Cardin c. R., 2024 QCCA 1567
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
PÉNAL (DROIT) : Rien ne permet d’établir une distinction dans la norme de persuasion applicable à la première étape de la démarche exposée dans R. c. Carter (C.S. Can., 1982-06-23), SOQUIJ AZ-82111064, J.E. 82-660, [1982] 1 R.C.S. 938, entre les infractions de complot et les infractions substantielles; la norme de preuve hors de tout doute raisonnable s’applique lorsque le juge des faits détermine, à cette étape, si la preuve démontre l’existence d’un projet commun pour une infraction de complot ou une infraction substantielle.
2024EXP-2949***
Intitulé : Cardin c. R., 2024 QCCA 1567
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal
Décision de : Juges François Doyon, Mark Schrager, Patrick Healy, Simon Ruel et Frédéric Bachand
Date : 25 novembre 2024
Références : SOQUIJ AZ-52074660, 2024EXP-2949 (23 pages)
PÉNAL (DROIT) — procédure pénale — procédure fédérale — procès devant jury — déclaration de culpabilité — fraude — complot — directives du juge au jury — recevabilité de la preuve — ouï-dire — exception relative aux coconspirateurs — participation — projet commun — fardeau de la preuve — preuve hors de tout doute raisonnable — appel.
PÉNAL (DROIT) — infraction — opérations frauduleuses — fraude — plus de 5 000 $ — gouvernement fédéral — Agence du revenu du Canada — complot — procès devant jury — déclaration de culpabilité — directives du juge au jury — recevabilité de la preuve — ouï-dire — exception relative aux coconspirateurs — participation — projet commun — fardeau de la preuve — preuve hors de tout doute raisonnable — appel.
PÉNAL (DROIT) — preuve pénale — recevabilité de la preuve — ouï-dire — exception relative aux coconspirateurs — participation — complot — fraude — projet commun — fardeau de la preuve — preuve hors de tout doute raisonnable — appréciation de la preuve — preuve documentaire — preuve circonstancielle — appel.
Appel d’un verdict de culpabilité. Rejeté.
L’appelant se pourvoit à l’encontre du verdict rendu par un jury l’ayant déclaré coupable d’une fraude de plus de 5 000 $ à l’endroit de l’Agence du revenu du Canada (ARC). L’appelant et d’autres personnes avaient organisé des séminaires au cours desquels ils informaient les participants d’une méthode permettant de déclarer des dépenses personnelles à titre de déductions d’entreprises au moyen d’un formulaire, déductions auxquelles ils n’avaient pas droit puisque les entreprises en question n’exerçaient en fait aucune activité. Au total, 49 personnes ont agi sur la foi de ces informations, ce qui a entraîné une cinquantaine de réclamations totalisant plus de 1 million de dollars, lesquelles ont toutes été rejetées par l’ARC.
L’appelant a subi un long procès conjoint portant sur 1 seule accusation de fraude dans lequel aucun des 2 accusés n’était représenté par un avocat. Le poursuivant alléguait que l’appelant était coupable du fait de la complicité et de l’existence d’un projet commun qui permettait la preuve d’actes manifestes.
L’appelant reproche au juge d’avoir donné des directives erronées aux membres du jury. Le juge aurait erré en leur disant que, à la première étape de la démarche établie dans l’arrêt R. c. Carter (C.S. Can., 1982-06-23), SOQUIJ AZ-82111064, J.E. 82-660, [1982] 1 R.C.S. 938, ils devaient décider, selon la prépondérance des probabilités, si l’appelant et les autres personnes avaient agi en vue de la réalisation d’un projet commun. L’appelant soutient que la norme applicable à cette question est celle de la preuve hors de tout doute raisonnable. Le juge aurait aussi commis une erreur en recevant, à titre de preuve de la fraude invoquée, des documents préparés par 42 des 49 participants, sans toutefois exiger que ceux-ci témoignent. Selon l’appelant, le poursuivant était tenu de prouver les déclarations frauduleuses présentées par chacun des 49 participants qui avaient agi conformément au plan et il était de plus tenu d’appeler ces derniers à témoigner.
Décision
M. le juge Healy: À la lumière de la jurisprudence, rien ne permet d’établir une distinction dans la norme de persuasion applicable à la première étape de la démarche exposée dans Carter entre les infractions de complot et les infractions substantielles. La norme de preuve hors de tout doute raisonnable s’applique lorsque le juge des faits détermine, à cette étape, si la preuve démontre l’existence d’un projet commun pour une infraction de complot ou une infraction substantielle.
Les arrêts R. c. Sutton (C.S. Can., 2000-11-09), 2000 CSC 50, SOQUIJ AZ-50080628, J.E. 2000-2147, [2000] 2 R.C.S. 595, et R. c. Sebbag (C.A., 2004-03-24), SOQUIJ AZ-50260041, J.E. 2004-1568, ont été supplantés sur cette question, sans reconsidération formelle de la divergence d’opinions existant dans Sutton. Dans Sebbag, aucune attention n’a été portée à cette question, et la Cour ne l’a abordée dans aucune autre décision. La directive donnée en l’espèce par le juge au jury, soit de suivre l’approche privilégiée dans Sebbag, était donc erronée.
Or, même en présence d’une directive conforme, le verdict aurait inévitablement été identique. La preuve d’un projet commun était accablante et ne suscitait aucun doute. Le projet commun était admis, et seule son illégalité était contestée. Or, cette illégalité est incontestable. D’autre part, l’appelant n’a subi aucun préjudice puisque, de toute manière, la preuve hors de tout doute raisonnable du projet commun était exigée avant de déterminer s’il existait une preuve selon laquelle il avait participé à la fraude.
Enfin, les documents déposés par le poursuivant sont des éléments de preuve substantiels. Ils n’ont pas été produits pour établir la véracité de leur contenu, mais à titre de preuve circonstancielle de leur dépôt auprès de l’ARC, ce qui appuierait la portée et la nature frauduleuse du mécanisme de déductions mis de l’avant par l’appelant et les autres participants. Ils étaient recevables sans que les participants soient cités à témoigner personnellement.
Ainsi, il y a lieu de rejeter l’appel et de déclarer que les arrêts Sebbag et LSJPA — 1915 (C.A., 2019-05-06), 2019 QCCA 786, SOQUIJ AZ-51593077, 2019EXP-1341, ne font plus autorité.
Instance précédente : Juge Pierre Labrie, C.S., Laval, 540-73-000405-177 SEQ. 001, 2020-12-21.
Réf. ant : (C.S., 2021-03-09), 2021 QCCS 930, SOQUIJ AZ-51752754, 2021EXP-1383; (C.A., 2021-03-29), 2021 QCCA 523, SOQUIJ AZ-51755071; (C.A., 2024-02-28), 2024 QCCA 325, SOQUIJ AZ-52012737.
Le texte intégral de la décision est disponible ici.
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