par
Pierre-Luc Beauchesne
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20 Oct 2014

La présence d’un réservoir de mazout souterrain ne suffit pas à démontrer l’existence d’un vice caché au moment de la vente

Par Pierre-Luc Beauchesne, Gowling Lafleur Henderson S.E.N.C.R.L.


Par Pierre-Luc Beauchesne
Gowling Lafleur Henderson s.e.n.c.r.l., s.r.l.
Dans 9048-1508 Québec Inc. c. Montpetit, la Cour rejette la réclamation pour vices cachés de la demanderesse suite à la découverte d’hydrocarbures sous les immeubles à revenus qu’elle a acquis des défendeurs. La Cour a notamment conclu que la découverte d’un réservoir de mazout ne suffit pas à démontrer l’existence d’un vice caché ou d’une contamination du sol au moment de la vente.

Contexte
En janvier 1998, la demanderesse a acquis des défendeurs deux immeubles à logements pour le prix de 399 000$. Avant la vente, les actionnaires de la demanderesse, Mme Cojocaru et son époux, ont visité les immeubles, mais n’ont pas jugé nécessaire de retenir les services d’un expert pour procéder à une inspection. En 2007, alors qu’elle tente d’obtenir du financement pour effectuer certains travaux, la demanderesse apprend qu’un réservoir d’huile se trouverait sous l’un des immeubles. Suite à un rapport Phase II, la demanderesse découvre la présence de sol contaminé par des hydrocarbures pétroliers au-delà du critère acceptable pour un usage résidentiel sous l’un des immeubles et doit effectuer des travaux de réhabilitation.
Lors des travaux de réhabilitation, on découvre un réservoir souterrain d’entreposage d’huile de 1000 gallons qui présente des signes de dégradation et de perforation. Suite à ces travaux, un rapport Phase III est émis qui confirme que les sols contaminés ont été excavés et transportés vers un site reconnu. Le 28 novembre 2007, la demanderesse a mis les défendeurs en demeure de lui rembourser le coût des travaux qui s’élèvent à 51 449$. Par la suite, en 2009, alors que la demanderesse procède à certains travaux sur l’immeuble, elle découvre encore une fois la présence de contaminants dans le sol. La demanderesse entreprend des travaux de réhabilitation et réclame un montant supplémentaire de 389 093$ aux défendeurs.
Analyse
La Cour conclut que la présence d’un réservoir de mazout souterrain ne suffit pas à démontrer l’existence d’un vice ou d’une contamination au moment de la vente :

« [54] La seule découverte subséquente d’un réservoir de mazout souterrain utilisé à des fins résidentielles de 1 000 gallons qui aurait été enfoui en 1998 et se serait révélé être perforé en 2007 lorsqu’il a été retiré des lieux, ne suffit pas à démontrer l’existence du vice ou d’une contamination du sol au moment de la vente.  

[55] Il appartenait à la demanderesse de démontrer que le sol était contaminé au moment de l’achat et elle ne pouvait bénéficier à cet égard d’une présomption de fait puisque la contamination a été découverte près de dix ans après la vente des immeubles.  

[56] En janvier 1998, ni la loi ni la réglementation n’interdisait la présence de réservoirs de mazout souterrains utilisés à des fins résidentielles et rien ne démontre que le réservoir était alors perforé ou que la contamination relevée à compter de 2007, pouvait avoir débuté.  

[57] De plus, la Politique de protection des sols – 1999 à laquelle réfère l’Expert Daigneault dans ses rapports, pour mesurer le degré de contamination des sols n’était pas encore en vigueur non plus que la Politique de protection des sols – 1998 qui l’a précédée et n’a été adoptée qu’au mois de juin 1998. 

[58] En ce qui concerne la déclaration contenue à l’offre d’achat des immeubles voulant que l’immeuble soit conforme aux lois et règlements relatifs à la protection de l’environnement, la demanderesse n’en a pas démontré l’inexactitude à la lumière des lois et règlements alors en vigueur. 

[59] Ainsi, en l’absence d’une preuve permettant d’affirmer que des contaminants de type B-C étaient présents au moment de la vente de janvier 1998 et qu’ils constituaient des contaminants à cette époque, le Tribunal ne peut conclure à l’existence d’un vice caché. »

Malgré l’absence de vices cachés, la Cour se penche quand même sur les dommages réclamés par la demanderesse et conclut que la demanderesse ne pouvait réclamer un montant qui excède le prix d’achat total des deux immeubles :

« [72] Ainsi, considérant que les montants réclamés sont deux fois plus élevés que le prix payé pour l’Immeuble litigieux, le fait d’accorder le plein montant réclamé de près de 450 000 $ en l’espèce équivaudrait à n’attribuer aucune valeur à l’immeuble acquis en 1998 et à permettre un enrichissement injustifié de la demanderesse qui a choisi de maintenir un recours en réduction de prix, bien que sachant que la valeur en jeu dépassait largement le coût d’achat de l’Immeuble litigieux (et même celui de l’ensemble des deux immeubles vendus). 

[73] Aussi, en l’espèce, s’il avait conclu à l’existence d’un vice, ce qu’il ne fait pas, le Tribunal aurait néanmoins fait usage de sa discrétion pour réduire de manière substantielle la réclamation à l’intérieur de paramètres raisonnables, à un montant n’excédant pas 40 000 $ dans le but d’éviter que la condamnation n’entraîne l’enrichissement injustifié de la demanderesse. »

Le texte intégral de la décision est disponible ici.

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