Sommaire de la Cour d’appel – Lalli c. Gravel, 2021 QCCA 1549
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
Modèle de base – lettre type aux avocats
RESPONSABILITÉ : La Cour d’appel condamne le journaliste Alain Gravel et la Société Radio-Canada à verser la somme de 60 000 $ à l’appelant en raison du contenu d’un reportage télévisé diffamatoire à son égard; la faute la plus importante concerne l’image déformée de la réalité issue de l’impression générale se dégageant du reportage.
2021EXP-2644
Intitulé : Lalli c. Gravel, 2021 QCCA 1549
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal
Décision de : Juges Martin Vauclair, Jocelyn F. Rancourt et Lucie Fournier
Date : 21 octobre 2021
Références : SOQUIJ AZ-51802554, 2021EXP-2644 (43 pages)
Résumé
RESPONSABILITÉ — atteintes d’ordre personnel — diffamation — propos diffamatoires — atteinte à la réputation — journaliste — enquête — média — reportage télévisé — allégation d’avoir des liens avec la mafia — véracité des allégations — intérêt public — normes journalistiques — caméra cachée — diffuseur — commettant — dommage non pécuniaire.
COMMUNICATIONS — télévision — propos diffamatoires — reportage télévisé — journaliste — enquête — allégation d’avoir des liens avec la mafia — véracité des allégations — intérêt public — normes journalistiques — caméra cachée — diffuseur — commettant — dommage non pécuniaire.
DROITS ET LIBERTÉS — droits et libertés fondamentaux — dignité — atteinte à la réputation — journaliste — enquête — allégation d’avoir des liens avec la mafia — véracité des allégations — intérêt public — normes journalistiques — caméra cachée — diffuseur — commettant — dommage non pécuniaire.
DOMMAGE (ÉVALUATION) — dommage moral — propos diffamatoires — atteinte à la dignité — atteinte à la réputation — reportage télévisé — journaliste — enquête — allégation d’avoir des liens avec la mafia — humiliation — perte d’estime de soi — gravité de l’acte — étendue de la diffusion.
DOMMAGE (ÉVALUATION) — dommage exemplaire ou dommage punitif — Charte des droits et libertés de la personne — propos diffamatoires — atteinte à la réputation — atteinte à la dignité — reportage télévisé — journaliste — enquête — allégation d’avoir des liens avec la mafia — gravité de la faute — insouciance — absence d’atteinte illicite et intentionnelle.
RESPONSABILITÉ — responsabilité du fait des autres — commettant — diffuseur — journaliste — propos diffamatoires — atteinte à la réputation — enquête — média — reportage télévisé — allégation d’avoir des liens avec la mafia — véracité des allégations — intérêt public — normes journalistiques — caméra cachée — dommage non pécuniaire.
Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une demande en réclamation de dommages non pécuniaires (200 000 $) et de dommages punitifs (100 000 $). Accueilli en partie (60 000 $).
L’appelant a intenté une action en diffamation à la suite d’un reportage du journaliste intimé, Gravel, diffusé le 7 mars 2013 lors de l’émission Enquête à l’antenne de l’intimée, la Société Radio-Canada (SRC), et sur différentes plateformes de cette dernière au cours du même mois. L’appelant soutient que ce reportage le lie faussement à la mafia et qu’il contient des inexactitudes au sujet de sa participation à des transactions immobilières, en plus de contrevenir aux normes journalistiques professionnelles. Le juge de première instance a retenu l’existence d’une faute commise par Gravel en raison de l’utilisation de moyens d’enregistrement clandestins lors de sa première rencontre avec l’appelant, mais a conclu à l’absence de preuve quant à des dommages.
Décision
M. le juge Rancourt: Le juge s’est mépris en se fondant sur un cadre d’analyse incomplet qui faisait abstraction des principes applicables en matière de diffamation lorsque l’auteur des propos litigieux est un journaliste. La responsabilité s’évalue alors différemment et la faute doit être appréciée en fonction des normes journalistiques professionnelles et non uniquement au regard de la véracité et du caractère d’intérêt public des informations communiquées. En l’espèce, le journaliste Gravel a commis des fautes lors de sa collecte d’information en ne respectant pas les normes journalistiques professionnelles de même que dans sa manière de présenter l’information. La faute la plus importante concerne l’image déformée de la réalité issue de l’impression générale se dégageant du reportage. Celui-ci visait à raconter une histoire plus accrocheuse, plus sensationnelle et plus intéressante qu’elle ne l’était réellement. Ces fautes sont également imputables à la SRC en vertu de l’article 1463 du Code civil du Québec.
D’autre part, le juge a confondu les étapes de la détermination du préjudice et de l’évaluation de l’étendue des dommages subis. Pour évaluer les dommages, il faut examiner subjectivement la situation de la personne visée. À partir du moment où le juge a conclu que les propos étaient objectivement diffamatoires au regard de la norme du citoyen raisonnable, le seul témoignage de l’appelant était suffisant pour démontrer les conséquences négatives réellement subies. La question des dommages n’a pas fait l’objet d’une analyse complète de la part du juge. À cet égard, il y a lieu de prendre en considération la gravité des propos diffamatoires et l’ampleur de leur diffusion, la confiance dont jouissent le réputé journaliste Gravel et la SRC à l’égard du public ainsi que l’humiliation vécue par l’appelant. De plus, celui-ci a dû se justifier auprès de sa plus importante cliente afin de maintenir son contrat avec elle, son institution financière de même que son cabinet comptable ont rompu leurs liens avec lui et il a été soumis à des interrogatoires par des agents de l’Unité permanente anticorruption et de la Sûreté du Québec. Dans les circonstances, une somme de 60 000 $ est appropriée pour compenser les dommages moraux subis par l’appelant.
En ce qui a trait aux dommages punitifs pouvant être accordés en vertu de l’article 49 de la Charte des droits et libertés de la personne, bien que le comportement de Gravel traduise une insouciance envers l’appelant, la preuve ne permet pas d’établir un état d’esprit dénotant une volonté de causer les conséquences de sa conduite fautive ou encore un agissement en toute connaissance des conséquences négatives, immédiates et naturelles de son reportage. Ainsi, le juge n’a commis aucune erreur en rejetant la réclamation de l’appelant fondée sur les dommages punitifs.
M. le juge Vauclair: Gravel aurait dû être condamné à payer la somme de 15 000 $ à titre de dommages punitifs. Les décisions qu’il a prises sont des gestes fautifs réfléchis qui, dans le contexte en question, ne pouvaient faire autrement que de rendre extrêmement probable l’atteinte à la réputation de l’appelant. Le reportage visait manifestement à relier l’appelant à la mafia et à la corruption.
Instance précédente : Juge Lukasz Granosik, C.S., Montréal, 500-17-081373-147, 2018-09-10, 2018 QCCS 3927, SOQUIJ AZ-51527034.
Réf. ant : (C.S., 2018-09-10), 2018 QCCS 3927, SOQUIJ AZ-51527034, 2018EXP-2574; (C.A., 2019-02-18), 2019 QCCA 303, SOQUIJ AZ-51571392.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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