Amélie Lemay, avocate, Chambre de la sécurité financière
« La sérénité des discussions entourant la possibilité d’un règlement s’avère fondamentale pour l’administration de la justice » (par. 1), mais jusqu’où l’avocat peut-il aller? Existe-t-il des limites dans le cadre de discussion entre avocats? Si l’un d’eux se sent menacé, peut-il porter plainte à la police? Il s’agit des réponses auxquelles l’Honorable Guy Cournoyer traite dans la décision Service de police de la Ville de Montréal c. Me A, 2020 QCCS 1830.
Contexte
Le contexte de la décision est fort simple, « […] deux avocats représentants des parties à un litige civil ont une conversation téléphonique qui est enregistrée par l’un des deux avocats. Environ deux semaines plus tard, cet avocat rencontre deux policiers pour se plaindre de menaces et d’intimidation » (par. 9 et 10). Le Juge doit donc déterminer si le corps policier et la directrice des poursuites criminelles et pénales (ci-après « DPCP ») peuvent accéder à l’enregistrement de cette conversation afin de déterminer si un crime a bel et bien été commis.
Décision
Le Juge est appelé à trancher une requête de type Lavallee (Lavalle, Rackel & Heintz c. Canada (Procureur général, 2002 CSC 61) tout en ayant à l’esprit le secret professionnel de l’avocat-client, le principe relatif au litige et le privilège relatif aux règlements d’un côté (par. 14), et le droit de tout citoyen de porter plainte et le devoir de la police d’enquêter sur un crime de l’autre (par. 16).
Après avoir reconnu le droit de toute personne de s’adresser à un corps policier afin de l’informer de la perpétration d’un acte criminel (par. 22) et le devoir de la police d’enquêter et d’appliquer la loi à la suite d’une telle dénonciation (par. 25), le Juge évalue s’il peut être contrevenu à l’un des privilèges (secret professionnel, privilège relatif au litige et privilège relatif aux règlements) au nom de ces deux principes.
Le Juge convient que « le secret professionnel de l’avocat constitue un principe de justice fondamentale » (par. 30), lequel est complété par le privilège relatif au litige (par. 32). Il reconnaît également le caractère essentiel des discussions entre parties en vue d’un règlement (par. 36 et 41), pour lequel une exception existe : l’exception de crime.
Ainsi, en prenant connaissance de l’enregistrement effectué par l’un des avocats au présent litige, le Juge détermine qu’il existe une preuve « prima facie permettant l’application de l’exception de crime » (par. 50), et permet donc l’accès au service de police ainsi qu’à la DPCP à l’enregistrement de la conversation entre les avocats au litige. Le Juge ajoute que cet élément permettra aux policiers ainsi qu’à la DPCP d’évaluer si un crime a été commis et si des accusations criminelles doivent être portées (par. 52 et 54), puisqu’il ne s’agit pas à ce tribunal de trancher cette question.
Le texte intégral de la décision est disponible ici.
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