TRAVAIL : Le
salarié ne peut poursuivre son syndicat en dommages-intérêts pour manquement au
devoir de représentation devant le tribunal de droit commun; rien ne permet de
s'écarter du principe selon lequel le Tribunal administratif du travail a compétence
exclusive en cette matière.
2019EXP-811
Intitulé : Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du
Québec c. D.B., 2019 QCCA 459
Juridiction : Cour d'appel (C.A.), Montréal, 500-09-027670-181
Décision de : Juges Marie-France Bich, Jean Bouchard et Stephen W. Hamilton
Date : 15 mars 2019
Références : SOQUIJ AZ-51578547, 2019EXP-811, 2019EXPT-553 (29 pages)
Résumé
TRAVAIL —
responsabilité et obligations — syndicat — devoir de représentation — grief
rejeté sur le fond — plainte en vertu des articles 47.2 et ss. C.tr. —
prescription — chose jugée — Tribunal administratif du travail — compétence
exclusive — moyen déclinatoire.
PROCÉDURE CIVILE —
moyens préliminaires — moyen déclinatoire — compétence — Cour supérieure —
dommages-intérêts — devoir de représentation du syndicat — Tribunal
administratif du travail.
PROCÉDURE CIVILE —
nouveau Code de procédure civile.
Appel d'un jugement de la Cour
supérieure ayant rejeté un moyen déclinatoire. Accueilli.
À la suite de son congédiement
administratif, l'intimé a entrepris différents recours. Il a déposé
1 grief afin de contester cette mesure ainsi que 2 plaintes en vertu
des articles 47.2 et ss. du Code du travail (C.tr.) contre le
syndicat pour manquement à son devoir de représentation. Il s'est désisté de sa
première plainte. Sa seconde plainte a été rejetée par le Tribunal
administratif du travail (TAT) pour cause de prescription. Entre-temps,
l'arbitre avait rendu sa décision sur le fond rejetant le grief de l'intimé.
Celui-ci a intenté un recours en dommages-intérêts contre le syndicat, lui
reprochant de l'avoir mal représenté et mal conseillé à l'occasion de
l'arbitrage de son grief. La Cour supérieure a rejeté le moyen déclinatoire
présenté par le syndicat, qui interjette appel de ce jugement.
Décision
Mme la juge Bich: Le juge n'a accordé d'attention qu'aux allégations de la demande introductive d'instance, sans s'arrêter aux pièces invoquées à leur soutien, et notamment à la décision du TAT. Il ne s'est pas attardé aux sentences arbitrales ni au contenu de la première plainte formulée contre le syndicat. Son jugement n'est pas conforme au cadre d'analyse établi dans Transax Technologies inc. c. Red Baron Corp. Ltd. (C.A., 2017-04-18), 2017 QCCA 626, SOQUIJ AZ-51383416, 2017EXP-1260. Il y a donc lieu de reprendre l'analyse du moyen déclinatoire du syndicat.
Toute demande découlant d'une violation du devoir de représentation, que consacre l'article 47.2 C.tr., relève de la compétence exclusive du TAT, sauf lorsque cette demande se rattache à la vie associative ou à la régie interne du syndicat (ce qui n'est pas le cas) ou dans les circonstances que décrit Dupuis c. Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, section locale 130 (C.A., 2008-05-01 (jugement rectifié le 2009-02-25)), 2008 QCCA 837, SOQUIJ AZ-50490234, J.E. 2008-1042, D.T.E. 2008T-440, [2008] R.J.D.T. 681, [2008] R.J.Q. 1278. Le principe à retenir de cet arrêt est le suivant: lorsque, par la faute du syndicat, le salarié a perdu tous ses recours, y compris celui qu'il a institué ou aurait pu instituer en vertu des articles 47.2 et ss. C.tr., de sorte qu'il n'aurait pas eu l'occasion d'être entendu sur le fond, il peut alors se tourner vers les tribunaux de droit commun et poursuivre le syndicat en responsabilité civile. Or, telle n'est pas la situation de l'intimé. En effet, son grief a été entendu sur le fond. De plus, le débat devant la Cour supérieure est en substance identique à celui qui résultait de la plainte dont il s'est librement désisté. Il ne peut la faire revivre sous le couvert d'une action en justice devant le tribunal de droit commun (Otis c. Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 2915 (C.A., 2010-04-19), 2010 QCCA 758, SOQUIJ AZ-50628499, 2010EXP-1503, 2010EXPT-1094, J.E. 2010-826, D.T.E. 2010T-311). En outre, contrairement à ce qui s'est produit dans Dupuis, c'est l'inaction de l'intimé qui a entraîné le rejet de sa seconde plainte contre le syndicat. Là-dessus, il y a chose jugée par l'effet de la décision du TAT. Les conditions énoncées dans Dupuis n'étant pas remplies, l'intimé ne peut s'autoriser de l'exception reconnue par cet arrêt.
