DROITS ET LIBERTÉS :
Le recours introduit par la Commission des droits de la personne et des droits
de la jeunesse au nom de la plaignante est prescrit puisque cette dernière a
déposé sa plainte fondée sur la discrimination à l'embauche plus de 6 mois
après avoir été informée que sa candidature n'avait pas été retenue par le
Service de police de la Ville de Montréal en raison de son état de santé
(art. 586 de la Loi sur les cités et villes).
2019EXP-2440
Intitulé : Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse
(Jalbert) c. Ville de Montréal (Service de police de la Ville de Montréal),
2019 QCCA 1435
Juridiction : Cour d'appel (C.A.), Montréal, 500-09-027017-177
Décision de : Juges Geneviève Marcotte, Marie-Josée Hogue et Geneviève Cotnam
Date : 4 septembre 2019
Références : SOQUIJ AZ-51625823, 2019EXP-2440, 2019EXPT-1674 (16 pages)
Résumé
DROITS ET LIBERTÉS
— recours et procédure — moyen de non-recevabilité — jugement déclaratoire —
prescription extinctive — délai de prescription — discrimination — plainte en
vertu des articles 10 et 16 de la Charte des droits et libertés de la
personne — secteur municipal — policier — entente — offre de
contracter — responsabilité extracontractuelle — interprétation de l'article
586 de la Loi sur les cités et villes — appel.
MUNICIPAL (DROIT) —
responsabilité — refus d'embauche — discrimination — plainte en vertu des
articles 10 et 16 de la Charte des droits et libertés de la personne —
policier — entente — offre de contracter — responsabilité extracontractuelle —
prescription extinctive — interprétation de l'article 586 de la Loi sur
les cités et villes — moyen de non-recevabilité — jugement
déclaratoire — appel.
INTERPRÉTATION DES
LOIS — intention du législateur — historique législatif — interprétation de
l'article 586 de la Loi sur les cités et villes.
ADMINISTRATIF
(DROIT) — contrôle judiciaire — cas d'application — droits et libertés —
Tribunal des droits de la personne — appel — plainte — discrimination — rejet —
norme d'intervention — décision raisonnable — prescription extinctive —
interprétation de l'article 586 de la Loi sur les cités et villes —
décision correcte.
CONTRAT — formation
— contrat de travail — processus d'embauche — employeur — refus d'embauche —
lien de droit — appréciation de la preuve — absence de contrat.
TRAVAIL —
responsabilité et obligations — employeur — rejet de candidature —
discrimination — plainte en vertu des articles 10 et 16 de la Charte
des droits et libertés de la personne — secteur municipal — policier —
entente — offre de contracter — responsabilité extracontractuelle —
prescription extinctive — délai de prescription — interprétation de l'article
586 de la Loi sur les cités et villes — moyen de
non-recevabilité — jugement déclaratoire — appel.
Appel de jugements du Tribunal des
droits de la personne ayant déclaré que le recours de l'appelante était de
nature extracontractuelle et ayant accueilli une requête en irrecevabilité.
Requête pour preuve nouvelle. Rejetés.
En juin 2005, le Service de police de
la Ville de Montréal (SPVM) et la Société de transport de Montréal (STM) se
sont entendus pour qu'une unité du SPVM responsable d'assurer la sécurité dans
le métro de Montréal soit créée. Dans ce contexte, ils ont convenu d'un
processus d'embauche accéléré et préférentiel applicable aux agents de
surveillance déjà au service de la STM. Jalbert, une agente de surveillance au
service de la STM, alors en arrêt de travail en raison d'un épisode dépressif,
a posé sa candidature, laquelle a été rejetée. D'avis que Jalbert, lors de son
interrogatoire au préalable, avait admis connaître depuis le 17 août 2006
le motif ayant entraîné le rejet de sa candidature, soit son état de santé, la
juge de première instance a retenu cette date comme point de départ de la
prescription. Le dépôt de la plainte auprès de l'appelante — ce qui constitue
le premier geste interruptif de prescription — n'ayant eu lieu que le
24 avril 2007, la juge a conclu que le recours était prescrit en vertu de
l'article 586 de la Loi sur les cités et villes.
Décision
Mme la juge Hogue: Le Tribunal des droits de la personne est un tribunal administratif spécialisé. La Cour doit ainsi faire preuve de déférence et appliquer la norme de la décision raisonnable aux décisions qu'il rend et qui relèvent de son champ de compétence spécialisée. Par contre, la question visant à déterminer si la courte prescription s'applique lorsqu'une ville agit en qualité d'employeur est une question de droit d'importance, sur laquelle plusieurs autres tribunaux pourraient d'ailleurs être appelés à se pencher. Il s'agit d'une question nouvelle susceptible d'être soulevée dans des affaires de toute nature où des dommages-intérêts sont réclamés à une ville. Cette question doit donc être tranchée à la lumière de la norme de la décision correcte.
