SÉLECTION SOQUIJ : Mitchell c. Procureur général du Québec, 2022 QCCS 2983
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
CONSTITUTIONNEL (DROIT) : Les demandeurs ont démontré que l’intérêt public sera servi par la suspension de l’application des articles 5 et 119 de la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français étant donné la dimension collective des droits linguistiques protégés par l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 et le préjudice causé aux anglophones du Québec; par conséquent, la demande de sursis d’application est accueillie.
2022EXP-2158
Intitulé : Mitchell c. Procureur général du Québec, 2022 QCCS 2983
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Québec
Décision de : Juge Chantal Corriveau
Date : 12 août 2022
Références : SOQUIJ ASOQUIJ AZ-51873325, 2022EXP-2158 (19 pages)
CONSTITUTIONNEL (DROIT) — langue — droits linguistiques — langue devant les tribunaux — Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français — articles 5 et 119 — modification législative — articles 9 et 208.6 de la Charte de la langue française — constitutionnalité — personne morale — acte de procédure rédigé en anglais — dépôt — traduction française certifiée — accès à la justice — question sérieuse — préjudice irréparable — prépondérance des inconvénients — intérêt public — présomption — sursis d’application — exécution provisoire.
ADMINISTRATIF (DROIT) — contrôle judiciaire — cas d’application — droits et libertés — droits linguistiques — langue devant les tribunaux — Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français — articles 5 et 119 — modification législative — articles 9 et 208.6 de la Charte de la langue française — constitutionnalité — personne morale — acte de procédure rédigé en anglais — dépôt — traduction française certifiée — accès à la justice — question sérieuse — préjudice irréparable — prépondérance des inconvénients — intérêt public — présomption — sursis d’application — exécution provisoire.
Demande de sursis d’application des articles 5 et 119 de la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français. Accueillie.
Les articles 5 et 119 de la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, dont l’entrée en vigueur est prévue le 1er septembre 2022, modifient les articles 9 et 208.6 de la Charte de la langue française afin d’établir que tout acte de procédure d’une personne morale rédigé en anglais doit être accompagné d’une traduction française certifiée afin de pouvoir être déposé devant un tribunal. Les demandeurs ont entrepris un pourvoi en contrôle judiciaire afin d’invalider ces 2 dispositions au motif qu’elles sont contraires à l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 et qu’elles créent une barrière empêchant l’accès aux tribunaux pour les personnes morales dont les représentants sont anglophones. Ils demandent que l’application de celles-ci soit suspendue durant l’instance.
Décision
La suspension de l’entrée en vigueur des articles 5 et 119 de la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français doit être ordonnée durant l’instance afin d’en contrôler la légalité. Les demandeurs soulèvent une question sérieuse. Selon l’arrêt P.G. du Québec c. Blaikie (C.S. Can., 1979-12-13), SOQUIJ AZ-79111137, [1979] 2 R.C.S. 1016, l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 permet d’utiliser indifféremment le français ou l’anglais dans les plaidoiries ou les pièces de procédure qui sont présentées aux tribunaux du Québec. De plus, l’argument selon lequel les dispositions contestées enfreignent le principe de l’égalité réelle du français et de l’anglais, en créant des obstacles à l’accès aux tribunaux aux personnes morales d’expression anglaise, est lui aussi suffisamment sérieux pour satisfaire à ce premier critère. Les demandeurs ont démontré un préjudice irréparable en cas d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions durant l’instance. La preuve met en doute le nombre et la disponibilité des traducteurs qualifiés au Québec qui pourraient rapidement et efficacement traduire des procédures juridiques. Les coûts et les délais qui découlent de cette exigence suscitent de l’inquiétude quant à l’accès aux tribunaux. La probabilité d’un préjudice irréparable, au moins dans le cas des procédures urgentes ou accélérées, n’est pas hypothétique. Les dispositions telles qu’elles ont été rédigées n’autorisent aucun accommodement en cas d’urgence.
Si la modification à l’article 208.6 de la Charte de la langue française entre en vigueur, le dépôt de toute procédure en anglais non accompagnée d’une version française certifiée entraînera un refus automatique, ce qui empêchera l’ouverture d’un dossier de cour et même le dépôt d’une demande afin de prolonger les délais pour présenter la traduction. La prépondérance des inconvénients penche en faveur des demandeurs. Les dispositions contestées risquent de créer un obstacle insurmontable, notamment dans le cas des procédures urgentes. De même, la question des coûts de traduction tout au long de l’instance mérite une évaluation en ce qui concerne ses conséquences sur l’accès à la justice. Les demandeurs ont démontré un intérêt public pouvant être servi par la suspension de l’application des dispositions contestées, et ce, étant donné la dimension collective des droits linguistiques protégés par l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 et le préjudice causé aux anglophones du Québec. Ce faisant, ils ont réussi à repousser la présomption selon laquelle la mise en oeuvre de ces dispositions sert l’intérêt public. Compte tenu de la démonstration d’un préjudice irréparable et de l’entrée en vigueur des articles prévue pour le 1er septembre 2022, la suspension des dispositions est déclarée nonobstant appel.
Le texte intégral de la décision est disponible ici.
Commentaires (0)
L’équipe du Blogue vous encourage à partager avec nous et nos lecteurs vos commentaires et impressions afin d’alimenter les discussions sur le Blogue. Par ailleurs, prenez note du fait qu’aucun commentaire ne sera publié avant d’avoir été approuvé par un modérateur et que l’équipe du Blogue se réserve l’entière discrétion de ne pas publier tout commentaire jugé inapproprié.