L’appel d’un jugement interlocutoire en matière de divorce
par
Vanessa O’Connell-Chrétien
La Cour d’appel dans la décision Droit
de la famille — 121718 (2012 QCCA 1229) a tranché
entre deux courants jurisprudentiels ayant trait à la nécessité d’une
permission préalable à un appel en matière de jugement interlocutoire dans le
cadre de dossiers de divorce.
Le premier courant était issu de
l’arrêt Droit de la
famille – 203[1],
rendu en 1985, selon lequel ce type de dossier était appelable de plein droit.
À l’opposé, le second courant
quant à lui a été résumé par le juge Dalphond dans l’arrêt Droit de la famille – 09771[2] voulait que la
permission d’en appeler soit demandée pour plusieurs types de décisions
interlocutoires rendues en matière familiale.
La question était d’importance et
la Cour le mentionne:
«
[16] Il semble que le débat sur la manière d’interjeter appel d’un
jugement interlocutoire prononcé dans le cadre d’une instance en divorce ne
soit pas unique au Québec, la question se posant également dans les autres
provinces canadiennes, avec des réponses variées. »
Pour
résoudre l’impasse, la Cour analyse en détails une décision rendue par la Cour
d’appel de l’Ontario[3]
pour ainsi conclure :
«
[20] Essentiellement, la Cour d’appel de l’Ontario, sous la plume de la
juge Gillese, propose de l’article 21 de la Loi
sur le divorce une
interprétation qui, sur le double plan téléologique et constitutionnel,
consiste à dire que la formation des appels en matière de divorce est et
demeure assujettie aux règles de procédure établies généralement par le droit
provincial. En l’espèce, la Cour a donc conclu que le jugement intérimaire de
la Cour supérieure de justice de l’Ontario (Cour de la famille) contre lequel
l’appelant cherchait à se pourvoir devant la Cour divisionnaire ne pouvait
faire l’objet d’un appel de plein droit, mais requérait une autorisation préalable,
comme tous les jugements interlocutoires, et ce, en vertu de l’article 19,
paragr. 1(b), de la Loi sur les tribunaux judiciaires (Courts of Justice
Act). (…)
[22] De
l’avis de la Cour, les propos que tient la Cour d’appel de l’Ontario dans cette
affaire (dont elle fut elle-même saisie par voie de requête pour permission
d’appeler) sont transposables à la situation québécoise, pour des raisons
analogues. Non seulement le texte et l’esprit des paragraphes 1 et 6 de
l’article 21 de
la Loi sur le divorce imposent-ils, en définitive, cette conclusion, mais aussi
les préoccupations liées à la philosophie sous-jacente à la loi ainsi que les
considérations de politique judiciaire relatives tant à la rapidité des
instances de divorce qu’au souci d’éviter aux parties un débat stérile, mais
anxiogène, et des coûts, tant personnels que financiers, qui peuvent se révéler
inutiles.
[23] Au
Québec, les articles 29 et 511 C.p.c. régissent l’appel des jugements
interlocutoires et requièrent (sauf exception) une permission préalable (dont
les formalités sont précisées à l’article 494 C.p.c.). Ce sont ces dispositions qui doivent
régir l’appel des jugements interlocutoires prononcés dans le cadre d’une instance
en divorce, peu importe le sujet ou l’objet de ces jugements et qu’il s’agisse
d’interpréter une disposition de la Loi sur le divorce, du Code
civil du Québec, du Code
de procédure civile ou d’une
autre loi. »
La Cour en vient donc à la conclusion
que l’appel d’un tel jugement interlocutoire en matière de divorce aurait dû
être précédé d’une requête pour permission.
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