Ville de Saint-Constant c. Vachon, 2024 QCCA 1090
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
PROCÉDURE CIVILE : En matière d’outrage au tribunal, l’emprisonnement peut être envisagé comme mesure coercitive en cas de violation d’une ordonnance de faire, mais également d’une ordonnance de ne pas faire; une peine d’emprisonnement de 30 jours est imposée à l’intimé, déclaré coupable sous 5 chefs liés à une ordonnance de non-harcèlement de tout employé, élu ou fonctionnaire de la municipalité appelante ainsi que sous 1 autre chef en lien avec l’ordonnance d’interdiction d’approcher.
2024EXP-2187***
Intitulé : Ville de Saint-Constant c. Vachon, 2024 QCCA 1090 *
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal
Décision de : Juges Robert M. Mainville, Stephen W. Hamilton et Peter Kalichman
Date : 27 août 2024
Références : SOQUIJ AZ-52052539, 2024EXP-2187 (10 pages)
–Résumé
PROCÉDURE CIVILE — outrage au tribunal — injonction permanente — violation de l’ordonnance — ordonnance de ne pas faire — non-harcèlement — élu municipal — employé — fonctionnaire — interdiction d’approcher — détermination de la peine — amende — interprétation de l’article 62 C.P.C. — objectif coercitif — gradation des peines — appel — norme d’intervention — erreur de principe — gravité de l’infraction — récidive — mépris envers le système judiciaire — conséquences pour les victimes — proportionnalité de la peine — emprisonnement.
INJONCTION — jugement final — outrage au tribunal — violation de l’ordonnance — ordonnance de ne pas faire — non-harcèlement — élu municipal — employé — fonctionnaire — interdiction d’approcher — détermination de la peine — amende — interprétation de l’article 62 C.P.C. — objectif coercitif — gradation des peines — appel — norme d’intervention — erreur de principe — gravité de l’infraction — récidive — mépris envers le système judiciaire — conséquences pour les victimes — proportionnalité de la peine — emprisonnement.
INJONCTION — principes généraux — divers — outrage au tribunal — emprisonnement — objectif coercitif — violation de l’ordonnance — ordonnance de ne pas faire — interprétation de l’article 62 C.P.C.
MUNICIPAL (DROIT) — divers — employé — fonctionnaire — élu — injonction permanente — ordonnance de ne pas faire — non-harcèlement — interdiction d’approcher — violation de l’ordonnance — outrage au tribunal — détermination de la peine — amende — appel — norme d’intervention — erreur de principe — emprisonnement.
Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant déclaré l’intimé coupable d’outrage au tribunal et l’ayant condamné à un paiement punitif. Accueilli en partie.
Le juge de première instance a déclaré l’intimé coupable sous 6 des 7 chefs d’accusation d’outrage au tribunal portés contre lui en lien avec une injonction permanente prononcée à son endroit, soit 5 chefs liés à une ordonnance de non-harcèlement de tout employé, élu ou fonctionnaire de la municipalité appelante et 1 chef lié à une interdiction d’approcher, et il l’a condamné à payer des amendes. Selon le juge, lorsque l’outrage au tribunal concerne un ordre de ne pas faire quelque chose, l’emprisonnement n’est pas possible, car l’objectif serait de punir le contrevenant et non de le contraindre à respecter les ordonnances du tribunal. Au soutien de son appel, l’appelante reproche notamment au juge d’avoir omis de respecter le principe de la gradation des peines ainsi que d’avoir erronément conclu que l’emprisonnement n’était pas une sanction envisageable dans les circonstances. Elle demande que le jugement soit infirmé quant à la peine et que, en plus de l’amende de 4 500 $, l’intimé soit emprisonné pendant 8 semaines.
Décision
La norme d’intervention en matière de détermination de la peine pour outrage au tribunal est élevée. Seule une peine manifestement non indiquée ou une erreur de principe ayant une incidence sur la peine justifieront l’intervention de la Cour.
Le juge de première instance a commis une erreur de principe. Dans Lacroix c. Autorité des marchés financiers (C.A., 2020-07-07), 2020 QCCA 873, SOQUIJ AZ-51693456, 2020EXP-1702, la Cour d’appel a confirmé que, puisque les 2 seules sanctions applicables pour punir les outrages au tribunal en matière civile sont le paiement d’une amende et les travaux d’utilité sociale, toutes deux se trouvant au premier alinéa de l’article 62 du Code de procédure civile, le législateur a exclu l’emprisonnement comme sanction de nature punitive étant donné qu’il s’agit plutôt d’une mesure coercitive. Dans le présent dossier, il est manifeste qu’aucune distinction n’a été établie entre les ordonnances de faire et celles de ne pas faire. La Cour d’appel a conclu que l’emprisonnement pouvait remplir la même fonction coercitive, et ce, qu’il s’agisse d’une ordonnance de faire ou de ne pas faire.
En ce qui a trait au principe de la gradation des peines, celui-ci n’a certes pas été respecté par le juge, mais pas pour les motifs avancés par l’appelante. En l’espèce, la sanction imposée correspondait précisément à la demande formulée par cette dernière. De plus, à aucun moment le juge n’a avisé les parties qu’il envisageait une peine plus sévère que celle sollicitée.
Le juge ayant erré en concluant que l’emprisonnement n’était pas une issue possible, il revient à la présente cour de déterminer s’il y a lieu ou non de l’ordonner. Comme cela a été affirmé dans Lacroix, l’emprisonnement ne devrait être ordonné qu’exceptionnellement, lorsqu’il est nécessaire et proportionnel, ce qui est le cas en l’espèce. L’intimé a fait preuve de mépris à l’égard de l’autorité des tribunaux non seulement en contrevenant à plusieurs reprises à l’ordonnance de non-harcèlement, mais aussi en intensifiant la gravité de ses infractions en agressant physiquement l’une des employées de l’appelante. Il continue à faire preuve d’une attitude de défiance malgré les multiples constatations d’outrage au tribunal et, puisqu’il ne reconnaît pas ses torts, il n’y a aucune raison de croire qu’il cessera de violer les ordonnances rendues contre lui. Dans ces circonstances, comme aucune autre mesure n’a permis d’assurer le respect des ordonnances par l’intimé, l’emprisonnement s’impose. En outre, compte tenu de la gravité de ses gestes de même que de leurs répercussions sur le bien-être physique et psychologique des employés, des représentants et des élus de l’appelante, une telle peine est proportionnelle. Une peine d’emprisonnement de 30 jours est ainsi appropriée.
Instance précédente : Juge Lukasz Granosik, C.S., Longueuil, 505-17-011545-193, 2023-02-22, 2023 QCCS 563, SOQUIJ AZ-51918249.
Réf. ant : (C.S., 2023-02-22), 2023 QCCS 563, SOQUIJ AZ-51918249; (C.A., 2023-05-18), 2023 QCCA 681, SOQUIJ AZ-51940244.
Suivi : Requête pour suspendre l’exécution d’un jugement rejetée (C.A., 2024-08-29), 2024 QCCA 1119, SOQUIJ AZ-52053909.
Le texte intégral de la décision est disponible ici.
Commentaires (0)
L’équipe du Blogue vous encourage à partager avec nous et nos lecteurs vos commentaires et impressions afin d’alimenter les discussions sur le Blogue. Par ailleurs, prenez note du fait qu’aucun commentaire ne sera publié avant d’avoir été approuvé par un modérateur et que l’équipe du Blogue se réserve l’entière discrétion de ne pas publier tout commentaire jugé inapproprié.