09 Jan 2014

La libération du failli demeure l’objectif ultime de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité

Par Annie Marquis

Dans Barnabé (Syndic de) (2013 QCCA 2184), la Cour d’appel confirme le jugement de première instance réduisant le montant que l’intimée devrait payer avant d’être libérée de sa dette d’études. La Cour supérieure a estimé que la somme de 22 000$ établie par la registraire était déraisonnable compte tenu de sa capacité de payer et ne respectait pas l’objectif de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, soit la libération d’un failli de ses dettes.

Faits
Entre 1993 et 1998, l’intimée a bénéficié d’un prêt d’études de 19 769$ par son institution financière. Elle n’a cependant pas obtenu son diplôme d’études collégiales.

Le 12 octobre 2001, le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) a remboursé   22 031,06$ à l’institution financière et il a été subrogé au droit de celle-ci. Le 4 mars 2010, le MELS a avisé l’intimée de son intention d’entreprendre des procédures judiciaires pour obtenir le remboursement du prêt puisque la somme de seulement 195$ a été payée sur la dette.

L’intimée a fait cession de ses biens le 12 juillet 2010 et sa seule dette était le prêt étudiant de 27 978.51$. La registraire a accueilli l’opposition de l’appelant à la libération de l’intimée. Elle a ordonné de payer un montant de 22 000$ avant d’être libérée de sa faillite.

Analyse
En vertu de 172(2) LFI, la registraire a exercé un pouvoir discrétionnaire en assujettissant la libération de la faillite au remboursement de 22 000$. Par contre, pour rendre une décision juste et raisonnable, il faut considérer les intérêts des créanciers et ceux de la faillie. La Cour supérieure a cité la décision Québec (Procureur général) c. Machabée (2012 QCCA 1678) dictant les critères qui doivent guider l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire :

« [18] La jurisprudence est abondante sur les critères que le Tribunal doit prendre en considération afin de rendre une décision juste et équitable non seulement pour le failli, mais également pour les créanciers : la Cour doit principalement tenir compte des causes de la faillite, de la conduite du failli avant et depuis la faillite de même que de sa capacité à faire face à ses obligations courantes. Ce dernier point est crucial à notre avis, car donner des conditions qui ne sont pas viables de par la situation actuelle du débiteur reviendrait à un refus déguisé de libération et donner des conditions trop légères reviendrait à permettre au débiteur d’effacer facilement ses créances sans le responsabiliser ni protéger les créanciers. 

De toute évidence, ces critères laissent une marge d’appréciation assez large au juge saisi de la question; dans la mesure où ce dernier fait un exercice pondéré et bien informé de la discrétion que lui reconnaît l’article 172, il n’est pas opportun de réformer sa décision en appel.
[Soulignements ajoutés] »

La Cour supérieure a déterminé que la registraire n’a pas fait un exercice pondéré et bien informé de la discrétion reconnue par l’article 172 LFI en imposant le remboursement de 22 000$. Le juge a distingué cette affaire de Dawson et Gaumond puisque l’intimée ne possède aucune formation spécifique. N’ayant pas obtenu son diplôme à la fin de ses études, elle ne peut espérer gagner de meilleurs revenus dans le futur.

La Cour supérieure a conclu que la décision du registraire ne permettait pas à l’intimée d’obtenir la libération de ses dettes, ce qui est contraire à l’objectif de la LFI :

« [17] Comme le plaide l’appelant, la libération d’un failli n’est pas le seul objectif de la LFI et ne doit pas constituer un moyen facile de se libérer de ses dettes. Deux autres objectifs doivent aussi être pris en compte : le droit des créanciers d’être payés et celui du public d’avoir confiance dans l’intégrité du système[11]. Toutefois, la décision de la registraire ne tient compte que du droit de l’appelant à être remboursé du montant total du capital versé à l’institution financière. En effet, il appert du dossier que le 22 000$ dont elle a ordonné le paiement est le montant intégral versé par le MELS à l’institution financière (plus exactement 22 031,06$) le 12 octobre 2001. Il ne ressort nullement de sa décision qu’elle a considéré le droit de l’intimée de se sortir un jour de son endettement. »

La Cour d’appel confirme ainsi la décision de la Cour supérieure en spécifiant que les trois critères jurisprudentiels ont été suivis :

«[18] La Cour est d’avis que le juge de la Cour supérieure a donc eu raison d’intervenir puisque la décision de la registraire était déraisonnable par ses conséquences. Il s’agit là d’un motif suffisant pour qu’elle soit révisée.

[19] En ordonnant à l’intimée de rembourser 10 000$ pour obtenir sa libération, les trois critères à considérer, soit l’intérêt de l’intimée, celui des créanciers et l’intérêt public seront respectés. »

Le texte intégral de la décision est disponible ici.

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