Le lieu de résidence ne constitue pas l’un des motifs énumérés à la Charte canadienne des droits et libertés ni ne peut constituer un motif analogue; les appelants n’ont pas démontré que le mode de scrutin uninominal à un tour en vigueur au Québec porte atteinte à leur droit à l’égalité en tant que membre de la communauté anglophone de l’Ouest-de-l’Île de Montréal.
• 2011EXP-2860
Intitulé : Daoust c. Québec (Directeur général des élections), 2011 QCCA 1634
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal, 500-09-019528-090
Décision de : Juges François Pelletier, André Rochon et Jacques Dufresne
Date : 13 septembre 2011
Références : SOQUIJ AZ-50786231, 2011EXP-2860, J.E. 2011-1602 (21 pages). Retenu pour publication dans le recueil [2011] R.J.Q.
DROITS ET LIBERTÉS — droit à l’égalité — actes discriminatoires — divers — droit de vote — anglophone — Loi électorale — mode de scrutin uninominal à un tour — représentativité — lieu de résidence — motif non prévu à la Charte canadienne des droits et libertés.
DROITS ET LIBERTÉS — droit à l’égalité — motifs de discrimination — langue — anglophone — droit de vote effectif — représentativité — Loi électorale — mode de scrutin uninominal à un tour — lieu de résidence — motif non prévu à la Charte canadienne des droits et libertés.
ÉLECTION — élection provinciale — système électoral — mode de scrutin uninominal à un tour — atteinte au droit de vote — système proportionnel — anglophone — droit à l’égalité — lieu de résidence — Loi électorale — constitutionnalité.
Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une requête en jugement déclaratoire. Rejeté.
Les appelants, membres de l’Association pour la revendication des droits démocratiques, prônent une réforme du mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour en faveur d’un mode de scrutin qui favoriserait une représentation plus juste de tous les partis politiques à l’Assemblée nationale. Ils prétendent que la Loi électorale, qui établit un système électoral majoritaire uninominal à un tour, est inconstitutionnelle parce qu’elle viole le droit de vote protégé par l’article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés et l’article 22 de la Charte des droits et libertés de la personne ainsi que le droit à l’égalité protégé par l’article 15 de la charte canadienne et par l’article 10 de la charte québécoise. Selon eux, le mode de scrutin a pour effet de sous-représenter les minorités, plus particulièrement la communauté anglophone de l’Ouest-de-l’Île de Montréal (West Island), et de permettre qu’un gouvernement majoritaire soit élu même s’il a obtenu moins de votes que le parti d’opposition ayant obtenu le plus grand nombre de voix. Il s’agit de déterminer si l’invalidité du mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour est une question qui peut être soumise aux tribunaux et si le mode actuel de scrutin constitue une violation du droit de vote ou du droit à l’égalité garanti par les chartes.
