01 Oct 2010

Résumé SOQUIJ de la semaine: Des moyens de pression qui coûtent cher : la Ville de Montréal et le Syndicat des cols bleus devront payer des dommages exemplaires de deux millions de dollars

La Ville de Montréal et le Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal sont condamnés solidairement à indemniser les membres d’un recours collectif; le syndicat est condamné à payer des dommages exemplaires de deux millions de dollars.
• 2010EXP-3107
Intitulé : Biondi c. Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal (SCFP-301), 2010 QCCS 4073
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Montréal, 500-06-000265-047
Décision de : Juge Danielle Grenier
Date : 3 septembre 2010
Références : SOQUIJ AZ-50669266, 2010EXP-3107 (55 pages). Retenu pour publication dans les recueils [2010] R.J.Q. et [2010] R.R.A.
RESPONSABILITÉ — responsabilité du fait personnel — syndicat — municipalité — moyens de pression illégaux — cols bleus — entretien de la voie publique — retard dans le déneigement et le déglaçage des rues — chutes — obligation de diligence — bonne foi — lien de causalité — dommages exemplaires — dommages-intérêts — recours collectif.
RESPONSABILITÉ — responsabilité du fait des autres — commettant — municipalité — moyens de pression illégaux — cols bleus — entretien de la voie publique — chutes — exécution des fonctions — lien de causalité — recours collectif.
MUNICIPAL (DROIT) — responsabilité — chute — trottoir — obligation de diligence — bonne foi — moyens de pression illégaux — cols bleus — lien de causalité — dommages-intérêts — dommage exemplaire — recours collectif.
DOMMAGE (ÉVALUATION) — dommage exemplaire — Charte des droits et libertés de la personne — Code civil du Québec — atteinte à la santé et la sécurité — citoyens — entretien de la voie publique — atteinte intentionnelle — moyens de pression illégaux — obligation de diligence — syndicat — ville.
RESPONSABILITÉ — éléments généraux de responsabilité — lien de causalité — recours collectif — responsabilité municipale — syndicat — moyens de pression illégaux — entretien de la voie publique — chutes — lien de causalité commun — présomption de fait.
PROCÉDURE CIVILE — moyens préliminaires — moyen de non-recevabilité — fondement juridique — recours collectif — chutes — responsabilité municipale — syndicat — moyens de pression illégaux — entretien de la voie publique — lien de causalité commun.
DROITS ET LIBERTÉS — droits et libertés fondamentaux — intégrité de la personne — atteinte à la sécurité et à la santé — ville — syndicat — entretien de la voie publique — trottoir — recours collectif — dommage exemplaire.
Recours collectif. Accueilli (2 M$).
Insatisfaits de la nouvelle convention collective imposée par voie d’arbitrage, les membres du Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal ont entrepris, entre le 5 et le 12 décembre 2004, des moyens de pression. Ceux-ci ont retardé les opérations de déglaçage et d’épandage d’abrasifs sur les chaussées et les trottoirs dans l’arrondissement Ville-Marie, c’est-à-dire au centre-ville de Montréal. Le 6 décembre, la demanderesse a fait une chute sur un trottoir. Au moyen d’un recours collectif, elle réclame des dommages-intérêts pour elle-même ainsi que des dommages exemplaires de deux millions de dollars pour les membres du groupe qu’elle représente, soit les personnes ayant subi des dommages à la suite de chutes survenues pendant cette période. Elle invoque la responsabilité de la Ville à titre de commettant ainsi que sa responsabilité personnelle. Elle lui reproche d’avoir été négligente dans la mise en oeuvre d’un changement de mode de répartition du travail, d’avoir omis d’aviser le syndicat de son intention, de ne pas avoir exercé son pouvoir disciplinaire ni maintenu un parc de véhicules suffisant. Elle blâme le syndicat d’avoir exercé des moyens de pression illégaux, d’avoir omis de se conformer à la décision du Conseil des services essentiels (CSE) et d’avoir agi de mauvaise foi. Le syndicat et la Ville invoquent l’irrecevabilité de la requête en l’absence de lien de causalité commun entre les fautes reprochées et ils nient avoir commis une faute. La Ville allègue ne pas être responsable à titre de commettant, faisant valoir que les cols bleus n’agissaient pas dans l’exercice de leurs fonctions lorsqu’ils ont retardé les travaux.
Décision
Le syndicat n’a pas respecté les règles de conduite qui s’imposaient de manière à ne pas causer de préjudice à autrui, et sa conduite est socialement inacceptable. Les 4 et 5 décembre, il y a eu une action concertée des cols bleus. Malgré l’ordonnance du CSE du 4 décembre, ils ont choisi d’exercer des moyens de pression et de ne pas fournir une prestation normale de travail. La dénégation du syndicat d’avoir orchestré les moyens de pression n’est pas crédible. En effet, le comportement de ses dirigeants démontre que ceux-ci étaient au courant de la situation et qu’ils n’ont rien fait pour mettre fin à la confusion qui régnait. Le syndicat n’a pas informé ses membres de la décision du CSE et il ne pouvait ignorer que leurs actes concertés entraîneraient des retards dans les travaux de déneigement et de déglaçage, causant ainsi un préjudice aux citoyens de l’arrondissement. Ces retards et l’état glacé des rues ont fait en sorte qu’une ordonnance en injonction interlocutoire a été rendue le 10 décembre.
Quant à la Ville, contrairement à ce qu’elle prétend, elle est responsable à titre de commettant des cols bleus. Ces derniers agissaient dans l’exécution de leurs fonctions même s’ils les exécutaient mal, la désobéissance n’étant pas reconnue comme critère libératoire. Bien plus, plusieurs préposés, qui n’étaient pas des cols bleus, ont manqué à leur obligation de diligence. La Ville est aussi personnellement fautive en raison de sa négligence dans la mise en oeuvre du changement. Elle savait depuis le mois d’octobre que les cols bleus étaient mécontents des nouveaux horaires de travail. En imposant un nouveau mode de répartition pour le seul arrondissement de Ville-Marie, elle a aggravé la situation. Le directeur de l’arrondissement s’est entêté à maintenir l’application du nouvel horaire dans le but de provoquer un affrontement et d’obtenir ainsi une décision du CSE. La Ville a fait preuve d’aveuglement volontaire et elle a choisi de provoquer les cols bleus en imposant la mesure un samedi alors qu’elle savait que, dès le lundi, les rues du centre-ville seraient envahies par les piétons. Elle a été négligente en ne formant pas ses contremaîtres et en n’avisant pas le syndicat de son intention de changer le mode de répartition, ce qui aurait probablement permis d’arriver à des ententes provisoires, d’autant plus qu’il s’agissait d’une simple décision d’ordre opérationnel. Elle a manqué de diligence en n’exerçant aucun recours disciplinaire à la suite du non-respect de la décision du CSE et de l’ordonnance en injonction. Elle ne s’est pas assurée d’un nombre suffisant de véhicules capables d’effectuer les tâches de déneigement et de déglaçage et a toléré une délinquance administrative qui a nui à leur exécution. Elle ne peut invoquer la force majeure, car les moyens de pression des cols bleus étaient prévisibles et même prévus. Elle n’a pas communiqué avec les dirigeants municipaux ni intenté de recours en outrage pour s’assurer du respect de l’injonction. L’accumulation de ses erreurs, aveuglements volontaires, impairs et maladresses démontre qu’elle s’est volontairement engagée dans une lutte de pouvoir alors qu’elle aurait simplement pu retarder l’implantation de la nouvelle mesure.

