Sommaire de la Cour d’appel : Groupe TVA inc. c. Boulanger, 2023 QCCA 687
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
PROCÉDURE CIVILE : Le juge de première instance a erré en rejetant la demande conjointe des appelants en communication de documents détenus par le Bureau des enquêtes indépendantes et l’Unité permanente anticorruption, laquelle a été présentée dans le contexte d’une poursuite en diffamation de plus de 12 millions de dollars intentée contre ceux-ci par les intimés.
2023EXP-1397 **
Intitulé : Groupe TVA inc. c. Boulanger, 2023 QCCA 687
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Québec
Décision de : Juges Guy Gagnon, Geneviève Marcotte et Stéphane Sansfaçon
Date : 23 mai 2023
Références : SOQUIJ AZ-51940508, 2023EXP-1397 (16 pages)
PROCÉDURE CIVILE — administration de la preuve — production de documents — document en la possession d’un tiers — dossier d’enquête policière — recours en diffamation — interprétation de l’article 251 C.P.C. — connexité — pertinence — utilité — propos diffamatoires — véracité des propos — appel.
Appel d’un jugement rendu en cours d’instance par la Cour supérieure ayant rejeté une demande conjointe de communication de documents. Accueilli.
Les intimés, des policiers de la Sûreté du Québec ayant été «prêtés» à l’Unité permanente anticorruption, ont introduit une poursuite en diffamation contre les appelants, alléguant avoir été faussement identifiés par ceux-ci comme étant à l’origine de fuites de documents confidentiels. Les appelants ont déposé une demande de communication visant des documents détenus par des tiers. Le juge de première instance devait procéder uniquement sur le critère de la connexité qui se trouve à l’article 251 du Code de procédure civile (C.P.C.), les questions relatives à la communication des documents devant être examinées ultérieurement. Il a conclu que les documents demandés n’étaient pas pertinents puisque le débat ne porterait pas sur la véracité des insinuations ou des soupçons transmis par les médias, mais plutôt sur la manière dont ceux-ci avaient géré les informations obtenues.
Décision
Le juge a commis une erreur lorsqu’il a affirmé que, «peu importe que l’information soit vraie ou fausse quant à l’implication des intimés dans la divulgation d’informations confidentielles, ce qui [comptait était] le respect par les [appelants] des normes journalistiques» (paragr. 15). En l’espèce, même si la véracité des propos diffamatoires n’est pas le facteur déterminant, il s’agit d’un facteur pertinent pour l’analyse de la faute des appelants, particulièrement au vu des allégations de la demande des intimés, qui reprochent expressément aux appelants la diffusion de fausses informations à l’égard de leur conduite dans l’enquête qu’ils ont menée.
Le juge a aussi erré lorsqu’il a indiqué qu’«il y [avait] lieu de s’interroger sur la nécessité pour les médias d’obtenir le dossier de l’enquête policière» (paragr. 18). L’évaluation de la pertinence est fonction de l’utilité du document dont on recherche la communication plutôt que de sa nécessité. Par ailleurs, que les appelants disposent du témoignage des intimés rendu dans d’autres contextes ne fait pas obstacle à la démonstration de la pertinence des documents qu’ils cherchent à obtenir afin de vérifier le fondement des allégations de la demande, alors que la véracité du contenu de leurs publications est en cause. Enfin, la faute des appelants devra être analysée en tenant compte de différents éléments, tels que la véracité, la fausseté et l’intérêt public, à la lumière des informations détenues par les policiers relativement à l’enquête qui auront été rendues disponibles.
Les autres motifs invoqués par le juge pour rejeter la demande de communication n’avaient pas trait à l’analyse de la connexité en tant que telle. Il ne pouvait donc apprécier l’opportunité de la communication sans entraîner une violation de l’équité procédurale à l’égard des appelants, qui n’avaient pas eu l’occasion de débattre cette question en toute connaissance de cause. D’autre part, ses observations quant au caractère illégal de la communication aux médias entraient en conflit avec certains principes bien établis en matière de journalisme d’enquête et de protection des sources journalistiques.
Puisque les documents demandés paraissent se rapporter aux allégations contenues dans la demande en diffamation et semblent a priori susceptibles de faire progresser le débat en permettant aux appelants de se défendre, ils satisfont au critère de la connexité se trouvant à l’article 251 C.P.C. — si l’on garde à l’esprit que le concept de la «pertinence» s’apprécie généralement de manière large au cours de la phase exploratoire de l’instance. En conséquence, le dossier doit être renvoyé devant la Cour supérieure afin que celle-ci tranche la seconde étape du débat et détermine lesquels de ces documents devront être communiqués.
Instance précédente : Juge Clément Samson, C.S., Québec, 200-17-030325-195, 2022-04-05, 2022 QCCS 1642, SOQUIJ AZ-51850880.
Réf. ant : (C.S., 2022-04-05), 2022 QCCS 1642, SOQUIJ AZ-51850880, 2022EXP-1395; (C.A., 2022-08-29), 2022 QCCA 1161, SOQUIJ AZ-51876395, 2022EXP-2338.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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