Droit de la famille — 24378, 2024 QCCA 360
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
FAMILLE : La juge de première instance a commis une erreur lorsqu’elle a conclu à un non-retour illicite de l’enfant en Turquie; même si le lieu de résidence habituelle de l’enfant se trouvait en Turquie au moment du non-retour, son père ne détenait pas de droit de garde en vertu du droit turc et la mère pouvait décider du lieu de résidence de l’enfant sans son consentement.
2024EXP-910
Intitulé : Droit de la famille — 24378, 2024 QCCA 360
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal
Décision de : Juges Manon Savard (juge en chef), Geneviève Marcotte et Benoît Moore
Date : 22 mars 2024
Références : SOQUIJ AZ-52014566, 2024EXP-910 (16 pages)
–Résumé
FAMILLE — autorité parentale — garde d’enfant — retour immédiat — retour en vertu de la Loi sur les aspects civils de l’enlèvement international et interprovincial d’enfants — non-retour après un séjour au Québec — lieu de résidence habituelle — date de référence — date du non-retour — appréciation de la preuve — procédures introduites au Québec — demande en fixation du temps parental — lieu de résidence habituelle en Turquie — compétence des tribunaux québécois — droit applicable.
INTERNATIONAL (DROIT) — convention internationale — Loi sur les aspects civils de l’enlèvement international et interprovincial d’enfants — retour immédiat — non-retour après un séjour au Québec — lieu de résidence habituelle — date de référence — date du non-retour — appréciation de la preuve — procédures introduites au Québec — demande en fixation du temps parental — lieu de résidence habituelle en Turquie — compétence des tribunaux québécois — droit applicable.
INTERNATIONAL (DROIT) — compétence des tribunaux — tribunaux québécois — matière familiale — garde d’enfant — non-retour après un séjour au Québec — lieu de résidence habituelle en Turquie — moyen déclinatoire.
PROCÉDURE CIVILE — moyens préliminaires — moyen déclinatoire — compétence internationale des tribunaux québécois — matière familiale — garde d’enfant — non-retour après un séjour au Québec — lieu de résidence habituelle en Turquie.
Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli une exception déclinatoire, ayant déclaré irrecevable une demande de garde d’enfant et ayant ordonné le retour immédiat de celui-ci en Turquie. Accueilli.
Les parties ont vécu en union de fait et elles ont une fille, qui est née en 2017. En 2023, alors qu’elle séjournait au Québec avec l’enfant, la mère a informé le père de son intention de ne pas retourner en Turquie avec leur fille.
La juge de première instance a conclu que le maintien de l’enfant au Québec par la mère constituait un non-retour illicite aux termes de la Loi sur les aspects civils de l’enlèvement international et interprovincial d’enfants. Par ailleurs, comme la résidence de la mère se situait au Québec lors du dépôt de sa demande en fixation du temps parental — et même lors du non-retour de l’enfant —, la juge a estimé que le droit québécois était applicable à la détermination de la garde selon le droit international privé turc. Le père avait donc un droit de garde du seul fait de l’exercice conjoint de l’autorité parentale.
Décision
Le moment où doit être déterminée la résidence de la mère est prévu à l’article 3 de la loi et il découle de l’objectif de celle-ci, qui est de préserver le statu quo, c’est-à-dire le droit de garde qui était effectivement exercé au moment du déplacement ou du non-retour illicite de l’enfant. Cet objectif signifie que tout facteur de rattachement doit être nécessairement déterminé au moment du déplacement ou du non-retour, à l’exclusion de tout événement postérieur qui perturberait ce statu quo. La juge a donc erré en droit lorsqu’elle a conclu que la résidence de la mère, aux fins de l’application de la loi turque, devait être fixée à la date où cette dernière avait déposé sa demande en fixation du temps parental et non au moment du non-retour de l’enfant.
La juge a aussi commis une erreur manifeste et déterminante lorsqu’elle a conclu que la mère avait modifié sa résidence habituelle en date du non-retour. À ce moment, la mère n’avait pas encore signé de bail, elle n’avait pas inscrit l’enfant dans une école et n’avait pas signé de contrat de travail. Elle était en voyage temporaire au Québec et aucune trace de «continuité» de résidence dans cette province n’était présente. On ne saurait considérer que le simple fait d’entreprendre des recherches en vue de trouver un nouveau lieu de résidence entraîne un changement de résidence habituelle. Même si, avant le non-retour de l’enfant, la mère avait envisagé de s’installer au Québec, il est impossible de conclure qu’elle y avait déjà établi sa résidence habituelle. Ainsi, avant le non-retour, les parties avaient comme résidence commune la Turquie, de sorte que le droit turc gouvernait la détermination de la garde. Dès lors, le père ne détenait pas de droit de garde en vertu du droit turc et la mère pouvait décider du lieu de résidence de l’enfant sans son consentement. Le non-retour n’était donc pas illicite, ce qui signifie que le débat sur la garde devra se faire devant les tribunaux québécois et en fonction du droit québécois.
Instance précédente : Juge Anne Jacob, C.S., Montréal, 500-04-080209-233 et 500-04-080263-230, 2023-12-22, 2023 QCCS 4911, SOQUIJ AZ-51994259.
Réf. ant : (C.S., 2023-12-22), 2023 QCCS 4911, SOQUIJ AZ-51994259; (C.A., 2024-01-10), 2024 QCCA 10, SOQUIJ AZ-51995201, 2024EXP-293.
Le texte intégral de la décision est disponible ici.
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