01 Sep 2016

Facebook : recours en diffamation et atteinte à la réputation, suite à des propos publiés

Par Rachel Rioux-Risi
Avocate

Dans l’affaire Servant c. Richie, 2016 QCCQ 7282, il s’agit d’un
recours en dommages-intérêts pour diffamation et atteinte à la réputation et
ce, suite à des publications sur Facebook.

Faits

Nancy Servant (ci-après « Servant
») exploite des centres de travail adaptés se spécialisant dans les soins
pour une clientèle ayant des déficiences intellectuelles, des limitations
physiques et autres troubles similaires. Le directeur de ces établissements est
Mohamed Fekih Ahmed (ci-après « Ahmed »).

Ces centres sont chapeautés par le Centre intégré de santé et de
services sociaux de la Côte-Nord (ci-après « CISSS »).

La réputation de ces deux personnes et des centres de travail est
excellente et ce, autant auprès de la population que du CISSS.

Ahmed embauche Ian Richie (ci-après « Richie ») à titre de préposé. Celui-ci est congédie après seulement
16 heures de travail, car il ne répond nullement aux exigences et aux attentes
pour ce genre de poste.

C’est ainsi que Richie publie sur sa page Facebook et sur une page
publique un message sur ces centres de travail.

La Cour explique comme suit :  

[11] Suivant cette fin d’emploi, Ritchie
publie, notamment par le biais de sa page Facebook personnelle et celle de
«Spotted Sept-Îles», des propos faux et hautement diffamatoires ayant pour seul
et unique objectif de discréditer sans raison la réputation des demandeurs et
de ternir leur image, de même que celle des deux résidences qu’ils exploitent.

[12] En effet, le 29 février 2016,
Ritchie publie le message suivant :

«Tsé quand tu
travailles dans une résidence privée et que tu vois un préposé trainé une
bénéficiaire par les jambes c’est pas fort….Mais quand tu en parles a ton
patron et qu’il te mets a la porte en disant que tu critiques le travaille de
tes collèges….Alors on dit quoi….????
» (sic)

[13] Suivant cette publication, une
vingtaine de personnes ont commenté les dires de Ritchie, lui suggérant même
des moyens pour faciliter la diffusion de cette publication diffamatoire au
grand public, tel que l’utilisation de Spotted Sept-Îles.  Cette dernière
page Facebook est suivie par plus de 10 000 personnes, suivant la preuve.

[14] Le 1er mars 2016, Ritchie récidive
en écrivant sur la page Facebook Spotted Sept-Îles le message suivant :

«Salut, en
fin de semsine, j etais e nformation a la résidense mgt blanche et j ai vu un
prepose qui en est pas un traine par les pied une personne atteinte de
deficience intellectuel jusqu a sa chambre car elle fusait de cooperer. 
Quand j en ai parler a la prepose en chef elle m a dit qu elle en parlerai a la
patronne mais j ai recu un appel dans la journee me disant que j etais renvoyé
car je critique le travail de mes colegues alors faites gaffe aux résidences
privées vous savez ce qui se passe quand les poryes ce ferment
» (sic)

Les propos tenus par Richie enflamment les réseaux sociaux. Les gens de
Sept-Îles parlent de ces centres de travail.

Les informations se rendent jusqu’au CISSS. Le CISSS décide de mener
une enquête, laquelle conclura que les centres de travail sont bien gérés et
que la situation décrite par Richie ne s’est pas produite.

Malgré cela, les rumeurs et les fausses accusations demeureront.

Analyse

La Cour du Québec reprend quelques extraits de la décision Barbier
c. François,
2015 QCCQ 4832
, lesquels se résument comme suit.

Dans un recours en diffamation, outre le préjudice et le lien de
causalité, deux autres éléments doivent être démontrés :
1.  les propos reprochés sont
diffamatoires et ont été communiqués à au moins une autre personne que la
personne qui intente le recours ; et
2.    
celui qui a prononcé lesdits
propos a commis une faute.

L’évaluation du premier élément repose sur la norme objective :
est-ce qu’un citoyen ordinaire considérerait les propos tenus, dans son ensemble
et dans leur contexte, ont déconsidéré la réputation d’un tiers ? Des
propos peuvent être diffamatoires par l’idée qu’ils transmettent ou par les
insinuations qui s’en dégagent.

Bien que des propos diffamatoires puissent être existants, la responsabilité
civile de la personne qui les a prononcé ne sera engagée que s’il y a faute. Il
faut s’en remettre à l’article général de la responsabilité civile, soit
l’article 1457 du Code civil du Québec.

La faute résulte de deux types de conduites. La première est la
malveillance et la seconde est la négligence. Dans le premier cas, celui qui a
tenu les propos diffamatoires avait une intention de nuire, de s’attaquer, de
rire, etc. Dans le second cas, il n’y a pas de volonté de nuire. La personne a
tout simplement été téméraire, négligent ou inconscient.

Qu’en est-il de Monsieur Richie et des propos qu’il a tenus sur
Facebook ?

La Cour du Québec est d’avis que les propos de Monsieur Richie, ci-haut
reproduits, sont « nettement » diffamatoires (paragraphe 44). Ces derniers ont
atteints la réputation de Servant et Ahmed, lesquels avaient mis beaucoup d’efforts
et de travail pour offrir une bonne et belle réputation aux centres de travail
qu’ils dirigent.

Pour connaître l’analyse de la Cour sur la détermination du quantum,
nous vous invitons à lire la décision intégrale se trouvant ici.

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