Mme la juge Bich: Le juge n'a accordé d'attention qu'aux allégations de la demande introductive d'instance, sans s'arrêter aux pièces invoquées à leur soutien, et notamment à la décision du TAT. Il ne s'est pas attardé aux sentences arbitrales ni au contenu de la première plainte formulée contre le syndicat. Son jugement n'est pas conforme au cadre d'analyse établi dans Transax Technologies inc. c. Red Baron Corp. Ltd. (C.A., 2017-04-18), 2017 QCCA 626, SOQUIJ AZ-51383416, 2017EXP-1260. Il y a donc lieu de reprendre l'analyse du moyen déclinatoire du syndicat.
Toute demande découlant d'une violation du devoir de représentation, que consacre l'article 47.2 C.tr., relève de la compétence exclusive du TAT, sauf lorsque cette demande se rattache à la vie associative ou à la régie interne du syndicat (ce qui n'est pas le cas) ou dans les circonstances que décrit Dupuis c. Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, section locale 130 (C.A., 2008-05-01 (jugement rectifié le 2009-02-25)), 2008 QCCA 837, SOQUIJ AZ-50490234, J.E. 2008-1042, D.T.E. 2008T-440, [2008] R.J.D.T. 681, [2008] R.J.Q. 1278. Le principe à retenir de cet arrêt est le suivant: lorsque, par la faute du syndicat, le salarié a perdu tous ses recours, y compris celui qu'il a institué ou aurait pu instituer en vertu des articles 47.2 et ss. C.tr., de sorte qu'il n'aurait pas eu l'occasion d'être entendu sur le fond, il peut alors se tourner vers les tribunaux de droit commun et poursuivre le syndicat en responsabilité civile. Or, telle n'est pas la situation de l'intimé. En effet, son grief a été entendu sur le fond. De plus, le débat devant la Cour supérieure est en substance identique à celui qui résultait de la plainte dont il s'est librement désisté. Il ne peut la faire revivre sous le couvert d'une action en justice devant le tribunal de droit commun (Otis c. Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 2915 (C.A., 2010-04-19), 2010 QCCA 758, SOQUIJ AZ-50628499, 2010EXP-1503, 2010EXPT-1094, J.E. 2010-826, D.T.E. 2010T-311). En outre, contrairement à ce qui s'est produit dans Dupuis, c'est l'inaction de l'intimé qui a entraîné le rejet de sa seconde plainte contre le syndicat. Là-dessus, il y a chose jugée par l'effet de la décision du TAT. Les conditions énoncées dans Dupuis n'étant pas remplies, l'intimé ne peut s'autoriser de l'exception reconnue par cet arrêt.
Instance précédente : Juge Steve J. Reimnitz, C.S., Iberville (Saint-Jean-sur-Richelieu),
755-17-002592-171, 2018-06-14, 2018 QCCS 2558, SOQUIJ AZ-51503104.
Réf. ant : (C.S., 2018-06-14), 2018 QCCS 2558, SOQUIJ AZ-51503104; (C.A.,
2018-10-16), 2018 QCCA 1707, SOQUIJ AZ-51536573.
Le
texte intégral de la décision est disponible ici
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