19 Oct 2010
La production de plumitifs garnis ne suffit pas à obtenir une déclaration de quérulence au terme des articles 54.1 et suiv. C.p.c.
par Marie-Hélène Beaudoin
Woods s.e.n.c.r.l.
Nos lecteurs assidus auront remarqué qu’il est fréquemment question des « nouveaux » articles 54.1 et suivants C.p.c. dans le cadre du présent blogue. Cela reflète, du moins nous le croyons, l’engouement qu’ont suscité ces dispositions au prétoire, où certains ont cherché dans l’adoption de ces articles une forme de salut à l’encontre de toutes sortes de désagréments procéduraux. Dans l’affaire Zinga Ditomene c. Syndicat du personnel enseignant du cégep de Sherbrooke (2010 QCCS 4853), la Cour supérieure rappelait qu’il est toutefois nécessaire pour ceux qui désirent se prévaloir des remèdes prévus à ces articles de présenter une preuve appropriée et qu’il ne suffit donc pas de s’en remettre au tribunal pour qu’il constate lui-même l’abus de procédure au sein d’une montagne de documents.
Dans cette affaire, outre le rejet de la procédure en cours, les défendeurs réclamaient des dommages ainsi qu’une déclaration de quérulence à l’encontre du demandeur, qui s’appliquerait dans plusieurs districts judiciaires. Or, puisque les parties avaient sous-estimé le temps nécessaire à la présentation de leurs moyens, la juge de la Cour supérieure qui fut saisie du dossier dut scinder l’audition et se concentra ici sur la question de la potentielle quérulence du demandeur.
À ce sujet, les défendeurs avaient produit un très volumineux cahier de pièces référant non seulement à de multiples jugements dans des affaires impliquant le demandeur, mais à des procédures intentées dans divers dossiers dans d’autres districts judiciaires. Par ailleurs, dans leur requête au Tribunal, les défendeurs se contentaient d’alléguer de façon générale que le demandeur aurait trop souvent recours aux tribunaux et intenterait des procédures pour des vétilles.
Or, selon la Cour :
« [7] […] [les allégations des défendeurs] semblent sérieuses à première vue, mais la question se pose de savoir comment les faits et les documents en question peuvent être mis en preuve devant le tribunal aux fins d’une décision qui serait rendue dans le présent dossier. Il n’appartient certainement pas au tribunal de fouiller les plumitifs ou des dossiers engagés dans d’autres districts judiciaires pour vérifier si les allégations des défendeurs sont fondées ou décider si les documents qu’ils invoquent sont recevables. Il pourrait donc être nécessaire de soumettre une preuve au tribunal, ce qui n’a pas été fait dans le présent cas, si ce n’est en produisant un volumineux cahier de pièces dont plusieurs sont tirées d’autres dossiers. »
Ainsi, le Tribunal conclut qu’il ne lui appartient pas de chercher dans un volumineux cahier de pièces s’il existe une preuve à l’appui d’allégations de portée générale comme celles des défendeurs et de vérifier s’il a devant lui des documents qui confirment la véracité desdits allégués.
Par conséquent, la juge de la Cour supérieure élit de se dessaisir des conclusions recherchées en matière de quérulence et remis l’audition à une date ultérieure quant aux autres remèdes recherchés par les défendeurs.
Certes, une réserve de droits fut émise par la Cour de manière à permettre aux défendeurs d’amender ultérieurement leur requête et préciser les conclusions recherchées en ce qui a trait à la quérulence. Cela dit, il demeure que cette décision envoie un message clair eu égard au travail qui doit être fait par les plaideurs pour satisfaire leur fardeau de preuve en vertu des articles 54.1 et suiv. C.p.c.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/anWJjv
Référence neutre: [2010] CRL 187
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