Fraternité des policiers et policières de Montréal c. Procureur général du Québec, 2024 QCCA 1106
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
TRAVAIL : Puisque les aspects autres que le processus de nomination des membres d’un conseil de règlement des différends peuvent être dissociés de celui-ci, il n’y a pas lieu de déclarer invalides les articles 17, 30, 34 et 50 de la Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal.
2024EXP-2327***
Intitulé : Fraternité des policiers et policières de Montréal c. Procureur général du Québec, 2024 QCCA 1106
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal
Décision de : Juges Robert M. Mainville, Jocelyn F. Rancourt et Suzanne Gagné
Date : 29 août 2024
Références : SOQUIJ AZ-52053056, 2024EXP-2327, 2024EXPT-1715 (95 pages)
TRAVAIL — association de salariés et droit d’association — divers — Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal — validité constitutionnelle — régime de négociation — municipalité — pompiers — policiers — retrait du droit de grève — arbitrage de différends — caractère impératif — choix de l’arbitre — entrave substantielle au processus de négociation — déclaration d’invalidité.
DROITS ET LIBERTÉS — droits et libertés fondamentaux — association — association syndicale — droit d’association — convention collective — régime de négociation — municipalité — pompiers — policiers — Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal — validité constitutionnelle — retrait du droit de grève — arbitrage de différends — caractère impératif — choix de l’arbitre — entrave substantielle au processus de négociation — déclaration d’invalidité — suspension.
Appel et appel incident d’un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli en partie un pourvoi en contrôle judiciaire. Appel et appel incident rejetés, avec dissidence.
Le juge de première instance a déclaré inconstitutionnels les articles 10, 11, 12, 25 et 26 de la Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal, estimant que certains aspects du régime de règlement des différends prévu par le législateur en remplacement du droit de grève constituaient une entrave substantielle et injustifiée à la liberté d’association. Les syndicats appelants souhaitent que la Cour étende la déclaration d’inconstitutionnalité à l’ensemble des mécanismes de règlement des différends applicables aux pompiers et aux policiers, à la disposition établissant à 5 ans la durée minimale d’une convention collective de même qu’à certaines dispositions modificatives, transitoires et finales. Les appelants incidents, quant à eux, demandent à la Cour de casser la déclaration d’inconstitutionnalité prononcée en première instance.
Décision
Mme la juge Gagné: Contrairement au processus qui existait antérieurement, la liste des personnes reconnues aptes à être membres d’un conseil de règlement des différends (CRD) ne reçoit pas nécessairement l’aval des parties. Ainsi, les parties tant syndicale que patronale peuvent être en désaccord avec la liste des candidats recommandés par le comité de sélection et, par le fait même, avec la nomination des membres d’un CRD. De plus, contrairement aux arbitres nommés en vertu du Code du travail, les membres d’un CRD ne sont assujettis à aucune règle visant à assurer leur compétence et leur impartialité. Dans un tel contexte, le processus de nomination des membres d’un CRD porte atteinte à l’équité et à l’efficacité du mécanisme de règlement des différends. C’est donc à bon droit que le juge a estimé que celui-ci ne constituait pas un substitut adéquat au droit de grève, ce qui scelle le sort de l’appel incident. En revanche, les autres aspects invoqués relativement au régime de règlement des différends, soit les critères décisionnels, la durée de la décision et le partage des frais en parts égales, ne rendent pas le mécanisme d’arbitrage insatisfaisant au regard de l’article premier de la Charte canadienne des droits et libertés. Ces aspects pouvant être dissociés du processus de nomination des membres, il n’y a pas lieu de déclarer invalides les articles 17, 30, 34 et 50 de la loi. Enfin, bien que la durée minimale de 5 ans des conventions collectives puisse paraître longue, elle ne compromet pas la capacité des salariés du secteur municipal de se regrouper et de poursuivre des objectifs communs en période de négociation collective. Étant donné le temps écoulé depuis le jugement de première instance, il convient de suspendre la déclaration d’invalidité pour une période de 6 mois à compter de la date du présent arrêt.
M. le juge Rancourt, dissident: Le mécanisme de rechange retenu par le législateur est adéquat, indépendant et efficace. Notamment, rien ne permet de soutenir que la présence majoritaire des représentants du gouvernement au comité de sélection emportera comme conséquence la nomination d’un membre du CRD à la solde de l’employeur. La loi passe ainsi avec succès le test de la justification accrue au regard de l’article 1 de la charte canadienne.
Instance précédente : Juge Lukasz Granosik, C.S., Montréal, 500-17-104725-182, 2021-10-05, 2021 QCCS 4105 (jugement rectifié le 2021-10-18), SOQUIJ AZ-51797338.
Réf. ant : (C.S., 2021-10-05), 2021 QCCS 4105, SOQUIJ AZ-51797338, 2021EXP-2551, 2021EXPT-1740.
Le texte intégral de la décision est disponible ici.
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