Par
François-Xavier Robert
Ordre
des ingénieurs du Québec
On oublie
trop souvent l’importance capitale des bénévoles dans notre vie quotidienne.
Pourtant sans eux, il n’y a pas de groupes d’entraide pour les jeunes mères,
pas de troupes de scouts, pas de syndicats de copropriété et pas de ligue de
hockey amateur. En fait, vous ne seriez même pas en train de lire ce texte,
puisqu’il n’y aurait personne pour gérer ce blogue ou y publier des billets.
Cela dit, voici donc trois décisions qui traitent de bénévoles, le tout vous
étant fourni à titre gratuit.
Le « congédiement » du
bénévole
Un
organisme peut-il cesser de retenir les services d’un bénévole? Voilà la
question que tranche la division des petites créances de la Cour du Québec dans
la décision Paquet
c. Opération Nez Rouge inc., 2013 QCCQ 2812.
Le
demandeur poursuivant la défenderesse, reprochant à celle-ci de lui avoir
retiré son titre de répartiteur bénévole. De fait, il semble que, suite à un
conflit de personnalité entre le demandeur et le directeur général de la
défenderesse, celle-ci a décidé de ne plus retenir les services du premier à
titre de bénévole.
Référant
à l’article 1457 C.c.Q., la Cour du Québec rappelle que ce sont les règles
générales de responsabilité civile qui s’appliqueront :
« Le Code civil prévoit
que toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant
les circonstances, les usages ou la loi, s'imposent à elle, de manière à ne pas
causer de préjudice à autrui. Elle est responsable du préjudice qu'elle cause
par sa faute lorsqu'elle manque à ce devoir et est tenue de réparer ce
préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel. »
Le
tribunal rejette la réclamation du demandeur et écrit :
« Il n'existe
aucun contrat liant M. Paquet à Nez Rouge pour son bénévolat. La signature
d'un engagement à suivre des règles d'éthique, notamment en matière de
confidentialité, n'établit pas une relation contractuelle entre M. Paquet
et Nez Rouge et rien n'oblige Nez Rouge, organisme sans but lucratif, à retenir
M. Paquet. La décision de retenir ou non les services d'un bénévole relève
de la discrétion de l'organisme.
Le Tribunal ne peut
voir aucune faute de la part de Nez Rouge dans la façon dont son directeur
général et son conseil d'administration ont traité l'affaire.
La preuve démontre
que les motifs invoqués pour retirer à M. Paquet sa charge de répartiteur
et pour lui refuser le bénévolat en 2011 sont justifiés et ne sont pas abusifs.
[…]
Un organisme comme
Nez Rouge doit compter sur le bénévolat pour mener à bien ses opérations. Le
bénévole doit se plier à des exigences et ne doit pas créer un climat malsain
au risque d'éloigner les autres bénévoles de l'organisation.
Un bénévole devient,
à l'occasion des opérations menées par Nez Rouge, un représentant auprès du
public et des autres bénévoles et Nez Rouge est justifiée de considérer qu'une
relation mutuelle de confiance et de respect doit exister. »
Le remboursement des dépenses
Dans
Fortin c. Rassemblement du patrimoine motorisé de Saint-Bruno, 2012 QCCQ
10162, la division
des petites créances de la Cour du Québec devait trancher un litige opposant un
ancien bénévole à l’organisme au sein duquel il avait œuvré. Plus précisément,
le demandeur réclamait le remboursement de dépenses engagées lors des activités
de l’organisme.
Le
tribunal statue qu’il n’existe pas à proprement parler d’obligation pour un
organisme de rembourser aux bénévoles les dépenses qu’ils ont engagées :
« [17]
Il n'y a pas, pour le remboursement de dépenses, d'entente contractuelle
présumée, tacite ou implicite entre les organismes à but non lucratif et les
bénévoles qui les soutiennent.
[18]
Tous savent très bien que le bénévolat est essentiel à la survie des OSBL. Les
bénévoles sont la tête, le coeur et les bras de tous ces organismes qui
accomplissent globalement une œuvre gigantesque dans des buts caritatifs, culturels
ou autres.
[19]
Le principe même du bénévolat est la gratuité de ce que fournit le bénévole.
[20]
La forme principale du bénévolat est la fourniture de temps: les efforts
fournis par les bénévoles sont souvent l'armature essentielle des activités de
l'organisme. La gratuité des efforts des bénévoles ne fait guère de doute.
[21]
Cependant, à l'occasion du laborieux travail effectué par les bénévoles, il
arrive que ceux-ci doivent encourir (sic) des dépenses. Cela peut être des
dépenses de déplacement, de repas, d'hébergement.
[22]
Le principe même de la fourniture des services par les bénévoles étant la
gratuité, en principe ces dépenses sont couvertes par l'intention libérale du
bénévole envers l'organisme auquel il décide de participer. »
Par
contre, la situation diffère si l’organisme a adopté une politique de
remboursement des dépenses. Or, la preuve de l’existence d’une telle politique
ne convainc pas le tribunal dans le cadre du présent dossier.
Le bénévolat en construction
Il
existe une controverse jurisprudentielle quant à savoir si on peut exécuter des
travaux de construction à titre bénévole. Ce débat, qui dure depuis plusieurs
années, provient du texte de l’article 19.2 de la Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la
gestion de la main-d’oeuvre dans l’industrie de la construction, L.R.Q., c.
R-20, qui prévoit ce qui suit :
« 19.2. Nul ne peut
exécuter des travaux de construction à moins qu'il ne soit un employeur, un
salarié, un entrepreneur autonome ou un représentant désigné en vertu de
l'article 19.1 »
Dans
la décision Directeur des poursuites
criminelles et pénales c.
Marleau, 2011 QCCQ 992, la juge de paix magistrat Marie-Josée
Hénault résume la jurisprudence applicable. Vous pouvez lire mon résumé de
cette décision ici.
C'est un sujet très intéressant.
RépondreSupprimerUne autre décision qui pourrait être ajoutée est celle de la Cour d'appel dans Éthier c. Briand, 2010 QCCA 666, où la Cour ne retient pas la responsabilité du propriétaire d'une maison à la suite de la chute d'un ami qui lui a aidé bénévolement à réparer le toit.
La Cour précise qu' "il est difficile d'imposer un devoir de sécurité au propriétaire des lieux en faveur de celui qui est à même de connaître tous les risques auxquels il s'expose en acceptant de travailler bénévolement pour un ami".
La décision peut être consultée au lien suivant: http://www.jugements.qc.ca/php/decision.php?liste=68724221&doc=AC226504C0C2F5FEE4A61B2163902F5FDC058BE80358811AFABE71E8D34D73A2
Bonsoir,
RépondreSupprimerExiste-t-il des situations où le bénévole a eu gain de cause, particulièrement pour atteinte à sa réputation et préjudice morale ?