19 Déc 2013

Demande de libération pour réinscription au Tableau de l’Ordre du Barreau

Par Annie Marquis

Dans Gaumond (Syndic de) (2013 QCCA 2076), la Cour d’appel renverse la décision de première instance qui a accueilli en partie l’opposition de l’appelante, la Caisse populaire Desjardins, à la libération de la débitrice. Le Tribunal considère que les principes de l’arrêt Dawson, qui encadrent les demandes de libération de créances, n’ont pas été suivis par la Cour supérieure. La libération de la débitrice doit être assujettie à un paiement plus représentatif que 1000$.

Faits
La débitrice fait cession de ses biens le 29 juin 2012. Ses dettes d’études constituent 87% de son endettement totalisant un montant de 79 000$. La créance due au ministère de l’Éducation n’est pas libérée par la faillite en raison de l’article 178(1)g) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. La dette de 34 000$ envers la Caisse populaire n’est pas visée par cet article même si elle a été contractée pour payer les études de la débitrice. Cette dernière demande une libération anticipée de sa faillite pour lui permettre d’être inscrite au Tableau de l’Ordre et d’exercer la profession d’avocat considérant l’article 122 de la Loi sur le Barreau. En s’appuyant sur l’arrêt Dawson (Syndic de) (2011 QCCA 235), l’appelante s’oppose à la demande de libération de la débitrice et réclame la totalité de la créance.

La juge de première instance s’est écartée de l’arrêt Dawson au motif qu’il faut tenir compte du contexte de la débitrice et limite ainsi son évaluation à un seul des trois critères. La Cour supérieure a octroyé la libération conditionnelle de la débitrice au paiement de 1000$.

Analyse
La Cour d’appel réitère que le juge de faillite doit considérer autant les intérêts du failli que l’intérêt des créanciers et l’intérêt du public lorsqu’il est saisi d’une demande de libération. Les difficultés à exercer la profession d’avocat causées par la cession de biens ne justifient pas une atténuation des critères jurisprudentielles en matière de libération. Le juge analyse les critères de l’arrêt Dawson et estime que la libération de la débitrice nécessite un remboursement substantiel de sa dette d’études :

«[45] Dans un premier temps, il est vrai que le constat de bonne foi, d’honnêteté et d’absence de négligence ou d’incurie de la débitrice fait par le registraire et retenu par la juge découle d’une analyse factuelle exempte d’erreur manifeste et déterminante. […]. [47] Toutefois, ces constats factuels pertinents à l’analyse du premier critère sont tempérés par trois autres tout aussi importants qui établissent que la débitrice est responsable de son endettement, que cet endettement se limite pour l’essentiel à ses dettes d‘études et qu’elle n’a pas fait d’effort tangible et soutenu pour rembourser la Caisse. […].

[49] Dans un deuxième temps, sur le critère du droit des créanciers d’être payés cette fois, l’on constate que l’endettement de la débitrice auprès de la Caisse lui a permis d’obtenir un actif intangible appréciable et durable, soit son diplôme en droit et sa formation à l’École du Barreau. Cet actif lui permet d’envisager avec optimisme une carrière professionnelle dans le monde juridique, avec les avantages financiers qui s’y rattachent. [50] Comme le rappelle la Cour dans l’arrêt Dawson, dans une telle situation, la Caisse était en droit de s’attendre au remboursement de sa créance, sujet bien sûr aux circonstances particulières du dossier de sa débitrice. Vues sous cet angle, pour reprendre un commentaire formulé dans cet arrêt, les conditions particulièrement peu contraignantes fixées par la juge pour l’obtention de la libération de la débitrice pourraient aisément être interprétées comme un incitatif à agir de manière irresponsable. 

[51] Dans un troisième temps, la perception du public envers l’intégrité du système propre à la faillite et au mécanisme de libération ne peut être ignorée lorsqu’un tribunal doit trancher une demande comme celle que formule la débitrice. Or, de ce point de vue, la Cour est d’avis qu’il pourrait effectivement se révéler plutôt offensant pour la moralité commerciale et l’intégrité du système qu’une débitrice puisse s’en tirer à si bon compte. Nous sommes, après tout, en face d’un actif intangible qu’elle a acquis grâce notamment aux prêts d’études reçus; sa formation en droit va, bien sûr, subsister après sa faillite et elle continuera à en bénéficier pendant encore de nombreuses années. »

La Cour d’appel émet une ordonnance de libération conditionnelle au paiement d’une somme de 25 000$ au syndic intimé.

Le texte intégral de la décision est disponible ici.

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