Requête pour nomination d’un séquestre et préavis d’exercice d’un recours hypothécaire
Par Pierre-Luc Beauchesne, Gowling Lafleur Henderson S.E.N.C.R.L.
Par Pierre-Luc Beauchesne
Gowling Lafleur Henderson s.e.n.c.r.l., s.r.l.
Dans Boréal-Informations Stratégiques Inc. (Avis d’intention de) (2014 QCCS 5595), la Cour était saisie d’une requête d’un créancier garanti pour nomination d’un séquestre, en vertu de l’article 243 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, et pour autorisation de disposer des actifs. La Cour rejette la requête concluant que le créancier, qui a choisi de ne pas signifier de préavis d’exercice de ses droits hypothécaires en conformité avec le Code civil du Québec, n’a pas démontré en quoi la vente par un séquestre nommé en vertu de l’article 243 Lf.i. serait nécessaire.
Contexte
Le 14 novembre 2014, la débitrice reçoit une offre d’achat de ses actifs conditionnelle à ce que la présente requête soit accueillie par la Cour au plus tard le jour de sa présentation, soit le 24 novembre 2014. La requérante Caisse Desjardins du Lac-Memphrémagog est le créancier garanti de la débitrice. Le 20 août 2014, celle-ci avait signifié son avis d’intention de mettre à exécution une garantie en vertu de l’article 244 L.f.i. Toutefois, la Caisse n’avait pas envoyé de préavis d’exercice en conformité avec le Code civil du Québec.
Décision
La Cour soulève tout d’abord que les délais prévus au Code civil du Québec pour l’exercice des droits hypothécaires sont des délais qui doivent être respectés et qui sont considérés comme étant des dispositions de droit substantif et non pas des délais de procédures. Toutefois, la Cour précise ne pas prétendre qu’il est absolument impossible d’autoriser une vente en vertu de l’article 243 L.f.i. si les préavis prévus au Code civil du Québec n’ont pas été transmis et que chaque cas doit demeurer un cas d’espèce.
Le Tribunal rejette toutefois la requête en nomination de séquestre et pour autorisation de vendre les actifs de la débitrice :
« [29] Or, en l’espèce, le tribunal ne voit pas pourquoi la requête de la créancière devrait être accueillie.
[30] En effet, celle-ci a choisi de ne pas signifier de préavis d’exercice de ses droits hypothécaires.
[31] Elle présente une requête le 24 novembre en vertu de laquelle le jugement doit être rendu la journée même à défaut de quoi l’offre d’achat devient nulle et non avenue.
[32] Si le législateur a décidé de prévoir que l’autorisation judiciaire est nécessaire pour autoriser un séquestre à vendre des actifs, cela sous-entend que le tribunal doit exercer cette discrétion judiciaire de façon éclairée.
[33] Les tribunaux tentent de donner le meilleur service possible aux contribuables. Nous pouvons même affirmer que la Cour supérieure du Québec est un tribunal efficace et qui tente de collaborer autant que possible à la réalisation efficace dans les dossiers d’insolvabilité.
[34] Par contre, il ne faut pas abuser de cette efficacité. Entre autres, notons qu’il y avait six heures de dossiers contestés en chambre de pratique aujourd’hui, en plus d’une requête pour soins et l’appel du rôle. Une deuxième division a donc permis d’entendre la présente requête.
[35] Le législateur a prévu que des préavis devaient être signifiés aux débiteurs.
[36] Ce ne sera que de façon exceptionnelle que des jugements seront rendus sans que ces délais ne soient respectés.
[37] Aussi, en l’instance, la requérante n’a pas démontré en quoi la vente par un séquestre nommé en vertu de l’article 243 LFI était nécessaire.
[38] Dans l’affaire 9113-7521 Québec inc., la vente sous 243 LFI était entre autres nécessaire parce que l’immeuble était contaminé. Dans la présente affaire, il s’agit de biens meubles dont la vente ne requiert pas cette protection.
[39] Aussi, le tribunal note que la prétention de la créancière est qu’à défaut d’autorisation accordée aujourd’hui même, il y aura faillite de la débitrice.
[40] Rien n’empêche la débitrice de vendre ses actifs et de payer les créanciers garantis à même le produit de la vente. Le tribunal ne voit pas en quoi la nomination d’un séquestre sous 243 LFI était essentielle pour qu’une vente des actifs soit complétée.
[41] D’ailleurs, même une faillite ne signifie pas automatiquement fermeture de l’entreprise. Si les opérations cessent ce sera suite à la décision des parties et non du tribunal. »
Commentaires
Même si la Cour soulève qu’il existerait une « controverse jurisprudentielle » quant à la nécessité de signifier au préalable les préavis d’exercice de recours hypothécaire du Code civil du Québec afin d’être autorisé à procéder à la vente des biens, la Cour précise au paragraphe 26 ne pas prétendre qu’il est absolument impossible d’autoriser une vente en vertu de l’article 243 LFI si les préavis d’exercice prévus au Code civil du Québec n’ont pas été transmis. En effet, selon certains auteurs, il est possible de demander l’autorisation de vendre les actifs d’un débiteur en vertu de l’article 243 L.f.i. même en l’absence d’un préavis d’exercice au sens du Code civil du Québec1.
Le texte intégral de la décision est disponible ici.
[1] Voir à cet effet : Alain Heyne
et Éric Lavallée, « Séquestre intérimaire et séquestre de la
partie XI de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité », dans
JurisClasseur Québec, coll. « Droit des affaires », Faillite,
nsolvabilité et restructuration, fasc. 9, Montréal, LexisNexis Canada, feuilles
mobiles, par. 150
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