un endroit public et qui ne s'est pas opposé à ce que l'agent double débarrasse la table, a abandonné sa tasse et n'avait pas d'attente raisonnable de vie privée quant à l'ADN qui s'y trouvait.
M. le juge Ruel: L'appelant, même s'il n'a pas renoncé à la protection de l'ensemble des informations contenues dans son ADN, savait ou aurait dû savoir qu'une empreinte génétique laissée dans un endroit public pouvait éventuellement être recueillie par la police afin de la comparer avec des échantillons prélevés sur une scène de crime.
M. le juge Vauclair, dissident sur un point de droit: La police ne peut utiliser la ruse dans le cadre d'une enquête afin de pousser un suspect à fournir, malgré lui, un échantillon d'ADN, car celui-ci se trouve alors dans une situation similaire à celle d'un détenu. Cette pratique devrait faire l'objet d'une autorisation judiciaire préalable en vertu de l'article 487.01 du Code criminel, et l'utilisation des échantillons d'ADN ainsi récoltés devrait être encadrée par des garanties législatives. En l'espèce, l'appelant avait une attente raisonnable de vie privée quant à son ADN, qui a été recueilli en violation de ses droits constitutionnels.
Selon l'opinion des 2 juges majoritaires, l'échantillon d'ADN n'a pas été obtenu en violation de l'article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés. Les 3 juges conviennent du fait que, si elle l'avait été, l'exclusion de la preuve ainsi obtenue aurait eu pour effet de déconsidérer l'administration de la justice selon les critères établis dans R. c. Grant (C.S. Can., 2009-07-17), 2009 CSC 32, SOQUIJ AZ-50566222, J.E. 2009-1379, [2009] 2 R.C.S. 353.
Mme la juge Thibault: La police peut, à l'occasion d'une enquête policière portant sur une personne qui n'est pas détenue et qu'elle soupçonne d'avoir commis un crime, librement recueillir les objets abandonnés dans un lieu public par celle-ci pour en dégager une empreinte génétique, en considérant que l'abandon est une question de fait et que l'attente raisonnable en matière de vie privée s'apprécie à la lumière des critères établis dans R. c. Patrick (C.S. Can., 2009-04-09), 2009 CSC 17, SOQUIJ AZ-50549497, J.E. 2009-665, [2009] 1 R.C.S. 579. En l'espèce, la police possédait suffisamment d'informations pour justifier l'existence de motifs raisonnables de recueillir la tasse et d'y prélever des échantillons d'ADN. D'autre part, la technique policière utilisée n'était pas objectivement condamnable, et l'appelant, qui a volontairement consommé un café dans un endroit public et qui ne s'est pas opposé à ce que l'agent double débarrasse la table, a abandonné sa tasse et n'avait pas d'attente raisonnable de vie privée quant à l'ADN qui s'y trouvait.
M. le juge Ruel: L'appelant, même s'il n'a pas renoncé à la protection de l'ensemble des informations contenues dans son ADN, savait ou aurait dû savoir qu'une empreinte génétique laissée dans un endroit public pouvait éventuellement être recueillie par la police afin de la comparer avec des échantillons prélevés sur une scène de crime.
M. le juge Vauclair, dissident sur un point de droit: La police ne peut utiliser la ruse dans le cadre d'une enquête afin de pousser un suspect à fournir, malgré lui, un échantillon d'ADN, car celui-ci se trouve alors dans une situation similaire à celle d'un détenu. Cette pratique devrait faire l'objet d'une autorisation judiciaire préalable en vertu de l'article 487.01 du Code criminel, et l'utilisation des échantillons d'ADN ainsi récoltés devrait être encadrée par des garanties législatives. En l'espèce, l'appelant avait une attente raisonnable de vie privée quant à son ADN, qui a été recueilli en violation de ses droits constitutionnels.
Instance précédente : Juge Isabelle Rheault, C.Q., Chambre criminelle et pénale, Montréal,
500-01-009195-089, 2014-10-21, 2014 QCCQ 21006, SOQUIJ AZ-51260923.
Réf. ant : (C.Q., 2014-10-21), 2014 QCCQ 21006, SOQUIJ AZ-51260923; (C.A.,
2015-01-27), 2015 QCCA 140, SOQUIJ AZ-51144432.
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