El-Alloul c. Procureure générale du Québec – 2018 QCCA 1611
Rédigé par Frederique
Cannon, Daphné Pomerleau-Normandin,
Sabrina Mestroni, Valérie Gourvil, Georgiana Andra Liciu et
Olivia Sormany, en collaboration avec Me Elizabeth Innis-Triboul.
Droits individuels : Interaction entre
décorum et les droits constitutionnels
Contexte
Le
24 février 2015, l’appelante comparaît devant la Cour du Québec dans le but de
récupérer sa voiture à la suite d’une infraction au Code de la sécurité
routière. Alors qu’elle s’apprête à témoigner, le tribunal la questionne quant
au port du foulard lui couvrant la tête, un hijab. Après avoir affirmé qu’elle
porte le hijab pour des raisons religieuses, le tribunal analyse la relation
entre ce vêtement et le Règlement de la
Cour du Québec (le « Règlement ») notamment, quant au décorum. La
juge de première instance conclut que la laïcité intrinsèque d’une salle de
cour prohibe le port du hijab. Ainsi, l’appelante doit retirer son hijab avant de
pouvoir témoigner.
Considérant
cette conclusion de la juge de première instance, l’appelante porte plainte au
Conseil de la magistrature, une plainte qui sera rejetée. Elle s’adresse ensuite à la Cour
supérieure en vue d’obtenir un jugement déclaratoire afin de lui reconnaître le
droit de conserver son hijab lors d’un témoignage. La Cour supérieure rejette
cette requête, concluant qu’il s’agit du mauvais véhicule procédural.
La
Cour d’appel rappelle que les recours pour jugement déclaratoire comme ceux en
contrôle judiciaire font partie des compétences de la Cour supérieure. Par
ailleurs, la Cour d’appel reconnait, à l’instar de la Cour supérieure, que le
recours en jugement déclaratoire n’est pas un véhicule approprié en l’espèce. Cependant,
celle-ci reproche à la Cour supérieure sa rigidité procédurale notamment
considérant les implications sur les droits constitutionnels de l’appelante. S’appuyant
sur la jurisprudence, la Cour d’appel rappelle que notre système de justice
doit faire apparaître le droit et non pas à le taire au moyen de la procédure.
Questions constitutionnelles
Faisant siennes les
paroles de la Cour suprême du Canada, la Cour d’appel soutient que la laïcité
de l’État ne vise pas à faire disparaître toutes croyances religieuses, mais
bien le respect de ces différences religieuses.
La Cour d’appel rappelle que le
droit à la « liberté de conscience et de religion » prévu à l’article 2a) de la
Charte est un droit fondamental qui comprend également le droit à l’expression
religieuse, ce qui inclut le port du hijab.
Dès lors, le Règlement n’interdit pas de porter des vêtements religieux
tant que cette pratique résulte d’une croyance religieuse sincère et qu’elle ne
soit pas contraire ou qu’elle ne porte pas atteinte à un intérêt public
prépondérant. La Cour d’appel conclut que si les tribunaux doivent faire preuve
de neutralité religieuse, le justiciable qui s’y présente n’a pas cette
obligation.
Pour
la décision complète, veuillez cliquer ici.
Commentaires (0)
L’équipe du Blogue vous encourage à partager avec nous et nos lecteurs vos commentaires et impressions afin d’alimenter les discussions sur le Blogue. Par ailleurs, prenez note du fait qu’aucun commentaire ne sera publié avant d’avoir été approuvé par un modérateur et que l’équipe du Blogue se réserve l’entière discrétion de ne pas publier tout commentaire jugé inapproprié.