08 Nov 2013

Chronique du CAP : Droit de la famille


par Audrey Blanchet-Fortin

Lorsque la Cour Suprême a rendu sa décision dans la célèbre affaire Eric contre Lola, elle a, par la même occasion, servi un avertissement au législateur québécois : bien que l’objectif de la loi soit suffisamment important pour justifier une atteinte au droit à l’égalité, «le recours par le législateur québécois à deux régimes distincts crée une distinction discriminatoire qui porte atteinte au droit à l’égalité entre conjoints de fait.» Dans une société où près de 60% des enfants naissent au sein d’un couple en union libre, la juge en chef Beverley McLachlin constate que «le modèle québécois a pour effet de priver les ex-conjoints de fait des importantes mesures de protection qu’il consent aux ex-conjoints mariés ou unis civilement, et ce même si, dans les faits, ils pourraient ne pas avoir réellement exercé un choix de régime. Il est raisonnable d’en déduire, sous réserve d’une analyse complète des facteurs contextuels pertinents, que la loi qui les prive de ces mesures de protection les traite comme s’ils étaient moins dignes d’intérêt, de respect ou de considération.»

C’est dans ce contexte que le ministre de la Justice Bertrand St-Arnaud annonçait, le 19 avril dernier, la mise sur pied du Comité consultatif sur le droit de la famille. Le premier volet du mandat proposé au président du Comité Me Alain Roy était celui de se pencher sur l’opportunité de revoir ou non le régime du droit matrimonial au Québec. Dans le Rapport sur l’opportunité d’une réforme globale du droit de la famille québécoise rendu public le 21 octobre dernier, le Comité propose une nouvelle porte d’entrée au droit de la famille. En effet, le Comité prétend que la présence d’un enfant au sein du couple devrait justifier l’application du régime matrimonial québécois. Il en est ainsi, prétendent-ils, puisque l’enfant est désormais la première source d’interdépendance conjugale et familiale alors qu’au moment de la Réforme du droit familial de 1980, c’est par le mariage que l’entité familiale et conjugale se cristallisait. Ceci étant, prenant acte des enseignements du plus haut tribunal du pays, il n’est pas pour autant question d’exclure de facto les conjoints sans enfant de l’application du droit de la famille; la vie conjugale comporte, pour certains, son lot de facteurs d’interdépendance conjugale qui mériterait l’attention du droit familial.

Ayant pour mission de s’interroger également sur le droit des enfants, le Comité en profite pour rappeler que c’est autour de l’intérêt de l’enfant que doit s’articuler le droit de la famille dans ses dispositions concernant la filiation et la parentalité. Dans son Rapport, le Comité fait le constat que ce principe doit transparaître davantage des dispositions en vigueur aujourd’hui.

C’est donc à l’unanimité que les membres du Comité recommandent une refonte majeure du droit de la famille québécoise afin de l’adapter aux nouvelles réalités familiales et conjugales. Les travaux permettant au Comité de faire des recommandations précises quant aux éléments qui devront être revus tant en matière de filiation et parentalité qu’en matière de conjugalité pourront continuer encore pendant 18 mois avant que le deuxième rapport voit le jour.

                                                                                                                       

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