Sommaire de la Cour d’appel : Petit c. Gagnon, 2023 QCCA 680
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
PROFESSIONS : L’appelant, un avocat ayant fait l’objet de plaintes disciplinaires, échoue à démontrer que les conseils de discipline souffrent de lacunes structurelles qui compromettent irrémédiablement leur indépendance et leur impartialité.
2023EXP-1409 ***
Intitulé : Petit c. Gagnon, 2023 QCCA 680
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Québec
Décision de : Juges François Doyon, Simon Ruel et Peter Kalichman
Date : 23 mai 2023
Références : SOQUIJ AZ-51940205, 2023EXP-1409 (14 pages)
-Résumé
PROFESSIONS — droit disciplinaire — divers — avocat — appel — Cour supérieure — contrôle judiciaire — Tribunal des professions — conseil de discipline — Barreau du Québec — constitutionnalité de dispositions législatives — droits judiciaires — article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne — indépendance et impartialité — critères à considérer — analyse contextuelle — président — membre — nomination — rémunération — inamovibilité — prestation de serment.
ADMINISTRATIF (DROIT) — contrôle judiciaire — justice naturelle — indépendance et impartialité institutionnelle — conseil de discipline — article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne.
DROITS ET LIBERTÉS — droits judiciaires — audition publique et impartiale par un tribunal indépendant — audition publique et impartiale par un tribunal indépendant — article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne — conseil de discipline — Barreau du Québec — indépendance et impartialité — critères à considérer — analyse contextuelle — président — membre — nomination — rémunération — inamovibilité — droit disciplinaire.
Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté un pourvoi en contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision du Tribunal des professions. Rejeté.
L’appelant, un avocat déclaré coupable dans 7 dossiers disciplinaires, a fait valoir que certains aspects du régime de discipline professionnelle contrevenaient aux garanties d’indépendance et d’impartialité institutionnelles prévues à l’article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne. La Cour supérieure a rejeté son pourvoi en contrôle judiciaire à l’encontre de la décision rendue par le Tribunal des professions, lequel avait notamment rejeté les conclusions recherchées dans des avis d’intention visant à soulever la question de l’inconstitutionnalité de dispositions du Code des professions et du Code de déontologie applicable aux membres des conseils de discipline des ordres professionnels.
Décision
Les conseils de discipline sont des organismes qui n’ont constitutionnellement aucune existence ou compétence autonome et ne font pas partie de l’ordre judiciaire. Afin de cerner les garanties d’indépendance et d’impartialité sur le plan structurel, il est nécessaire de les situer sur le spectre, le registre, la palette ou l’éventail des organismes administratifs. Pour ce faire, les critères contextuels retenus comprennent la nature de l’organisme, ses fonctions, ses attributs, son mode de fonctionnement, ses pouvoirs, ses compétences, le caractère final ou non de ses décisions, les parties touchées et la répercussion de ses décisions sur celles-ci ainsi que les intérêts en jeu, particulièrement à savoir si l’organisme tranche des litiges entre l’État et des administrés.
C’est à tort que l’appelant affirme que les critères définis dans Québec (Procureure générale) c. Barreau de Montréal (C.A., 2001-09-05), SOQUIJ AZ-50099903, J.E. 2001-1710, D.T.E. 2001T-914, [2001] R.J.Q. 2058, ont été rejetés ou redéfinis par les arrêts Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone (C.S. Can., 2003-06-26), 2003 CSC 36, SOQUIJ AZ-50180846, J.E. 2003-1227, D.T.E. 2003T-644, [2003] 1 R.C.S. 884, et Association des juges administratifs de la Commission des lésions professionnelles c. Québec (Procureur général), (C.A., 2013-10-02), 2013 QCCA 1690, SOQUIJ AZ-51006449, 2013EXP-3291, J.E. 2013-1791, [2013] R.J.Q. 1593. Ceux-ci ne font que réitérer l’importance d’une analyse contextuelle et globale pour déterminer le degré d’application des garanties d’indépendance et de l’impartialité structurelles des tribunaux et organismes administratifs.
