14 Oct 2011

Résumé SOQUIJ de la semaine: L’insouciance et la témérité d’une partie peut justifier l’octroi d’une provision pour frais

Les représentants du sous-ministre du Revenu ont fait preuve d’insouciance et de témérité dans le traitement du dossier de la contribuable; cette dernière a droit à une provision pour frais de 325 404 $, ce qui constitue une sanction appropriée au sens de l’article 54.3 C.P.C.

2011EXP-3025

Intitulé : Groupe Enico inc. c. Québec (Sous-ministre du Revenu), 2011 QCCS 4847

Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Laval, 540-17-003193-082

Décision de : Juge Michel Déziel

Date : 16 septembre 2011

Références : SOQUIJ AZ-50787092, 2011EXP-3025, J.E. 2011-1710 (17 pages). Retenu pour publication dans le recueil [2011] R.J.Q.

RESPONSABILITÉ — responsabilité de l’État — sous-ministre du Revenu du Québec — procureur général du Québec — mesure de recouvrement — insouciance et témérité — abus de procédure — provision pour frais.

FISCALITÉ — divers — responsabilité — recouvrement — saisie — mainlevée — insouciance et témérité — abus de procédure — sanction appropriée — provision pour frais.

PROCÉDURE CIVILE — divers — abus de procédure ou apparence d’abus — application de l’article 54.3 C.P.C. — sanction appropriée — provision pour frais — insouciance et témérité des représentants du sous-ministre du Revenu du Québec.

Requête en remboursement d’une somme d’argent perçue à titre de crédits d’impôt et en provision pour frais (art. 54.1 et ss. du Code de procédure civile (C.P.C.)). Accueillie en partie.

Les demandeurs ont intenté un recours en responsabilité contre le sous-ministre du Revenu du Québec et le procureur général du Québec, à qui ils réclament plus de 12 millions de dollars. S’appuyant sur les dispositions du Code de procédure civile qui visent à prévenir l’utilisation abusive des tribunaux, ils présentent une requête en remboursement d’une somme de 757 617 $ perçue à titre de crédits d’impôt et une demande de provision pour frais de 325 404 $ à titre de sanction appropriée au sens de l’article 54.3 du C.P.C., et ce, afin de payer les honoraires de leurs avocats et les frais d’experts.

Décision

Le projet de loi no 9 (Loi modifiant le Code de procédure civile pour prévenir l’utilisation abusive des tribunaux et favoriser le respect de la liberté d’expression et la participation des citoyens aux débats publics) a été adopté pour favoriser l’accès à la justice de tous les citoyens. Le législateur a par ailleurs fait une distinction quand une procédure est abusive ou paraît abusive. Dans ce cas, seul le deuxième alinéa de l’article 54.3 C.P.C. s’applique (Cosoltec inc. c. Structure Laferté inc. (C.A., 2010-09-07), 2010 QCCA 1600, SOQUIJ AZ-50669961, 2010EXP-3016, J.E. 2010-1659). En l’espèce, les agissements des représentants du sous-ministre peuvent constituer un abus au sens de cet article. En effet, des erreurs ont été commises dans le processus administratif et dans le traitement du dossier de la demanderesse Groupe Enico inc. D’une part, le transfert de celui-ci au service de perception a été causé par une erreur administrative. D’autre part, le sous-ministre a commis une seconde erreur en transmettant, en moins de huit jours, deux avis de saisie s’élevant respectivement à 395 217 $ et à 261 049 $, pour s’en désister quelques jours plus tard. Cette saisie a eu des conséquences désastreuses pour la demanderesse. En effet, la banque a rappelé son prêt, a fermé la marge de crédit et a cessé d’honorer les chèques de paie; les employés ont perdu confiance, certains ont quitté l’entreprise et de nombreux clients et partenaires ont mis fin à leurs relations d’affaires en raison de la soudaine instabilité financière de l’entreprise. La multiplication des erreurs commises par les représentants du sous-ministre démontre l’insouciance et la témérité de ces derniers. Or, avant de procéder à la saisie d’un compte de banque, le sous-ministre doit faire preuve de prudence. En l’espèce, il y a lieu de conclure, à ce stade des procédures, que le geste commis est a priori inacceptable. La demande de provision pour frais est donc fondée, d’autant plus que les demandeurs n’ont pas la capacité de supporter les coûts du procès, dont la durée prévue est de 13 jours. Les avocats de la demanderesse ont d’ailleurs cessé d’occuper pour non-paiement de leurs honoraires et il leur est dû 49 534 $. Les honoraires extrajudiciaires pour le procès sont évalués à 250 380 $ et les trois témoins experts entraîneront des débours de 19 240 $, et les autres frais et débours sont estimés à 6 250 $. La somme réclamée, qui est raisonnable, est donc accordée à la demanderesse à titre de provision pour frais afin de permettre aux demandeurs de faire valoir leurs droits et pour rétablir l’équilibre des forces économiques entre les parties. En outre, il faut retenir que cette mesure de redressement est également fondée eu égard aux articles 4.1 et 4.2 C.P.C. Quant au remboursement des crédits d’impôt pour les années 2006 à 2010, il n’y a pas lieu de l’ordonner. En effet, le législateur prévoit que la suspension édictée par les articles 12.0.2 et 12.0.3 de la Loi sur l’administration fiscale ne s’applique pas aux mesures qui visent à recouvrer des montants dus par la demanderesse, soit le remboursement de sommes qu’elle perçoit à titre de mandataire du Ministère. Au procès, la preuve pourra préciser si la demanderesse est débitrice de sommes qu’elle aurait perçues à titre de mandataire.

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