Sélection SOQUIJ – R. c. Bruno, 2019 QCCS 65
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
PÉNAL (DROIT) : Le tribunal détient un pouvoir exceptionnel de
rejeter sommairement une requête n’ayant aucune chance raisonnable de succès;
la présente affaire en constitue une illustration et envoie le message de
mettre fin aux recours extraordinaires voués à l’échec.
2019EXP-339
Intitulé : R. c. Bruno, 2019 QCCS 65
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Montréal, 500-36-009147-185
Décision de : Juge Éric Downs
Date : 16 janvier 2019
Références : SOQUIJ AZ-51561612, 2019EXP-339 (23 pages)
Résumé
PÉNAL (DROIT) — procédure pénale — procédure fédérale — recours
extraordinaire — certiorari — jugement interlocutoire — Cour
du Québec — demande d’ajournement — rejet — rôle du juge — gestion de
l’instance — pouvoir discrétionnaire — véhicule procédural — Cour supérieure —
compétence — mesure exceptionnelle — rejet sommaire — intérêt de la justice —
saine administration de la justice — utilisation inefficace des ressources des
tribunaux — délai — chance raisonnable de succès — recours voué à l’échec.
PÉNAL (DROIT) — juridiction pénale — Cour supérieure — compétence —
mesure exceptionnelle — rejet sommaire — certiorari — jugement
interlocutoire — véhicule procédural — intérêt de la justice — saine
administration de la justice — utilisation inefficace des ressources des tribunaux
— délai — chance raisonnable de succès — recours voué à l’échec.
Requête en rejet sommaire de la
requête demandant la délivrance d’un bref de certiorari.
Accueillie.
L’intimé et d’autres coaccusés font
l’objet de 2 séries d’accusations en lien avec un projet d’enquête baptisé
«Projet Coche» visant notamment la corruption au sein de l’Agence du revenu du
Canada. Actuellement, la juge de première instance traite conjointement les
2 dossiers aux fins des requêtes préliminaires au procès. Dans une première
décision, elle a rejeté une demande de l’intimé et des autres coaccusés
d’ajourner l’audition des requêtes préliminaires, dont certaines de type
Jarvis, afin d’attendre la décision de la Cour d’appel du Québec dans le
dossier BT Céramiques inc. c. R. (dossier no 500-10-006543-175).
Dans une seconde décision, elle a de nouveau rejeté une demande d’ajournement
de l’intimé et des autres coaccusés. Alors que ce dernier n’a pas contesté la
décision sur la première demande d’ajournement, il demande au présent tribunal
de délivrer un bref de certiorari relativement à la décision
de la juge concernant la deuxième demande d’ajournement. En raison de ce
recours, intenté uniquement par l’intimé, les procédures en première instance
sont suspendues pour l’ensemble des autres coaccusés dans les différents volets
distincts du Projet Coche. En l’espèce, la poursuivante requiert du tribunal
que celui-ci rejette sommairement la requête visant la délivrance d’un bref
de certiorari aux motifs que cette requête n’a aucune chance
raisonnable de succès et qu’elle n’est pas fondée sur des motifs valables.
Décision
La décision d’accorder ou non un ajournement relève du pouvoir discrétionnaire
du juge de première instance, lequel peut être revu en appel si cette
discrétion n’a pas été exercée judiciairement. Cependant, le recours en certiorari n’est
pas un appel; les parties dans une instance criminelle ne peuvent recourir
au certiorari qu’en présence d’une erreur de compétence d’un
juge de la Cour provinciale. En l’espèce, l’intimé invoque dans son recours des
erreurs dans l’appréciation des différents facteurs pertinents quant à l’octroi
d’un ajournement, ce qui à sa face même est insuffisant pour justifier un
recours extraordinaire. En outre, la décision rendue par la juge est motivée et
justifiée; elle s’inscrit dans un continuum procédural et tient compte du
contexte particulier de l’affaire. Comme énoncé dans R. c. Cody (C.S.
Can., 2017-06-16), 2017 CSC 31, SOQUIJ AZ-51401510, 2017EXP-1801, [2017] 1
R.C.S. 659, un tribunal peut rejeter une demande d’ajournement au motif qu’il
en résulterait un délai intolérablement long, et ce, même si cette période
pouvait par ailleurs être déduite en tant que délai imputable à la défense.
Ici, c’est à bon droit que la juge a déterminé que les délais seraient
inacceptablement longs si elle accordait la remise. Cependant, il demeure que
la décision interlocutoire attaquée pourrait faire l’objet d’un appel, et c’est
cette option qui doit être privilégiée à celle du recours en certiorari.
D’autre part, les juges doivent gérer l’instance de manière à réduire les
délais et à favoriser une saine gestion de l’administration de la justice.
Cette fonction de filtrage s’avère nécessaire aux diverses étapes des
procédures. Ainsi, les juges de première instance doivent se demander si une
demande présente des chances raisonnables de succès avant qu’elle ne soit
entendue. De plus, la Cour supérieure détient un pouvoir exceptionnel de
rejeter sommairement une requête n’ayant aucune chance raisonnable de succès,
et la présente affaire en constitue une illustration. En effet, à l’ère post-Jordan/Cody (R.
c. Jordan (C.S. Can., 2016-07-08), 2016 CSC 27, SOQUIJ AZ-51302609,
2016EXP-2173, J.E. 2016-1212, [2016] 1 R.C.S. 631), il incombe au tribunal et à
toutes les personnes associées au système de justice criminel d’adopter une
approche permettant d’éviter la fragmentation des procédures et de prévenir des
délais inutiles. En l’espèce, le tribunal doit jouer son rôle de gardien de
l’administration de la justice en contrôlant les procédures et en éradiquant
les délais inutiles. Enfin, il est déplorable que les ressources précieuses des
tribunaux soient ainsi utilisées, d’autant plus que, en raison de l’actuel
article 25 des Règles de procédure de la Cour supérieure du Québec,
chambre criminelle (2002), les procédures devant la juge de première
instance sont automatiquement suspendues. L’importance de mettre fin dès
maintenant au présent recours voué à l’échec s’avère encore plus urgente, afin
de permettre que les procédures criminelles en cours se poursuivent.
Instance précédente : Juge Lori Renée Weitzman, C.Q., Chambre criminelle et pénale, Montréal,
500-73-003792-120 et autres, 2018-12-06, 2018 QCCQ 8980, SOQUIJ AZ-51551913.
Réf. ant : (C.Q., 2018-12-06), 2018 QCCQ 8980, SOQUIJ AZ-51551913.
Le
texte intégral de la décision est disponible ici
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