Par ailleurs, une détermination collective de causalité peut être faite en matière de recours collectif lorsque les faits prouvés permettent d’établir une présomption applicable à tous les membres du groupe. En l’espèce, une faute dans l’entretien des rues dans la zone en cause et pendant la période visée a été démontrée. Plusieurs personnes y ayant fait une chute, il est possible de présumer que la cause la plus probable des chutes est le manque d’entretien des rues. Il s’agit du lien causal le plus logique, direct et immédiat. Les circonstances particulières de chaque chute, qui permettent de déterminer la part de responsabilité et le montant des dommages compensatoires, seront évaluées au moment de l’examen individuel des réclamations. La réclamation en dommages exemplaires est fondée, car le syndicat a intentionnellement porté atteinte à la santé et à la sécurité des membres du groupe, droits protégés par la Charte des droits et libertés de la personne et le Code civil du Québec. Son comportement téméraire et son insouciance ont entraîné la prise en otage des citoyens, sans compter le fait qu’il ne s’est jamais excusé, ses dirigeants ayant plutôt tenté d’attribuer les fautes à la Ville. Le syndicat n’a pas respecté la décision du CSE et a préféré avoir recours à des moyens de pression illégaux, bien qu’il ait su que ceux-ci auraient des conséquences immédiates pour des victimes vulnérables. Il est condamné à payer deux millions de dollars à titre de dommages exemplaires. Cette somme sera distribuée également entre les membres dont la réclamation sera accueillie, sans égard à l’importance du préjudice subi. Par ailleurs, le syndicat et la Ville sont condamnés solidairement à payer à chacun des membres du groupe le montant de sa réclamation individuelle.

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