En l’espèce, la Cour supérieure s’est livrée à cet exercice contextuel, et ses conclusions sont correctes ainsi que conformes au droit. Les conseils de discipline ne se trouvent pas à l’extrémité du spectre justifiant l’application d’un haut degré d’indépendance et d’impartialité structurelles ni, non plus, à l’autre extrémité, étroitement associée aux fonctions exécutives de l’État, mais se situent plutôt au niveau intermédiaire. Le législateur possède une marge de manoeuvre raisonnable pour aménager la composition, la nomination, la rémunération, la formation et la révocation des membres. Il ne revient pas aux tribunaux de légiférer sur ces questions. Par ailleurs, l’appelant se méprend en affirmant que les garanties structurelles d’indépendance et d’impartialité administratives requièrent la rémunération des pairs siégeant aux conseils de discipline. Leur participation volontaire et bénévole n’est pas de nature à diminuer leur indépendance, mais plutôt à la renforcer. C’est à bon droit qu’ont été rejetés les autres arguments de l’appelant concernant la distinction entre les présidents et les pairs ainsi que l’absence de serment.
La structure des conseils de discipline, qui sont assujettis au Code des professions et à ses règlements d’application, offre de solides garanties d’indépendance et d’impartialité, compte tenu du positionnement des conseils parmi l’éventail des tribunaux et organismes administratifs. Comme l’ont décidé les instances antérieures, il y a lieu de répondre par la négative à la question de savoir si une personne raisonnable et bien renseignée verrait les dispositions encadrant la participation des pairs comme une menace à leur indépendance ou à leur impartialité sur le plan structurel dans un grand nombre de cas.
Instance précédente : Juge Étienne Parent, C.S., Québec, 200-17-032100-216, 2021-11-12, 2021 QCCS 5073, SOQUIJ AZ-51814934.
Réf. ant : (C.D. Bar., 2017-11-09), 2017 QCCDBQ 094 et 2018 Q, SOQUIJ AZ-51446065; (C.D. Bar., 2017-11-10), 2017 QCCDBQ 093 et 2018 Q, SOQUIJ AZ-51446066, 2018EXP-3225; (C.D. Bar., 2018-05-07), 2018 QCCDBQ 046 et 2018 Q, SOQUIJ AZ-51498879; (T.P., 2018-09-06), 2018 QCTP 79, SOQUIJ AZ-51526466; (T.P., 2018-09-06), 2018 QCTP 80, SOQUIJ AZ-51526087; (C.D. Bar., 2018-11-22), 2018 QCCDBQ 111 et 2019 Q, SOQUIJ AZ-51553324, 2019EXP-3014; (C.D. Bar., 2019-02-26), 2019 QCCDBQ 008 et 2019 Q, SOQUIJ AZ-51576259; (C.D. Bar., 2019-02-28), 2019 QCCDBQ 012 et 2019 Q, SOQUIJ AZ-51577997; (C.D. Bar., 2019-08-08), 2019 QCCDBQ 061, SOQUIJ AZ-51621680; (T.P., 2019-09-26), 2019 QCTP 103, SOQUIJ AZ-51632345; (T.P., 2019-09-26), 2019 QCTP 104, SOQUIJ AZ-51632346, 2019EXP-3221; (T.P., 2021-02-08), 2021 QCTP 21, SOQUIJ AZ-51743218; (T.P., 2021-02-08), 2021 QCTP 22, SOQUIJ AZ-51743219; (T.P., 2021-02-08), 2021 QCTP 23, SOQUIJ AZ-51743220; (T.P., 2021-02-08), 2021 QCTP 24, SOQUIJ AZ-51743221; (T.P., 2021-02-08), 2021 QCTP 25, SOQUIJ AZ-51743222; (T.P., 2021-02-08), 2021 QCTP 26, SOQUIJ AZ-51743223; (T.P., 2021-02-08), 2021 QCTP 27, SOQUIJ AZ-51743224; (C.S., 2021-04-07), 2021 QCCS 1406, SOQUIJ AZ-51758503; (C.A., 2021-05-07), 2021 QCCA 745, SOQUIJ AZ-51764228; (C.S., 2021-11-12), 2021 QCCS 5073, SOQUIJ AZ-51814934, 2022EXP-205; (C.A., 2022-01-17), 2022 QCCA 60, SOQUIJ AZ-51822638, 2022EXP-342.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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