Sélection SOQUIJ – R. c. Cadotte, 2019 QCCS 1987
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
PÉNAL (DROIT) :
Michel Cadotte, déclaré coupable par un jury de l’homicide involontaire de sa
conjointe, atteinte de la maladie d’Alzheimer, est condamné à une peine
d’emprisonnement de 2 ans et 204 jours, réduite à 2 ans moins
1 jour afin de tenir compte du temps passé en détention préventive,
assortie d’une probation de 3 ans au cours de laquelle il devra notamment
effectuer 240 heures de travaux communautaires.
2019EXP-1677
Intitulé : R. c. Cadotte, 2019
QCCS 1987
Juridiction : Cour supérieure (C.S.),
Montréal, 500-01-150995-170
Décision de : Juge Hélène Di
Salvo
Date : 28 mai 2019
Références : SOQUIJ AZ-51599288,
2019EXP-1677 (27 pages)
Détermination de la
peine — infractions contre la personne — homicide involontaire coupable —
conjointe atteinte de la maladie d’Alzheimer — étouffée avec un oreiller —
accusé conjoint aidant naturel — pouvoir discrétionnaire — individualisation de
la peine — proportionnalité de la peine — fourchette des peines — gravité de
l’infraction — quasi-meurtre — circonstances de l’infraction — médiatisation —
compassion — facteurs atténuants — remords — état de santé mentale — absence de
risque de récidive — facteurs aggravants — antécédents judiciaires —
vulnérabilité de la victime — abus de confiance — détention — probation —
travaux communautaires — interdiction de posséder des armes à perpétuité —
ordonnance de fournir des échantillons de substances corporelles à des fins
d’analyse génétique.
Résumé
PÉNAL (DROIT) —
détermination de la peine — infractions contre la personne — homicide involontaire
coupable — conjointe atteinte de la maladie d’Alzheimer — étouffée avec un
oreiller — accusé conjoint aidant naturel — pouvoir discrétionnaire —
individualisation de la peine — proportionnalité de la peine — fourchette des
peines — gravité de l’infraction — quasi-meurtre — circonstances de
l’infraction — médiatisation — compassion — facteurs atténuants — remords —
état de santé mentale — absence de risque de récidive — facteurs aggravants —
antécédents judiciaires — vulnérabilité de la victime — abus de confiance —
détention — probation — travaux communautaires — interdiction de posséder des
armes à perpétuité — ordonnance de fournir des échantillons de substances
corporelles à des fins d’analyse génétique.
Prononcé de la
peine.
Au terme d’un
procès devant jury fortement médiatisé, l’accusé a été déclaré coupable de
l’homicide involontaire de sa conjointe, atteinte à un stade avancé de la
maladie d’Alzheimer. Pendant les années qui ont suivi le diagnostic, tombé en
2011, il s’est occupé de sa conjointe et a tenté d’éviter qu’elle ne soit
placée dans un centre hospitalier. Il a dû s’y résigner en 2013, n’ayant plus
la capacité de lui prodiguer les soins requis par son état, qui s’est
rapidement dégradé par la suite. Il a cependant continué à la visiter à
l’hôpital, puis au centre d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD), où il
était très impliqué auprès d’elle. En février 2016, il a formulé pour elle une
demande d’aide médicale à mourir, qui a été rejetée. En janvier 2017, il s’est
plaint de la qualité des soins reçus par sa conjointe pendant le mois où il
s’était absenté du CHSLD pour cause de maladie. Son propre état physique et
mental s’est alors détérioré et il a recommencé à consommer de l’alcool de
manière excessive. En arrivant au CHSLD le matin du 20 février 2017, alors
qu’il avait peu dormi et qu’il avait beaucoup bu la veille, il a aperçu sa
conjointe seule, attachée à un fauteuil ancré au mur, portant un bavoir et
semblant inconfortable sans son appuie-tête. Il l’a détachée, l’a emmenée dans
sa chambre afin de la faire manger, puis a tenté de la coucher sans pouvoir
replacer sa tête sur l’oreiller. Il est descendu fumer. De retour dans la
chambre, il a pris l’oreiller, l’a placé sur le visage de sa conjointe puis a
appliqué une pression. Il s’est dénoncé au personnel du CHSLD, qui lui a permis
d’attendre les policiers au chevet de la défunte.
Décision
En matière d’homicide involontaire coupable, le juge a un large pouvoir
discrétionnaire lorsqu’il s’agit de déterminer la peine à imposer, laquelle
doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de
responsabilité de l’accusé. En l’espèce, les faits s’approchent plus d’un
quasi-meurtre que d’un quasi-accident. En effet, bien que son état d’esprit ait
été altéré, l’accusé a pris un oreiller et l’a maintenu quelques minutes sur le
visage de la victime dans le but de mettre fin à ses souffrances.
Une peine d’emprisonnement doit être imposée pour satisfaire les fins de la
justice, tenant compte des circonstances, des facteurs atténuants et
aggravants, du lien entre l’accusé et la victime et des 9 années qu’il a
consacrées au bien-être de cette dernière. Le geste commis par l’accusé doit
être dénoncé, peu importe la motivation qui animait celui-ci, même la compassion.
Un tel geste ne peut être effectué à l’égard d’une personne malade, vulnérable,
dépendante et incapable de manifester sa volonté, et ce, même si elle a exprimé
le désir de mourir par le passé. Causer la mort d’un être humain est un acte
répréhensible qui doit être sanctionné. Cependant, la dénonciation et la
dissuasion générale ne peuvent faire obstacle au prononcé d’une peine
proportionnelle, juste et appropriée.
Les enjeux soulevés par cette affaire fait réagir l’opinion publique sur la
maladie d’un être cher, l’impuissance, le rôle ingrat des aidants naturels, la
vie en CHSLD, le système de santé, l’aide médicale à mourir et les problèmes
liés au nombre grandissant de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.
S’il est possible de croire que les cris d’alarme ont été entendus, il reste
que le rôle du tribunal est d’imposer une peine juste à l’accusé.
Peine: 2 ans et 204 jours d’emprisonnement, réduite à 2 ans
moins 1 jour pour tenir compte de la détention provisoire. Probation de
3 ans avec suivi. Travaux communautaires: 240 heures. Interdiction de
posséder des armes à perpétuité. Ordonnance de fournir des échantillons de
substances corporelles à des fins d’analyse génétique.
Facteurs atténuants: crime isolé — aidant naturel — remords — dépression
majeure liée à la maladie de son épouse — absence de risque de récidive.
Facteurs aggravants: antécédents judiciaires peu importants — victime
vulnérable — utilisation d’un oreiller pour causer la mort — abus de confiance.
Le texte intégral de la décision est
disponible ici
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