par
SOQUIJ
Intelligence juridique
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20 Nov 2017

La création d’un registre d’armes québécois est constitutionnellement valide

Par SOQUIJ, Intelligence juridique

 

Par Etienne
Gabrysz-Forget, stagiaire

et
Magali Maisonneuve, avocate

Dans cette affaire,
le juge Lukasz Granosik décide que la Loi
sur l’immatriculation des armes à feu
promulguée par l’Assemblée nationale
en juin 2016, qui fait en sorte que Québec crée son propre « registre d’armes
d’épaule », est constitutionnellement valide puisque son caractère véritable
est la sécurité publique et elle se rattache aux compétences provinciales en
matière de propriété et de droit civil ainsi que de l’administration de la
justice.


Rappelons qu’en 2012,
le gouvernement fédéral a décidé d’abolir le registre des armes d’épaule et
qu’en 2015, le gouvernement du Québec a essuyé un revers devant la Cour
suprême du Canada alors qu’il tentait d’obtenir la communication des données du
registre fédéral ayant un lien avec le Québec. En effet, dans l’arrêt Québec (Procureur général) c. Canada (Procureur général) (ci-après « PGQ c. PGC »), le plus haut tribunal du pays autorise la destruction des
données québécoises.

Ici, les demandeurs
prétendent essentiellement que la nouvelle Loi
québécoise est ultra vires des
pouvoirs de la province puisqu’elle relèverait de la compétence exclusive du
Parlement du Canada sur le droit criminel prévue au paragraphe 91 (27) de
la Loi constitutionnelle de 1867 (para 8).

D’entrée de jeu, le
juge Granosik rappelle que le tribunal ne se prononce pas sur l’opportunité ou
l’efficacité d’une loi, soit qu’il n’est pas question ici de déterminer si le
contrôle des armes à feu est bon ou mauvais. En effet, comme le dit la Cour
suprême dans l’affaire PGQ c. PGC susmentionnée : « les
tribunaux ne doivent pas s’interroger sur la sagesse d’une loi : ils
doivent uniquement se prononcer sur sa légalité » (para 12 et 13).

Justement, pour ce
faire, le tribunal doit ici en premier lieu déterminer le caractère véritable
de la Loi sur l’immatriculation des armes
à feu
et ensuite vérifier si cette matière peut être rattachée à un chef de
compétence législative des provinces prévu à l’article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867. Pour
déterminer le caractère véritable d’une Loi, le tribunal rappelle que
conformément aux arrêts Banque canadienne
de l’Ouest
c. Alberta et Rogers Communications Inc. c. Châteauguay (Ville), il faut examiner
tant le but visé (l’objet) que les effets juridiques de la Loi à analyser (para 19
et 20).

But visé par la Loi

Il s’agit d’une
question de sécurité publique puisque la Loi
vise à assurer la sécurité des agents de la paix et des citoyens (para 32)
en permettant notamment de retracer toutes les informations concernant une arme
et son détenteur (para 27) pour ainsi faciliter la localisation des armes
à feu acquises et utilisées par des criminels (para 31).

Effets juridiques

C’est ici que le tribunal
vérifie si la Loi ne constitue pas
une législation criminelle déguisée (para 34). En se basant sur les
critères propres aux législations criminelles, tels que dégagés par les juges
LeBel et Deschamps dans le Renvoi relatif
à la Loi sur la procréation assistée
, à savoir 1) réprimer un mal, 2)
énoncer une interdiction et 3) accompagner cette interdiction d’une sanction (para 40),
le tribunal conclut que la « Loi
n’empêche personne de posséder une arme et qu’elle n’interdit rien » (para 44).
En effet, la « Loi ne met pas en place un régime qui serait essentiellement
prohibitif ou qui dénoterait des comportements répréhensibles » (para 45).
Bref, il ne s’agit pas d’une législation déguisée. À la lumière de l’analyse
sur l’objet et les effets de la Loi,
son caractère véritable ne porte pas sur la compétence réservée au fédéral en
droit criminel (para 52).

Ainsi, en s’appuyant
notamment sur la doctrine du professeur Hogg, la Cour « rattache » la Loi sur l’immatriculation des armes à feu
aux champs de compétences provinciales sur la propriété et le droit civil ainsi
que l’administration de la justice au sens des articles 92 (13) et 92 (14)
de la Loi constitutionnelle de 1867 (para 56
et 57). Notons également que la Procureure générale du Canada n’est pas
intervenue dans ce débat. En effet, devant la Cour suprême dans le dossier PGQ c. PGC, le Canada avait déjà reconnu la légalité de la volonté du
Québec de se doter de son propre registre (para 53).

Au final, la Loi sur l’immatriculation des armes à feu
est constitutionnellement valide (para 67). Subsidiairement, sur une autre
question, l’article 13 de la Loi
n’entre pas en conflit avec la règlementation fédérale (para 67 et 59 à 66)
puisque le « paysage législatif qui, par l’effet de la Loi (et son règlement d’application) impose la tenue d’un registre
concernant les cessions d’armes à feu que la disposition règlementaire fédérale
tolère » (para 65).

La Cour rejette donc
la demande de jugement déclaratoire et d’injonction.

Il sera intéressant
de voir si ce débat se poursuivra devant la Cour d’appel.  

La décision se trouve ici.

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