Décision
M. le juge Dufresne: Les dispositions de la Loi électorale qui instaurent au Québec le mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour et en définissent les modalités peuvent être remises en question devant les tribunaux si celles-ci ou leurs effets empêchent une «représentation effective» au sens des arrêts de la Cour suprême Circ. électorales provinciales (Sask.) (Renvoi:), (C.S. Can., 1991-06-06), SOQUIJ AZ-91111062, J.E. 91-938, [1991] 2 R.C.S. 158, Figueroa c. Canada (Procureur général), (C.S. Can., 2003-06-27), 2003 CSC 37, SOQUIJ AZ-50181103, J.E. 2003-1228, [2003] 1 R.C.S. 912, et Harper c. Canada (Procureur général), (C.S. Can., 2004-05-18), 2004 CSC 33, SOQUIJ AZ-50236192, J.E. 2004-1104, [2004] 1 R.C.S. 827. Toutefois, il n’appartient pas aux tribunaux de proposer ou d’imposer un mode de scrutin — ils n’ont d’ailleurs pas le pouvoir de le faire —, bien qu’ils puissent déclarer que les dispositions de la loi qui caractérisent le mode de scrutin en vigueur sont inopérantes si elles portent atteinte aux droits protégés par les chartes. Comme la Constitution n’exige pas un système électoral particulier, le mode de scrutin uninominal à un tour préconisé par la Loi électorale respecte les limites fixées par celle-ci. Le choix du mode de scrutin est politique et il revient aux élus de le débattre. L’expert présenté par le procureur général du Québec a indiqué qu’aucun système n’était à l’abri de distorsions. Chaque mode de scrutin comporte des avantages et des inconvénients, y compris le système proportionnel, qui semble avoir la faveur des appelants. Tout en reconnaissant qu’un système majoritaire peut avoir tendance à sous-estimer les partis autres que le parti au pouvoir, il ne s’agit, selon l’expert, que d’une tendance, sans plus, comme l’indique, selon lui, l’élection provinciale de 2007. Le modèle canadien du mode de scrutin majoritaire, comme celui défini par la Loi électorale, est générateur de parité. D’une élection à l’autre, des distorsions ont pu être observées, mais pas au point de porter atteinte au droit de tout citoyen à la représentation effective. Le témoignage de l’expert retenu par le juge permet de conclure que le mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour actuellement en vigueur au Québec respecte le droit à une représentation effective des électeurs, y compris celle des minorités nommées par les appelants. C’est le plus souvent la combinaison de multiples facteurs, tenant entre autres choses de la situation conjoncturelle ou de causes géographiques, démographiques ou sociales, qui permet d’expliquer, en partie du moins, l’élection d’un candidat donné ou d’un nombre plus ou moins grand de candidats d’un même parti, et non seulement le mode de scrutin proprement dit ou ses modalités. La Loi électorale prévoit des mécanismes pour assurer une certaine parité. Celle-ci recherche un équilibre entre l’égalité du vote des électeurs et la représentation des électeurs en fonction de considérations d’ordre démographique, géographique et sociologique. En l’espèce, il est impossible de conclure que le mode de scrutin en vigueur au Québec n’emporte pas le droit à une représentation effective des électeurs. La parité relative dont parle la Cour suprême est atteinte. La notion de «représentation effective» n’a pas pour corollaire une organisation déterminée de l’Assemblée nationale ou de la Chambre des communes. Que le mode de scrutin favorise l’élection d’un gouvernement majoritaire ou fasse en sorte, à l’occasion, que de plus petits partis ne soient pas représentés relève d’un choix politique. Le fait qu’il rende possible l’élection d’un gouvernement majoritaire qui n’est pas nécessairement formé par le parti ayant obtenu le plus grand nombre de votes peut, à première vue, surprendre, mais cette possibilité ne constitue pas pour autant une violation du droit de vote consacré par l’article 3 de la charte canadienne et par l’article 22 de la charte québécoise. De même, la participation des partis plus marginaux au débat politique, qu’elle se traduise ou non par l’élection d’un député, est l’un des éléments constitutifs de la représentation effective. À partir du moment où il y a représentation effective des citoyens, comme en l’espèce, le droit de vote consacré par les chartes est respecté. Le juge a eu raison de souligner que le lieu de résidence ne constitue pas l’un des motifs énumérés à la charte canadienne ni ne peut constituer un motif analogue. La différence de traitement de la communauté anglophone alléguée par les appelants est fonction du lieu de résidence et non de la langue. Le droit à l’égalité des appelants lorsqu’ils exercent leur droit de vote n’est pas compromis.
Instance précédente : Juge Luc Lefebvre, C.S., Montréal, 500-17-019810-046, 2009-02-26, 2009 QCCS 1699, SOQUIJ AZ-50551868.
Réf. ant : (C.S., 2009-02-26), 2009 QCCS 1699, SOQUIJ AZ-50551868, J.E. 2009-809.
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