Quant au fond du litige, il est possible qu'une relation contractuelle puisse se créer dans le contexte d'un processus d'embauche, mais tout est fonction des faits et, en l'espèce, la juge a estimé qu'ils ne permettaient pas de conclure à une telle relation entre le SPVM et Jalbert, dont la candidature a été rejetée en raison de son état de santé.
D'autre part, la règle générale veut que la prescription commence à courir dès que la victime sait qu'une faute a été commise et qu'elle connaît le dommage en ayant résulté. Le fait qu'elle reçoive ultérieurement d'autres informations confirmant sa conviction ne lui permet pas de repousser le point de départ du calcul de la prescription. En l'espèce, la conclusion de fait de la juge quant à la date à laquelle Jalbert a eu connaissance de l'existence de la faute n'est pas déraisonnable.
Enfin, à la lumière de la jurisprudence, l'article 586 de la Loi sur les cités et villes ne s'applique qu'en matière extracontractuelle. Par ailleurs, le texte de cet article, lorsqu'on le compare aux versions antérieures des dispositions législatives établissant cette courte prescription, démontre l'intention du législateur de ne plus restreindre le champ d'application de la courte prescription de 6 mois aux recours propres au monde municipal et de plutôt l'élargir pour y inclure tous les recours en dommages-intérêts, exception faite bien sûr des recours en dommages-intérêts pour préjudice corporel (art. 2930 du Code civil du Québec) et des recours de nature contractuelle. Dans ces circonstances, la juge a eu raison de conclure que le présent recours est prescrit.
Mme la juge Hogue: Le Tribunal des droits de la personne est un tribunal administratif spécialisé. La Cour doit ainsi faire preuve de déférence et appliquer la norme de la décision raisonnable aux décisions qu'il rend et qui relèvent de son champ de compétence spécialisée. Par contre, la question visant à déterminer si la courte prescription s'applique lorsqu'une ville agit en qualité d'employeur est une question de droit d'importance, sur laquelle plusieurs autres tribunaux pourraient d'ailleurs être appelés à se pencher. Il s'agit d'une question nouvelle susceptible d'être soulevée dans des affaires de toute nature où des dommages-intérêts sont réclamés à une ville. Cette question doit donc être tranchée à la lumière de la norme de la décision correcte.
Quant au fond du litige, il est possible qu'une relation contractuelle puisse se créer dans le contexte d'un processus d'embauche, mais tout est fonction des faits et, en l'espèce, la juge a estimé qu'ils ne permettaient pas de conclure à une telle relation entre le SPVM et Jalbert, dont la candidature a été rejetée en raison de son état de santé.
D'autre part, la règle générale veut que la prescription commence à courir dès que la victime sait qu'une faute a été commise et qu'elle connaît le dommage en ayant résulté. Le fait qu'elle reçoive ultérieurement d'autres informations confirmant sa conviction ne lui permet pas de repousser le point de départ du calcul de la prescription. En l'espèce, la conclusion de fait de la juge quant à la date à laquelle Jalbert a eu connaissance de l'existence de la faute n'est pas déraisonnable.
Enfin, à la lumière de la jurisprudence, l'article 586 de la Loi sur les cités et villes ne s'applique qu'en matière extracontractuelle. Par ailleurs, le texte de cet article, lorsqu'on le compare aux versions antérieures des dispositions législatives établissant cette courte prescription, démontre l'intention du législateur de ne plus restreindre le champ d'application de la courte prescription de 6 mois aux recours propres au monde municipal et de plutôt l'élargir pour y inclure tous les recours en dommages-intérêts, exception faite bien sûr des recours en dommages-intérêts pour préjudice corporel (art. 2930 du Code civil du Québec) et des recours de nature contractuelle. Dans ces circonstances, la juge a eu raison de conclure que le présent recours est prescrit.
Instance précédente : Juge Ann-Marie Jones, Me Luc Huppé et Me Mélanie
Samson, assesseurs, T.D.P.Q., Montréal, 500-53-000432-169 et 500-53-000432-169,
2017-05-18 et 2017-07-28, 2017 QCTDP 12 et 2017 QCTDP 16, SOQUIJ AZ-51397709 et
SOQUIJ AZ-51414189.
Réf. ant : (T.D.P.Q., 2017-05-18), 2017 QCTDP 12, SOQUIJ AZ-51397709; (T.D.P.Q.,
2017-07-28), 2017 QCTDP 16, SOQUIJ AZ-51414189, 2017EXP-3039, 2017EXPT-1988;
(C.A., 2017-10-05), 2017 QCCA 1534, SOQUIJ AZ-51430320.
Le texte
intégral de la décision est disponible ici
Aucun commentaire:
Publier un commentaire
L'équipe du Blogue vous encourage à partager avec nous et nos lecteurs vos commentaires et impressions afin d'alimenter les discussions sur le Blogue. Par ailleurs, prenez note du fait qu'aucun commentaire ne sera publié avant d'avoir été approuvé par un modérateur et que l'équipe du Blogue se réserve l'entière discrétion de ne pas publier tout commentaire jugé inapproprié.